Cas de comptoir
Le contexte :
Un homme se présente à la pharmacie et demande une contraception d’urgence pour sa fille. Pouvez-vous délivrer ?
Votre réponse :
- Si la femme est mineure : rappelons que, selon l’article D5134-1 du Code de la santé publique, la délivrance aux mineures des médicaments de la contraception d'urgence est effectuée dans les conditions de confidentialité permettant la tenue d'une conversation à l'abri des tiers. La délivrance par le pharmacien est précédée d'un entretien au cours duquel le pharmacien s'assure notamment que la situation de la jeune fille correspond aux critères d'urgence et aux conditions d'utilisation de cette contraception. « La dispensation via un intermédiaire ne permet pas remplir cette obligation », explique Meddispar.
- Si la femme est majeure : les textes n’obligent pas la présence de la femme concernée.
Définitions
- Contraception d’urgence : méthode de rattrapage qu’une femme peut utiliser pour prévenir la survenue d’une grossesse non désirée après un rapport non ou mal protégé.
- Salpingite : infection bactérienne des trompes de Fallope, dans la grande majorité des cas lors d’un rapport sexuel non protégé. La bactérie la plus souvent mise en cause est Chlamydiae trachomatis.
- Grossesse extra-utérine (GEU) : nidation de l’œuf fécondé en dehors de l’utérus, le plus souvent dans une trompe de Fallope.
Mécanismes pharmacologiques
Rappels sur le cycle menstruel
Le cycle menstruel est régulé par différentes hormones : les hormones folliculo-stimulante (FSH) et lutéinisante (LH), sécrétées par l’hypophyse sous le contrôle de la gonadolibérine libérée par l’hypothalamus, et les œstrogènes et la progestérone, produites par les ovaires.
Lors de la phase folliculaire, le taux de FSH augmente et entraîne le développement de follicules, mais un seul deviendra mature et produira des œstrogènes. La sécrétion de FSH s’accompagne alors d’un pic de LH qui va déclencher l’ovulation vers le 14e jour du cycle. Puis lors de la phase lutéale, les taux de FSH et de LH diminuent et le follicule ayant libéré l’ovule se transforme en corps jaune et sécrète de la progestérone. Les taux élevés d’œstrogènes et de progestérone stimulent l’épaississement de l’endomètre en vue d’une éventuelle nidation. En l’absence de fécondation, le corps jaune dégénère, les taux d’œstrogènes et de progestérone diminuent et de nouvelles menstruations démarrent.
Si la durée moyenne du cycle féminin est de 28 jours, il peut en réalité varier entre 23 et 35 jours selon les femmes, mais aussi selon leur état de fatigue, de stress… Il n’est donc pas toujours aisé de savoir à quel moment va survenir l’ovulation.
D’autre part, la durée de vie d’un ovule est de 24 heures, tandis que les spermatozoïdes peuvent survivre 3 à 5 jours. La fenêtre de fécondité se situe donc dans les quelques jours précédant l’ovulation et jusqu’à 24 heures après.
Principe d’action de la contraception d’urgence hormonale
Deux molécules sont utilisées per os en contraception d’urgence : le lévonorgestrel dosé à 1,5 mg et l’ulipristal acétate dosé à 30 mg. Elles agissent toutes deux en bloquant et/ou en retardant l’ovulation par la suppression du pic de LH. Elles n’ont par conséquent pas d’effet contraceptif d’urgence si elles sont administrées après ce pic.
Principe d’action du DIU au cuivre
La contraception d’urgence peut également faire appel à la pose d’un dispositif intra-utérin (DIU) au cuivre dans les 5 jours suivant le rapport à risque. Celui-ci empêche l’implantation de l’ovocyte fécondé dans l’utérus en créant une inflammation locale de l’endomètre. De plus, le cuivre a un effet cytotoxique sur les gamètes : les spermatozoïdes sont altérés et la fécondation est alors impossible.
Les stérilets au cuivre sont efficaces dès le jour de leur insertion et peuvent être utilisés en contraception à long terme, pour une durée de 5 ans maximum. Cette méthode est en réalité la plus efficace mais obtenir un rendez-vous chez une sage-femme ou un médecin pour la prescription et la pose du DIU peut être un facteur limitant.
Les DIU sont contre-indiqués en cas de malformations utérines, d’infections en cours ou de saignements inexpliqués. À l’inverse, ils peuvent être utilisés sans aucun problème chez les femmes nullipares. Enfin, ils peuvent avoir des effets sur les règles, et notamment provoquer des saignements plus importants que d’habitude.
Les produits du conseil
Le lévonorgestrel
Le lévonorgestrel est un progestatif de synthèse. Il doit être administré le plus tôt possible après un rapport non protégé dans un délai maximal de 72 heures, à n’importe quelle période du cycle menstruel. Son efficacité est cependant beaucoup plus grande s’il est administré dans les 12 premières heures.
Son usage est déconseillé chez les femmes présentant un risque de grossesse ectopique (antécédents de salpingite ou de GEU). Si son usage était auparavant déconseillé chez les femmes pesant plus de 75 kg, il est désormais possible quel que soit le poids corporel ou l’IMC de la femme puisque les données de baisse d’efficacité étaient limitées et non concluantes. Selon le RCP : « chez toutes les femmes, le contraceptif d’urgence doit être pris le plus rapidement possible après les rapports non protégés, quel que soit le poids corporel ou l’IMC de la femme. »
Le lévonorgestrel peut être à l’origine de troubles des règles, de troubles digestifs, de céphalées, de vertiges ou de tension mammaire. Son efficacité peut être diminuée par la prise d’inducteurs enzymatiques (phénobarbital, phénytoïne, primidone, carbamazépine, rifabutine, rifampicine, griséofulvine, ritonavir, millepertuis). En cas de prise d’une de ces molécules dans les 4 dernières semaines, mieux vaut utiliser un stérilet au cuivre comme contraceptif d’urgence.
Le lévonorgestrel est à prendre de préférence dans les 12 heures, et au plus tard dans les 72 heures
L’ulipristal acétate
Il est un modulateur spécifique des récepteurs à la progestérone. Il doit être administré le plus tôt possible après le rapport non protégé, à n’importe quelle période du cycle menstruel, et au maximum 120 heures après (5 jours).
Son usage n’est pas recommandé en cas d’insuffisance hépatique sévère et d’asthme sévère insuffisamment contrôlé par un glucocorticoïde oral. Il peut provoquer les mêmes effets indésirables que le lévonorgestrel mais aussi des troubles de l’humeur, des myalgies ou des douleurs pelviennes. L’ulipristal présente les mêmes interactions médicamenteuses que le lévonorgestrel.
Tout comme le lévonorgestrel, des données limitées et non concluantes semblent indiquer que l’ulipristal a une efficacité diminuée avec l’augmentation du poids corporel ou de l’IMC. En pratique, chez toutes les femmes, le contraceptif d’urgence doit être pris le plus rapidement possible après les rapports non protégés, quels que soient le poids corporel ou l’IMC de la femme (RCP).
5 jours, c’est le délai pour administrer ulipristal ou poser un DIU au cuivre en contraception d’urgence
Mener l’entretien
Accès à la contraception d’urgence hormonale
Toutes les femmes, et notamment les plus jeunes, doivent savoir qu’elles peuvent obtenir une pilule du lendemain non seulement à la pharmacie mais aussi au collège, au lycée, à la faculté, au planning familial ou encore dans un centre de santé sexuelle.
Depuis le 1er janvier 2023, cette délivrance se fait à titre gratuit et sans prescription médicale à l’officine. De plus, les jeunes filles mineures peuvent bénéficier d’une délivrance anonyme.
Les questions à poser
La Haute Autorité de santé recommande de diriger si possible vers un espace de confidentialité, et de mettre en confiance sans porter de jugement. Des questions sont à poser pour cerner le contexte et juger de l’opportunité de proposer une contraception d’urgence hormonale :
- De quand date le dernier rapport sexuel non protégé ? Les délais à respecter vont jusqu'à 72 heures pour le lévonorgestrel et jusqu'à 120 heures pour l'ulipristal acétate. « Si le rapport date de plus de 120 heures, conseiller de surveiller la survenue des prochaines règles et en cas de doute, faire un test de grossesse et consulter », recommande la HAS.
- Existe-t-il une hypersensibilité au lévonorgestrel ou à l’uripristal ?
- Interroger sur les précautions d’emploi et les interactions médicamenteuses.
Un usage qui doit rester exceptionnel
L’utilisation de la contraception d’urgence hormonale doit rester exceptionnelle car elle perturbe le cycle féminin et son efficacité n’est pas optimale. Elle ne remplace donc en aucun cas une contraception régulière associée à un suivi gynécologique.
Oubli de pilule : la règle des 12-7-5
Lorsque la patiente suit une contraception hormonale régulière, la règle des 12-7-5 s’applique en cas d’oubli de pilule.
Ainsi, dans la majorité des cas, si l’oubli date de moins de 12 heures, il suffit de prendre le comprimé oublié et de prendre le suivant à l’heure prévue sans qu’il y ait de risque de grossesse.
Si l’oubli est supérieur à 12 heures, il faut tout de même prendre le comprimé oublié et le suivant à l’heure prévue (même si cela implique d’en prendre 2 à la fois) et se protéger à l’aide de préservatifs pendant les 7 jours qui suivent l’oubli. De plus, s’il y a eu des rapports non protégés dans les 5 jours précédant l’oubli, une contraception d’urgence est nécessaire afin d’éviter une grossesse non désirée.
La pilule Microval (lévonorgestrel) représente une exception puisque le délai pour rattraper une prise oubliée n’est que de 3 heures.
Enfin, pour une pilule œstroprogestative classique, si l’oubli concerne un des 7 derniers comprimés actifs, la patiente doit enchaîner la plaquette suivante sans interruption ou sans prendre les placebos de la plaquette en cours.
Réagir en cas de vomissements ou de forte diarrhée
En cas de vomissements ou de fortes diarrhées dans les 3 heures suivant la prise d’une pilule du lendemain, il est indispensable de prendre un nouveau comprimé.
Surveiller l’apparition des prochaines règles
La prise d’une contraception d’urgence hormonale peut modifier légèrement la date d’apparition des règles. En cas de retard de plus de 5 à 7 jours ou de saignements anormaux, il est nécessaire de faire un test de grossesse et de consulter.
Ne protège pas des IST
Il est indispensable de rappeler aux patientes que la contraception d’urgence ne protège en aucun cas des infections sexuellement transmissibles (IST). Si le rapport non protégé a eu lieu dans le cadre d’une relation non suivie, un dépistage est donc nécessaire.
D’ailleurs, depuis le 1er septembre 2024, l’accès direct aux dépistages de quatre IST en plus du VIH est possible à la demande du patient, sans ordonnance et sans rendez-vous, dans tous les laboratoires de biologie médicale, y compris les laboratoires des établissements de santé. Ce dispositif appelé « Mon test IST » permet de dépister VIH, VHB, syphilis, gonorrhée et chlamydiose. Il est pris en charge à 100 % chez les moins de 26 ans. Les personnes préférant rester anonymes peuvent s’adresser aux centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD).
Des documents à remettre
La délivrance de la contraception d’urgence doit être accompagnée d’une information écrite, concise et aisément compréhensible mentionnant les consultations d’information et de suivi de contraception prises en charge sans avance de frais pour les femmes de moins de 26 ans.
Lors de la délivrance, le pharmacien remet les documents d’information et d’éducation sur la contraception d’urgence, élaborés par l’assurance-maladie et le Cespharm : le dépliant d’aide à la dispensation et la carte d’information déclinée en 6 versions (métropole, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et Réunion).
Conseils associés
La délivrance d’une contraception d’urgence peut s’accompagner de celle d’un test de grossesse, à faire si un retard de règles survient, et de préservatifs afin de se protéger les 7 jours suivant la prise de la pilule du lendemain.
Du tac au tac
- « J’ai oublié ma pilule hier soir et je vais passer le week-end chez mon copain. Que dois-je faire ? »
Il faut prendre sans attendre la pilule oubliée et reprendre la suivante à l’heure prévue. Si vous n’avez pas eu de rapport ces 5 derniers jours, il est inutile de prendre une pilule du lendemain. En revanche, il faudra vous protéger avec des préservatifs lors des 7 prochains jours.
- « Je suis sous pilule œstroprogestative et je n’en ai pas oublié, mais j’ai eu un rapport non protégé pendant ma semaine d’interruption entre 2 plaquettes. Faut-il que je prenne une pilule du lendemain ? »
Non, tant que vous n’en avez pas oublié et que vous reprenez bien votre pilule après les 7 jours de pause, l’effet contraceptif est assuré.
- « Je viens d’apprendre que je suis enceinte mais j’ai pris une pilule du lendemain récemment. »
Rassurez-vous, il n’a pas été noté d’effet malformatif chez les fœtus suite à la prise de lévonorgestrel ou d’ulipristal. La grossesse peut donc être poursuivie.
- « Je suis mineure et je n’ai pas envie que mes parents sachent que j’ai eu besoin de prendre la pilule du lendemain. »
Je peux vous proposer de faire une délivrance anonyme, cela restera entre nous.
- « Je donne encore le sein à mon bébé et j’ai besoin de prendre une pilule du lendemain. Puis-je continuer à allaiter ? »
Oui, il n’y a pas besoin de suspendre l’allaitement après la prise. Contrairement aux données des RCP du lévonorgestrel et de l’ulipristal qui recommandent respectivement une suspension de 8 heures et de 7 jours, le CRAT et les données d’Ameli mises à jour le 28 novembre 2024 indiquent que la quantité ingérée par le bébé via le lait est très faible et qu’aucun événement particulier n’a été signalé. Il n’y a donc pas besoin de suspendre l’allaitement.
Testez-vous
1. Combien de temps les spermatozoïdes peuvent-ils survivre dans les voies génitales féminines après un rapport ?
a) 24 heures ;
b) 2 à 3 jours ;
c) 3 à 5 jours.
2. Quelles sont les contre-indications à la pose d’un DIU au cuivre ?
a) Les malformations utérines ;
b) Des saignements inexpliqués ;
c) La nulliparité.
3. Amélie, 34 ans, 62 kg a oublié sa pilule hier. Son dernier rapport date d’il y a 8 jours et elle doit revoir son compagnon le lendemain. Que faut-il lui conseiller ?
a) Utiliser un contraceptif d’urgence ;
b) Prendre immédiatement le comprimé oublié et le suivant à l’heure habituelle ;
c) Utiliser une protection mécanique les 7 prochains jours.
4. Lou, 16 ans, 53 kg, n’a pas de contraception. Elle a eu un rapport non protégé pour la première fois ce matin. Que faut-il lui conseiller ?
a) La prise d’un comprimé de lévonorgestrel ;
b) Une consultation afin d’instaurer une contraception régulière ;
c) Un dépistage IST.
Réponses : 1. c) ; 2. a) et b) ; 3. c) ; 4. b et c) ; 5. a, b et c).
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