Cas de comptoir
Le contexte :
« Mon fils Éloi prépare un concours de musique. Il doit mémoriser plusieurs morceaux et j’aimerais éviter qu’il soit trop fatigué pour son épreuve. Que me conseillez-vous ? »
Votre réponse :
« En vue d’un examen, une cure de magnésium peut améliorer le stress et la fatigue. Pour assurer une bonne mémorisation, il faudra veiller à la qualité de son sommeil et de son alimentation, riche en fruits, légumes, fibres et acides gras oméga-3. »
En théorie
La mémoire est la fonction biologique et psychique permettant d’intégrer, de conserver et de restituer des informations. La mémoire se compose de cinq systèmes interconnectés dont les réseaux neuronaux sont différents.
Il existe ainsi la mémoire à court terme, ou de travail, qui permet de stocker des informations importantes pendant une période courte. La mémoire sémantique (concernant le langage, les connaissances sur le monde ou sur soi) et la mémoire épisodique (intégrant le processus de mémorisation des évènements vécus avec leur contexte) sont deux systèmes de représentation consciente à long terme. La mémoire procédurale permet des automatismes inconscients (comme faire ses lacets ou du vélo) tandis que la mémoire perceptive est liée aux différentes modalités sensorielles (vue, ouïe, odorat, goût et toucher). Ces quatre dernières mémoires constituent la mémoire à long terme.
Pour avoir une bonne mémoire, il faut une bonne capacité d’acquisition des connaissances, liée à l’attention, mais aussi une bonne capacité à stocker et à rappeler les informations.
De nombreux facteurs biologiques agissent au niveau de la mémorisation. Le cerveau ayant besoin de glucose et d’oxygène pour bien fonctionner, les substances dilatant les vaisseaux sanguins ont un effet positif sur la mémoire. L’acétylcholine en tête, mais aussi la dopamine, la noradrénaline la sérotonine et le GABA, tous sont des neurotransmetteurs indispensables au bon fonctionnement de la mémoire, tant au niveau de l’enregistrement qu’au niveau de la restitution des connaissances.
La mémoire et la fatigue ne font pas bon ménage. La fatigue, comme l’asthénie, est une réaction de l’organisme, résultant de l’inadéquation entre ses ressources et les sollicitations auxquelles il est soumis. Au niveau métabolique peuvent être constatés : un ralentissement de la synthèse protéique, une diminution des échanges gazeux et de la production d’énergie ainsi que l’accumulation des déchets dans les muscles et le sang. L’asthénie fonctionnelle (ou réactionnelle), est la conséquence d’un mode de vie perturbé : manque de sommeil, alimentation déséquilibrée, stress, surmenage physique et/ou psychique… Elle se traduit par un réveil difficile et une sensation de fatigue dans l’après-midi, disparaissant en soirée. Le sommeil n’est pas réparateur, les difficultés à l’endormissement étant souvent présentes (nervosité, insomnie). Elle peut être corrigée en éliminant la cause et pallier les carences existantes (acides aminés, vitamines, minéraux…).
Ainsi, pour assurer une bonne préparation et une réussite aux examens, il convient d’agir sur la fatigue d’une part, et la mémorisation d’autre part.
Conduite à tenir
Tout se joue dans l’assiette
Il est maintenant connu que l’alimentation joue un rôle fondamental pour assurer forme physique et psychique. C’est le régime méditerranéen qui permet d’assurer la bonne santé cérébrale. Fruits de saison, légumes crus et cuits, fibres, céréales complètes sont la base du régime permettant de libérer progressivement le glucose dans le sang afin d’assurer le bon fonctionnement du cerveau. Une consommation de 5 à 10 portions de fruits et légumes (soit entre 400 et 800 grammes par jour) est associée à de meilleures performances cognitives. Les aliments à indice glycémique (IG) bas sont à privilégier à ceux à IG élevé. C’est aussi une assiette oméga-3 qui doit être préconisée en évitant les aliments trop gras au profit d’aliments riches en acides gras oméga 3 (huile de colza, petits poissons gras) à raison d’une à deux fois par semaine. Il est important d’assurer un apport suffisant en fer, élément minéral clef dans l’apprentissage (viande rouge, légumes verts, pois chiches, lentilles, chocolat noir), en zinc (céréales complètes, crustacés) et en iode (produits de la mer, produits laitiers de la filière oméga-3, œufs, sel iodé).
Une bonne hydratation d’au moins 1,5 litre par jour (eau minérale, tisane, bouillon) est primordiale et permet en outre l’élimination des déchets de l’organisme.
Il est important de garder un rythme de 3 repas par jour, avec éventuellement une collation à 16 heures à base de fruits, fruits secs et/ou 1à 2 carreaux de chocolat noir. Le petit déjeuner est fondamental et doit être composé de glucides complexes et de protéines afin de diffuser une énergie durable toute la matinée. En outre, la consommation de protéines le matin permet la synthèse de dopamine et de noradrénaline, neurotransmetteurs essentiels dans la concentration, l’attention, la mémorisation et l’éveil. Un petit déjeuner optimal comprend également des lipides (oméga-3) et une source de fruits frais (ou jus de fruits frais). Un complément alimentaire à base de L-tyrosine (entre 500 et 1 000 mg), précurseur des neurotransmetteurs tels que la dopamine et la noradrénaline, pourra être proposé afin de contrecarrer les effets du stress et l’épuisement en noradrénaline.
En cas de signes de dépression ou d’insomnie, orienter le jeune patient vers un médecin
Le sommeil, l’allié des étudiants
Qui dit bonne mémoire dit repos et bon sommeil. Le pharmacien peut rappeler quelques règles favorisant une bonne nuit, la première étant de respecter un temps de sommeil suffisant, 7 heures minimum. Les privations de sommeil (nuit de moins de 4 ou 5 heures) sont à l’origine de troubles de la mémorisation et des difficultés d’apprentissage.
Autres règles à préconiser :
- Maintenir des horaires fixes de coucher (avant minuit) et de réveil ;
- Éviter les activités physiques intenses le soir et les repas copieux le soir ;
- Proscrire tout excitant comme le café, le thé, l’alcool et les sodas à base de caféine après 16 heures ;
- Aller au lit dès les premiers signes d’endormissement (bâillements, paupières lourdes, relâchement de l’attention et du tonus de la nuque) ;
- La chambre à coucher doit être régulièrement aérée, maintenue à une température se situant entre 18 et 20 °C et isolée des bruits et des écrans ;
- En cas de besoin, la sieste dans la journée ne doit pas dépasser les 20 minutes.
Une bonne hygiène de vie
En plus d’une alimentation équilibrée et variée et d’un temps de sommeil suffisant et de qualité, l’étudiant ne doit pas oublier de s’aérer et de pratiquer une activité physique régulière, favorisant la réduction de l’anxiété et du stress. L’alcool, le tabac et la prise de drogues (dont des amphétamines) sont bien sûr proscrits.
Le pharmacien, connaisseur des examens répétés, pourra conseiller d’établir un planning de révision. Afin de bien travailler, un environnement calme, ordonné et coupé des modes de communication est primordial pour faciliter l’attention et la concentration. Enfin, pour éviter les coups de fatigue, des pauses sont nécessaires, entre 10 et 20 minutes toutes les deux heures.
Attention, en cas de signes de dépression ou d’insomnie, il faudra orienter le jeune patient vers un médecin.
Les produits du conseil
Les actifs sont divers et variés. La vitamine C est réputée pour agir au niveau de l’immunité et aussi sur l’énergie. Antioxydante, elle favorise la production de collagène, d’adrénaline et de noradrénaline ainsi que l’absorption du fer. Elle n’est retrouvée que dans l’alimentation : agrumes, fruits rouges, kiwis, acérola, certains légumes (dont les choux) et persil. Les ANC (apports nutritionnels conseillés) sont de 110 mg. En cas de fatigue, une supplémentation matinale entre 200 et 500 mg, peut être conseillée chez les adultes.
Les vitamines du groupe B contribuent aux fonctions métaboliques de l’organisme, à la formation des globules rouges (B6, B9 et B12) et au maintien du système immunitaire. Les sources alimentaires sont nombreuses et variées (viandes, poissons, jaune d’œuf, céréales, levures de bière, champignons, légumes verts (B9)…). Les carences pouvant être à l’origine d’une asthénie fonctionnelle sont ainsi consécutives à des régimes alimentaires (végétaliens) ou des maladies chroniques réduisant leur absorption (alcoolisme, maladies chroniques de l’intestin…). Leur complémentation est pertinente en cas d’état de stress et de tension nerveuse et/ou d’activité physique intense.
Du côté des minéraux et oligo-éléments, le magnésium est incontournable. En plus de participer aux réactions métaboliques, il permet une adaptation de l’organisme au stress. Il est retrouvé dans les légumes et fruits secs, les céréales, le cacao et certaines eaux minérales. Les ANC sont de 6 mg/kg/jour chez l’adulte et augmentés chez les adolescents en croissance et les femmes enceintes et allaitantes. Le magnésium seul peut être conseillé en cas de crampes et de palpitations, et plutôt associé à la vitamine B6 en cas d’irritabilité. Attention aux doses supérieures à 350 mg/jour, le magnésium a un effet laxatif. Le bisglycinate de magnésium est à conseiller en priorité en raison de sa bonne absorption intestinale.
Le fer intervient dans la synthèse d’hémoglobine, de myoglobine et est un composant de cytochrome. En cas de carence sont constatées une moindre capacité à l’effort, une diminution des performances intellectuelles et de la résistance aux infections traduisant une anémie. Les sources alimentaires sont la viande rouge, les abats (fer héminique mieux absorbé), et les légumes secs et verts (persil, épinards). La prise concomitante de vitamine C améliore son absorption tandis que les tanins et les phytates la diminuent. Les compléments alimentaires sont dosés au maximum à 30 mg de fer.
Le cuivre et l’iode, présents dans les légumes secs et crustacés, et le manganèse (fruits, légumes et thé), sans oublier le sélénium, (céréales, viandes, poissons, crustacés…) contribuent au maintien du métabolisme énergétique et au fonctionnement du système nerveux. Ils sont davantage à conseiller dans le cadre d’une oligothérapie fonctionnelle, à dose faible mais au long cours.
Excellente source d’énergie, les acides aminés (arginine, acide glutamique, acide aspartique, citrulline et lysine) permettent la synthèse des protéines (muscles et ADN), du glucose (par néoglucogenèse) et des acides gras. À recommander particulièrement en cas d’asthénie fonctionnelle, liée à une carence protéino-énergétique ou à une activité physique et/ou psychique intense, et sur une courte durée. Quant à la taurine, il s’agit d’un acide aminé soufré, antioxydant, détoxifiant et neuromodulateur de type anxiolytique, mais sans propriété antiasthénique. Elle est naturellement présente dans la viande et les mollusques.
Les nouveaux actifs sur le marché sont les nootropiques, des substances naturelles ou de synthèse améliorant la concentration et renforçant la mémoire. Attention, il est important de réaliser une fenêtre thérapeutique, soit des pauses dans le temps, afin d’évaluer l’efficacité. Tous les nootropiques ne conviennent pas à tous les individus. Il convient de les essayer un par un, puis, éventuellement de les combiner entre eux grâce à leurs effets synergiques. Ils restent déconseillés aux femmes enceintes, aux femmes allaitantes et aux enfants. Quelques exemples de nootropiques à citer : le bacopa (Bacopa monnieri), la L-théanine, acide aminé naturel présent dans le thé ou encore la citicoline (ou CDP-choline), précurseur de l'acétylcholine, indiquée pour améliorer la concentration et la mémoire. La dose conseillée est de 250 mg à 500 mg par jour.
Du côté des plantes peut être cité le ginkgo biloba (Ginkgo biloba), connu pour son action sur la cognition et la circulation cérébrale grâce à ses propriétés anti-inflammatoires, anti-oxydantes et vasoprotectrices.
Les plantes adaptogènes, améliorant la résistance au stress, peuvent aussi être utilisées, dont le ginseng (Panax ginseng), la rhodiole (Rhodiola rosea), et l’éleutérocoque (Eleutherococcus senticosus). Attention à leurs contre-indications, notamment en cas de diabète, de traitement anti-coagulant, d’hypertension artérielle et d’antécédents de cancers hormono-dépendants avec le ginseng et l’éleuthérocoque.
Les plantes dynamisantes à caféine sont indiquées pour produire un coup de boost. Il s’agit du café, du thé, du guarana et du maté. Ces substances ne doivent pas être prises après 16 heures pour éviter des troubles du sommeil.
Côté champignons, c’est l’héricium qui aurait des effets intéressants au niveau de la mémoire.
Enfin, en homéopathie, peuvent être proposées Acidum phosphoricum 9 CH (5 granules 3 fois par jour), à administrer en cas d’asthénie et de difficultés de concentration.
Kalium phosphoricum 9CH (5 granules 3 fois par jour), indiqué en cas de surmenage intellectuel.
Alfalfa 1 à 3 DH, aux propriétés fortifiantes, stimulantes et reminéralisantes. Son action est cependant limitée dans le temps. Il peut ainsi être associé à Avena sativa, 1 à 3 DH, indiquée en cas de fatigue intellectuelle associée à une perturbation du sommeil.
Trois questions à Anne-Laure Denans
Docteur en pharmacie, spécialiste en nutrition et micronutrition et autrice (« Le guide des nootropiques », Souccar éditions), Anne-Laure Denans nous éclaire sur l’utilisation des nootropiques.
- Quelle est la place des nootropiques dans le conseil officinal pour améliorer la mémorisation ?
Les nootropiques sont des substances naturelles, extraits de plantes ou des composés présents naturellement dans l’organisme, qui sont d’une aide précieuse pour renforcer la mémoire, prévenir le déclin cognitif et améliorer l’énergie mentale, la clarté d’esprit et la concentration. Mais leur intérêt ne se limite pas à la performance intellectuelle : ils peuvent aussi aider à mieux gérer le stress chronique, l’anxiété et les troubles du sommeil.
- Quels sont les nootropiques à conseiller en première intention permettant d’optimiser ses capacités de mémorisation ?
Les oméga 3 longues chaînes : EPA et DHA. Je les considère comme des nootropiques fondamentaux. Ils sont essentiels pour le bon fonctionnement de nos cellules nerveuses et contribuent à une bonne transmission de l’influx nerveux.
Le magnésium : le cerveau a besoin d’énergie pour fonctionner et le magnésium joue un rôle clé dans le métabolisme énergétique cellulaire. Il permet également d’augmenter la plasticité neuronale, améliorant ainsi les capacités d’apprentissage.
Enfin, le Bacopa monnieri est une plante adaptogène fabuleuse. L’extrait de Bacopa va à la fois booster votre cerveau, avec des bienfaits sur la mémoire, l’attention… mais également vous aider à mieux faire face au stress.
La citicoline est le nootropique qui permet d’augmenter les niveaux d’acétylcholine, un neurotransmetteur qui joue un rôle clé dans la mémoire, la concentration…
- Quelles sont les restrictions d’utilisation ? Peut-on les donner à des adolescents pour leurs examens ?
Les 4 nootropiques cités conviennent aux adolescents. Le magnésium est le plus facile à conseiller. Il existe certaines contre-indications comme l’insuffisance rénale sévère ou la bradycardie sévère. Les personnes sous anti-coagulants doivent prendre conseil avant de prendre des doses importantes d’EPA et le DHA. Pour ces 4 nootropiques comme pour la plupart des actifs présents dans les compléments alimentaires, il existe des doses recommandées, et des doses à ne pas dépasser.
Testez-vous
1. Que privilégier dans l’assiette pour améliorer la mémoire ?
a) 800 grammes de légumes verts par repas ;
b) Des petits poissons gras 2 fois par semaine ;
c) De la charcuterie et des viennoiseries ;
d) Plus de 50 grammes de fibres par jour.
2. Les vitamines et minéraux à conseiller pour lutter contre la fatigue sont :
a) La vitamine A et la vitamine K ;
b) Le groupe des vitamines B et le magnésium ;
c) La vitamine C ;
d) Le calcium.
3. Les plantes réputées pour agir sur la vitalité sont :
a) La camomille ;
b) La lavande ;
c) Le ginseng ;
d) Le guarana.
4. Les nootropiniques sont :
a) Indiqués chez les jeunes enfants ;
b) Le bacopa par exemple ;
c) A prendre au long cours ;
d) Indiqués pour améliorer la performance cognitive et la gestion du stress.
Réponses : 1. b) ; 2. b) et c) ; 3. c) et d) ; 4. b) et d).
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