On parle désormais de soins des peaux mates, foncées ou riches en mélanine pour désigner les produits d’ethnocosmétique destinés à répondre à des problématiques cutanées bien spécifiques. Certes, le processus de mélanisation et la kératinisation de la couche cornée qui caractérisent les peaux noires et métissées ont de gros avantages, notamment en termes de photoprotection et du vieillissement cutané qui en résulte. Mais elles ont aussi des inconvénients aux premiers rangs desquels figurent les taches pigmentaires, le teint terne et la sécheresse cutanée accompagnée d’hyperséborrhée. Pour ces épidermes très sensibles et réactifs, toute agression peut se traduire par l’apparition de taches, conséquence d’une stimulation des cellules mélaniques.
Les climats tempérés ne jouent pas non plus en leur faveur, le faible ensoleillement et le taux d’hygrométrie favorisant la déshydratation de la couche cornée. La peau peut devenir terne, grise ou blanchâtre et prendre un aspect rugueux au niveau des mains, coudes et talons. Au niveau du visage, une hyperséborrhée réactionnelle due au dessèchement de la peau peut se développer et des phénomènes de dyschromie se manifester. « Les taches pigmentaires sont le problème majeur des peaux mates, noires et métissées car elles se forment au moindre trouble cutané comme un simple bouton d’acné », indique Christine Chauville, directrice générale du laboratoire Château Rouge. « C’est la première demande avant l’éclaircissement du teint. » Une quête dont certaines femmes ont tendance à se détourner aujourd’hui, recherchant plus volontiers à conserver et à magnifier leur peau.
Toute une demande à satisfaire
Quelques gammes de soins proposent aujourd’hui de répondre à cette attente (Nubiance, Château Rouge, In’Oya, Nuhanciam, Mela Aura…), constituant plus une niche qu’un marché entier en pharmacie. Ne dépassant pas les 60 600 unités vendues sur un an, pour les trois principales marques du circuit, le rayon n’est en effet pas des plus imposants et affiche un recul de 15 %. « C’est un marché difficile car il n’est pas extensible. Quelques segments principaux le composent parmi lesquels on trouve les soins antitaches que proposent aussi les grands acteurs de la dermocosmétique en pharmacie. »
L’objectif est de capter la clientèle qui se tourne vers les boutiques de détail et de l’orienter vers l’officine qui garantit l’innocuité de ses formules.
Si modeste soit-il, le rayon dispose d’un indéniable levier selon Christine Chauville dont la marque historique, fondée par deux pharmaciens du quartier Château Rouge à Paris, est présente à l’officine depuis 1988 et aujourd’hui distribuée en France et dans les pays d’Afrique. « Il existe toute une population qui se tourne encore trop souvent vers les boutiques de détail pour trouver des cosmétiques qui peuvent contenir des ingrédients controversés et nocifs pour leur peau comme l’hydroquinone ou les corticoïdes aux pouvoirs éclaircissants. »
L’objectif est de capter cette clientèle et de l’orienter vers l’officine qui garantit l’innocuité de ses formules. La gamme Château Rouge a donné la priorité aux actifs d’origine végétale et marine dans des produits qui bannissent les ingrédients controversés. Elle abrite des soins axés sur les principales problématiques des peaux noires et métissées, anti-taches, unifiants, pour peaux grasses à imperfections, pour peaux sèches visage et corps mais aussi des protections solaires et des soins pour bébés. « Nous avons aussi développé tout un éventail de compléments alimentaires pour accompagner notre offre dermocosmétique. »
La marque Nuhanciam, pour sa part, a investi sept axes du soin cutané visage et corps (Anti-taches, Anti-imperfections, Éclat & douceur, Lissage & fermeté, Peaux déshydratées, Peaux très sèches, Protection solaire) à l’aide de formules composées en majorité d’ingrédients d’origine naturelle. Son approche très éclectique de la carnation la porte à cibler tous les types de peaux, noires, mates, métissées, claires.
Le manque de visibilité des marques est un des facteurs qui nuit au développement du marché
Plus de visibilité et de conseil
Si l’offre en soins pour peaux noires, mates et métissées s’est largement étoffée ces dernières années, elle a aussi évolué, notamment en pharmacie où elle a gagné en technicité. « Nos produits se destinent à des profils cutanés variés », remarque l’un des acteurs du marché. « Ces femmes recherchent des formules qui allient soin et plaisir, des textures qui pénètrent facilement la peau et des actifs capables de traiter les problèmes de taches, d’hydratation mais aussi de vieillissement...» Cette nouvelle génération, plus moderne est aussi plus consommatrice de soins. « Leurs dépenses seraient quatre fois plus élevées que celles de la femme caucasienne », conséquence d’une certaine errance au sein de l’offre cosmétique mais aussi de l’existence de routines dans le soin. « Bien traiter les problématiques des peaux foncées nécessite de suivre une routine basée sur une utilisation combinée des produits associant, par exemple, un gommage, un sérum et une crème hydratante. » Le rôle de conseil de l’équipe officinale est alors essentiel pour bien expliquer ces protocoles.
La mise en avant de l’offre l’est tout autant, selon Justine Coulange, directrice commerciale de la marque Nubiance (société Nubiance), car le manque de visibilité des marques est un des facteurs qui nuit au développement du marché. « On ne dispose pas forcément des mêmes moyens en termes d’action commerciale ou de formation que les grands acteurs du marché dermocosmétique. » Le besoin en soins pour peaux noires, mates et métissées est pourtant important et les réponses sont complexes. « En un seul soin, il faut souvent répondre à deux problématiques différentes comme l’acné et l’hyperpigmentation puisque l’un va favoriser l’apparition de l’autre. » Forte d’une dizaine de références centrées sur le traitement des taches pigmentaires et des imperfections cutanées, la marque investit le segment de l’hydratation en lançant au mois d’octobre un Sérum Hydratation Intense à l’acide hyaluronique qui sera suivi d’un baume hydratant corporel utilisable dès 3 ans.
Une dynamique de lancements que conforte le laboratoire Château Rouge et son nouveau sérum nuit à base de niacinamide.
Le chiffre
L’exposition solaire multiplie par 2 à 3 l’intensité des taches pigmentaires des peaux métissées ou foncées non protégées.
(Source fabricant)
Le marché de l’ethnocosmétique*
60 551 unités vendues, -15 %
1 206 619 euros, -12 %
*Trois principales gammes de soins pour peaux noires et métissées en pharmacies et parapharmacies, CMA à août 2025, (source IQVIA Pharmastat)
Principaux leaders du marché*
Nubiance : 39 %
Laboratoire Château Rouge : 38 %
Laboratoire In’Oya : 23 %
*En valeur - Trois principales gammes de soins pour peaux noires et métissées en pharmacies et parapharmacies, CMA à août 2025, (source IQVIA Pharmastat)
Le leader à la loupe
Fondée en 2016, la marque Nubiance vise spécifiquement les phototypes 3 à 6 des peaux noires, mates et métissées qu’elle a baptisé « peaux nubiennes ». Sa gamme de soins couvre différentes problématiques, taches, acné et imperfections, signes de l’âge, cernes, poils incarnés, teint terne.
Conseils d'expert
Julie Lobry Saint-Germes
Formatrice spécialisée en cosmétiques
Le Quotidien du pharmacien. – Comment interpeller la clientèle sur l’existence de soins spécifiques en pharmacie ?
Julie Lobry Saint-Germes. – Au comptoir, on peut tout simplement se renseigner pour savoir si la personne a un besoin spécifique au niveau cutané : "Comment trouvez-vous votre peau en ce moment ?", "Ressentez-vous des zones plus sèches ou plus grasses au niveau du visage ?", "Quels sont vos besoins cutanés ?"… Ce sont des questions classiques qui peuvent révéler certaines problématiques typiques des peaux noires et métissées : taches pigmentaires souvent dues à des cicatrices d'acné, dyschromies, imperfections liées à une peau du visage mixte à grasse, déshydratation de la peau au niveau du corps, cheveux secs... Sur ce marché, la demande est en forte hausse. Au moins 20 % de la clientèle pourrait être en attente de réponses adaptées.
Comment orienter son conseil ?
On établit son conseil en fonction du besoin exprimé : uniformité du teint, peau nette, hydratation corporelle, nutrition capillaire. S'il existe des réponses ciblées dans les gammes historiques dermocosmétiques et capillaires, on peut aussi orienter vers une marque dédiée au soin des peaux mates à foncées. On peut également référencer une gamme de produits capillaires spécifiques ( Les Secrets de Loly, KeraCare, Activilong...) qui, en plus du shampoing, proposera souvent une routine de soin : un produit d'hydratation liquide comme un spray hydratant, une huile qui va sceller l'hydratation, une crème de soin qui va protéger la fibre et dessiner la boucle.
Comment mettre en avant cette offre ?
On peut mettre en avant la gamme de soins pour peaux mates à foncées au sein du rayon dermocosmétique ou dans celui des capillaires en s'appuyant sur la PLV associée à la marque. Si l'on référence plusieurs gammes et que l'offre est conséquente, il est possible de réunir tous les produits dans un espace dédié. Dans l'espace officinal, on peut également communiquer sur les besoins spécifiques auxquels répondent ces produits : "Tache pigmentaire ? Nous avons la solution", "Problème d'hydratation cutané ? Demandez conseil"...
Propos recueillis par A.-S. P.
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