Qu’il soit question de sa carrière professionnelle ou de son engagement associatif, c’est auprès de ses proches que Catherine Cornibert trouve son énergie. De ses parents ingénieurs chimistes, tout d’abord, sa mère s’étant engagée dans un cursus pharmaceutique à l’issue de son premier parcours. Cursus qu’elle a complété par un doctorat, puisque les études de pharmacies ne comportaient que 5 ans, à l’époque. « Pour la petite anecdote, ma mère était enceinte de moi durant sa cinquième année de pharmacie », confie Catherine Cornibert. Une capacité à être sur tous les fronts qui sera transmise à sa fille. « Elle a ensuite ouvert une pharmacie à Arbois, dans le Jura, au-dessus de laquelle nous habitions », poursuit-t-elle. La pharmacie, elle y est donc née, elle y a grandi. Plongée dans sa mémoire, elle évoque, non sans un sourire dans la voix, le souvenir de sa mère répondant aux demandes des patients et collant les vignettes. Le bac en poche, c’est tout naturellement que la jeune Jurassienne se destine au - désormais - doctorat de pharmacie. De Besançon à Châtenay-Malabry, elle l’obtient en 1993, option industrie. « J’avais une idée très claire, je voulais être cheffe de produit dans l’industrie pharmaceutique alors j’ai complété mon parcours par un master Stratégie et management à HEC. Ensuite, depuis mes différents postes et bien que je ne sois jamais retournée derrière le comptoir, mon tropisme pour l’officine m’a accompagnée durant mes 17 ans dans l’industrie. » Et, en effet, la pharmacienne travaille d’abord sur les produits OTC, participe à des campagnes de communication à l’officine et prend part aux relations avec les groupements, avant de prendre un poste chez Sanofi, où ses efforts la hissent au poste de directrice de la communication sur la partie officine, médicaments génériques et médecine générale. Le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre et le destin n’est pas étranger à l’ironie.
Un parcours professionnel engagé
Victime d’effets secondaires de médicaments, Catherine Cornibert se tourne avec son mari vers l’adoption. Dans la foulée, elle quitte ses fonctions dans l’industrie et fonde l’Agence conseil santé, dont elle est la présidente depuis 15 ans. Désormais cheffe d’entreprise et mère de deux enfants, sa maternité renforce chez la pharmacienne « des valeurs transmises par mes parents, d’accompagnement et de soutien des autres. En 2015, contactée par le professeur Pierre Caraillon, le docteur Didier Sicard et le docteur Éric Henry, je fonde avec eux l’association Soins aux professionnels de la santé (SPS), dont je suis la directrice générale. Pour lever le tabou de la santé des soignants et répondre à un besoin critique de ces professionnels. Un soignant en souffrance, c’est un patient en difficulté. » L’association SPS offre tout un éventail de service et d’outils de prévention, en plus d’une plateforme nationale d’écoute 24 heures sur 24. Une ressource unique en France. Les dispositifs vont de l’écoute à l’hospitalisation d’urgence et les outils englobent, entre autres, des éléments d’auto-évaluation et des formations e-learning. La plateforme de l’association s’adresse tout autant au professionnel qu’aux étudiants, « pour lesquels il y a un sujet majeur, s’inquiète la mère de famille. Les dentistes, les médecins, les infirmiers et les pharmaciens… toutes les fédérations étudiantes font remonter les mêmes problématiques. Aujourd’hui, un étudiant en santé, il ne va pas très bien, il se sent isolé, il prend des drogues pour aller mieux, il est en manque de sommeil, il a des idées suicidaires... » Bien que l’association réponde à un besoin urgent, ses membres ont dû se battre pour se faire une place. Affiches déchirées dans les couloirs d’établissements de santé, personnels hospitaliers hostiles, refus de financements… « Nous sommes partis de moins que zéro, se remémore la directrice associative. Les soignants sont toujours les derniers à se mettre en arrêt, c’est souvent le dernier recours pour eux et beaucoup de médecins n’ont même pas de médecin traitant. Lever le tabou a été notre première mission. » Les équipes de SPS se heurtent aux réticences – le mot est faible – de nombre de responsables hospitaliers, mais aussi de l’Ordre des médecins. Culturellement, « accepter qu’un médecin n’allait pas bien était honteux et risquait d’entacher l’image de la profession », relate la cheffe d’entreprise.
Sur les 40 000 appels que nous avons reçus depuis 10 ans, les trois quarts ont été passés depuis mars 2020
Catherine Cornibert
Si aujourd’hui la situation a changé et l’association est bien mieux reçue, « c’est grâce à quelques soutiens institutionnels forts, de l’assurance-maladie et de quelques directeurs généraux d’Agences régionales de santé (ARS), mais aussi paradoxalement grâce à la pandémie ». En plein confinement, les problématiques de santé mentale s’aggravent et les dispositifs psychologiques sont plus que jamais nécessaires. « Sur les 40 000 appels que nous avons reçus depuis 10 ans, les trois quarts ont été passés depuis mars 2020 », démontre Catherine Cornibert. D’ailleurs, si elle reconnaît que le tabou n’est pas encore tombé, elle se réjouit « de voir la situation être en mutation rapide. Nous avons beaucoup évolué et à force de pousser des portes et de combattre, nous trouvons des appuis ». Ce sont aujourd’hui 150 partenaires moraux qui soutiennent l’association et le colloque annuel de cette dernière se tiendra sous le patronage de la présidence de la République. L’association espère, à cette occasion, faire de la santé des soignants la Grande cause nationale 2026. Face à tous ces fronts, c’est à travers le sport que cette personnalité aux multiples casquettes équilibre sa vie. Ski nautique, natation, basketball, danse… « J’ai pratiqué beaucoup de sport qui m’ont enseigné la détermination et ont accompagné mon engagement auprès des autres, confie avec plaisir la sportive. C’est un élément de bonheur central dans ma vie. »
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