Si le dépistage réalisé à l’officine – TROD cystite, angine, Covid, grippe, infection à VRS, glycémie – fait régulièrement l’actualité au sein de la profession, le versant des dispositifs auto-administrés - délivrant un résultat positif ou négatif - est également en pleine transformation. Ce marché, qui avait bondi (+546 % en volume sur un an à mars 2022) sous l’effet de la crise sanitaire et des ventes d’autotests Covid, est à présent en recul de 30 % en volume et 28 % en valeur (source IQVIA Pharmastat). Si certains segments régressent de 10 % en volume comme les tests d’ovulation et les tests albumine, d’autres sont en chute libre avec -77 % enregistrés par les dispositifs de recherche du sang (selles, urine) et – 44 % par les tests antigéniques Covid (Medicare Solutions/Sejoy, Newgene, Mylan…) qui constituent le 1er segment du marché en volume (54% des ventes).
« Avec le fléchissement de l'épidémie de Covid-19, la demande en autotests a diminué », remarque-t-on chez Biosynex, présent sur le segment des autotests de grossesse, ovulation, Covid-19, infection vaginale, infection urinaire, gluten, HIV, cannabis. Le laboratoire évoque aussi « des produits possiblement moins mis en avant en pharmacie au profit de produits plus valorisés » ainsi que la baisse du prix des dispositifs pour expliquer la régression des chiffres. Boiron, qui s’était lancé sur le segment pour répondre à la demande de dépistage engendrée par la pandémie, souligne, pour sa part, l’intérêt croissant que suscitent les autotests combinés. « Les autotests Covid/grippe représentent l’essentiel des ventes du segment depuis décembre en raison d’une absence de vague Covid et de leur intérêt intrinsèque permettant de différencier grippe et Covid. Pour rappel, ces autotests combo sont autorisés à la vente en officine en France depuis le décret du 21 mai 2024. »
Anticiper la prescription
Quant à savoir si le déremboursement des tests Covid réalisés à l’officine pourrait produire un effet de report de la demande sur le segment des autotests, il est trop tôt pour le dire selon Boiron, « les deux types de tests ne visant pas forcément les mêmes populations. Les autotests Covid sont plus pertinents chez les patients symptomatiques qui présentent une charge virale plus élevée ». Chez AAZ, c’est un autotest combiné à trois valences – bronchiolite, grippes A et B, Covid – qui a été présenté fin 2024 dans le but de multiplier les pathologies virales détectées sur la base d’un seul prélèvement. Une initiative qui dépasse la simple vocation de l’auto-dépistage. « Pour un même syndrome grippal, on peut déterminer quelle pathologie est en cause et faciliter le choix du traitement », explique le Dr Joseph Coulloc’h, dirigeant du laboratoire. Une façon d’anticiper l’élargissement possible des missions à l’officine. « Une version TROD de l’autotest All in Triplex a été développée dans l’idée que le pharmacien puisse, par la suite, prescrire un antiviral sur la base du test comme il peut délivrer des antibiotiques suite à un TROD angine ou cystite. » Biogyne, un des pionniers des autotests antigéniques par prélèvement nasal, va plus loin en développant des traitements voués à accompagner les pharmaciens dans leur mission de prescription associée au dépistage. Sa gamme de TROD devrait voir deux de ses tests combinés grippe/Covid ou grippe/Covid/VRS lancés en version auto-diagnostic à l’hiver prochain. « La diversification de l’offre sur le marché répond à une demande croissante des patients en quête de solutions de dépistage rapides et accessibles. »
Une attente que révèle la progression des ventes en volume sur les segments du marché les plus dynamiques - les multitests (+113 %), le dépistage des infections vaginales (+15%) et urinaires ou encore les tests salivaires détectant la prise de cannabis et autres drogues. Biosynex en énumère les leviers : « Les campagnes de sensibilisation aux dangers que comportent le narcotrafic et la consommation de drogues, son incidence sur la sécurité routière, d’une part, les performances des autotests, capables de détecter différentes substances en quelques minutes pour la détection des drogues, des dispositifs rapides, fiables, répondant à un besoin d’autonomie dans un contexte médical de pénurie pour celle des infections vaginales ou urinaires, d’autre part. »
Malgré leurs fonctionnalités - détection précoce, estimation de l’âge de la grossesse, affichage du résultat en toutes lettres, les tests de grossesse (Clearblue chez P & G, Suretest chez Cooper, Elle-Test chez Gilbert…) ne suivent pas la même dynamique avec un volume de ventes en recul de 6 %. Second segment du marché, ils occupent tout de même plus de 38 % du marché en volume. « Les tests de détection précoce se développent le plus sur ce segment car les utilisatrices, dont 60 % redoutent une grossesse, veulent connaître au plus vite leur état », indique Jonathan Jacquin, responsable de la gamme Clearblue chez P & G. « Cette technologie délivre un résultat jusqu’à 6 jours avant la date de retard des règles. »
Performance et pertinence
De plus en plus sensibles, les autotests sont aujourd’hui conçus pour permettre à tout public d’effectuer son dépistage sans difficulté, de lire et d’interpréter facilement le résultat. « Leur fiabilité et leur performance augmentent tout comme le niveau des critères exigés pour qu’ils obtiennent un marquage CE, celui-ci incluant désormais une comparaison avec un test de référence effectué en laboratoire », précise le Dr Coulloc’h. Un autotest cannabis, avec un seuil identique à celui des forces de l’ordre, viendra bientôt élargir la gamme de dispositifs AAZ qui couvre le dépistage du gluten (maladie cœliaque), du VIH et de la grossesse réalisé à partir du sang capillaire. D’autres champs du dépistage (chikungunya, dengue, tétanos) sont à l’étude chez AAZ qui considère que le développement d’un autotest doit répondre à un besoin et ne pas susciter un mésusage. « Si le marché est en recul c’est aussi parce qu’il y a eu une démultiplication des dispositifs de dépistage, certains ne permettant pas d’interpréter le test. Il faut parfois déterminer un contexte physiopathologique pour que l’autotest soit pertinent », conclut le Dr Coulloc’h en rappelant que l’utilité clinique des autotests a fait l’objet d’un rapport de l’Académie nationale de pharmacie en 2018 et que l’encadrement du pharmacien reste indispensable en matière de dépistage. Boiron, dont plusieurs projets d’autotests sont encore en développement, va dans le même sens : « Ce qui est important à nos yeux, c'est que les autotests commercialisés soient pertinents vis-à-vis des enjeux de santé publique, que ce soit en contribuant au désengorgement des cabinets médicaux ou en induisant chez les patients des comportements éclairés de gestion de leur santé. »
Le chiffre
-64,9 %, c’est le recul enregistré par les ventes d’autotests en volume pour l’année 2023
(source IQVIA Pharmastat)
Le marché des autotests +/-*
12 579 999 unités vendues, -30,5%
61 697 520 euros, -27,9%
* Autotests +/-, CMA à janvier 2025 (source IQVIA Pharmastat)
Principaux leaders du marché*
Procter & Gamble : 31,8 %
Medicare Solutions : 19,2%
Biosynex : 12,1%
Boiron : 8,1%
*En valeur - CMA à janvier 2025 (source IQVIA Pharmastat)
Le leader à la loupe
La gamme Clearblue dont les tests visent à déceler la grossesse (technologie précoce, technologie classique) et à définir la période d’ovulation (fertilité sur 2 jours, fertilité maximale sur 4 jours) est soutenue à l’officine aux moyens de formation et de PLV. Un outil sous forme de QR code a été développé par la marque pour aider les femmes à s’orienter dans la gamme et une nouvelle application, centrée sur l’ovulation, accompagne celles qui ont le projet de tomber enceinte.
Conseils d'expert…

Hélène Prêcheur
Fondatrice et dirigeante de l'institut de formation Pharmareflex
Le Quotidien du Pharmacien. – À quelle occasion proposer un autotest ?
Hélène Prêcheur. – Il n’y a pas de vente spontanée pour ces dispositifs (sauf le test de grossesse), ils doivent être conseillés au comptoir, en fonction du type de demande, à l’occasion des journées spécifiques ou des campagnes de santé publique.
Quels sont les grands cas de figure en matière de demande ?
Si une personne demande du paracétamol, on peut conseiller un autotest combiné (grippe/Covid/VRS) – mais on proposera un TROD grippe/Covid/VRS dans le cas d’une téléconsultation, orientez vers un test de grossesse précoce face à un désir de grossesse, vers un test classique en cas de retard des règles, les autotests qui nécessitent un conseil plus poussé sont les autotests du VIH (à proposer à tout patient susceptible d’être exposé et lors des événements dédiés), du cannabis (trajet en voiture, métier exigeant un contrôle), du gluten (à faire dans le cadre d’une alimentation sans restriction), d’une infection urinaire ou vaginale (à proposer en autotest pour celles qui sont sujettes ou en conseil associé suite à un TROD cystite).
Que rappeler au patient dans le cas d'un autotest pouvant révéler une pathologie ?
Rappeler qu’il faut bien lire la notice avant d’effectuer le test et qu’il faut, en cas de résultat positif, consulter son médecin (ou une association) afin de confirmer ou d’infirmer le résultat par un examen médical.
Propos recueillis par A.-S. P.
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