En présentant son Baromètre 2024, NèreS s’est félicité de la progression de 2,2% en 2024 des ventes de produits de premier recours vendus en officine (4,5 milliards d’euros). Elle a été tirée par la croissance dynamique des compléments alimentaires (+6,3) et dans une moindre mesure des dispositifs médicaux (+1,6), en particulier les segments respiratoire (+10,7 %) et vision (+17,4 %). Mais l’organisation professionnelle des industriels du secteur a, par ailleurs, déploré l’atonie des médicaments sans ordonnance (+1,4 %). Une nouvelle occasion de plaider en faveur d’un délistage de 92 molécules vendues sans prescription dans d’autres pays européens, mais pas en France.
Douleurs menstruelles et brûlures d’estomac
NèreS a, en effet, présenté à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en septembre 2024, une liste de principes actifs qu’elle souhaite voir rejoindre et renforcer l’arsenal thérapeutique des pharmaciens. Il s’agit, par exemple, de l’oxymétazoline, utilisé dans le traitement de la congestion nasale liée au rhume ou à une allergie, et accessible sans ordonnance en Allemagne, Italie, Portugal, Espagne et Angleterre. Dans ces mêmes pays, est également disponible sans prescription le naproxène par voie orale, indiqué dans les douleurs légères à modérées, notamment menstruelles et dentaires. Ou le dextrométhorphane, par voie orale, utilisé dans le traitement de la toux sèche. Au Portugal et en Espagne sont également délistés la famotidine contre les brûlures d’estomac et l’acide azélaïque contre l’acné légère à modérée.
« Nous sommes à un tournant, a assuré Paul-François Cossa, directeur général Santé grand public chez Sanofi. Ce sujet n’a jamais été aussi clairement mis sur la table avec l’ANSM, la Direction générale de la Santé (DGS) et les autres directions concernées. Nous sentons une réelle volonté collective d’avancer. » Du côté des industriels du premier recours, à la recherche de « quick wins » (victoire rapide), cela pourrait se faire très vite pour certaines molécules. Ils ont la capacité de produire et les dossiers réglementaires sont prêts. « Le choix des molécules est la prérogative de l’ANSM, nous appelons à une conclusion rapide de ces échanges », a insisté Paul-François Cossa. Les industriels visent un objectif ambitieux d’une cinquantaine de molécules délistées en trois ans. « Si c’est une dizaine, cela ne fera pas bouger les lignes de l’accès aux soins. »
28 % plus de visites en pharmacie
« Si c’est une dizaine de molécules, cela ne fera pas bouger les lignes
Paul-François Cossa, directeur général Santé grand public, Sanofi.
Pour NèreS, le délistage est, en effet, un levier d’amélioration du système de santé, dans un moment de tension et de forte dette publique. Développer le rôle du pharmacien entraînerait, en premier lieu, des économies en termes de consultations et de prescriptions, « sans passer par une loi ». Le délistage des 92 molécules pourrait ainsi libérer l’équivalent de 750 médecins généralistes à temps plein. « Lorsqu’on déliste sans dérembourser, 20 à 30 % des patients vont directement à la pharmacie sans passer par le médecin, ce qui réduit la prescription de 40 % », précise Paul-François Cossa. Cela représenterait 377 millions d’euros d’économies pour l’assurance maladie.
Deuxième argument avancé : si le nombre d’officines n’a cessé de diminuer depuis dix ans, à raison de 1 % par an, la fréquence des visites a, elle, passé un cap avec la pandémie de covid-19 en 2020 (+28 % des visites). « Depuis elle se maintient sur un plateau, autour de 340 millions de visites pour le premier recours, ce qui témoigne de la relation de confiance entre les Français et leur pharmacien », a précisé Nicolas Grélaud, représentant OpenHealth qui a réalisé le baromètre. Sur ce seul périmètre, près d’un million de Français se rendent en pharmacie chaque jour.
Le premier recours triple son chiffre d’affaires
Troisième argument : cette fréquentation est renforcée par l’élargissement continu des missions des pharmaciens, avec notamment 10,5 millions de dépistages hors covid-19 effectué en 2024 (+40,2 % ces deux dernières années). Les téléconsultations et entretiens patients ont augmenté de 76,4% en 2024, et les dépistages hors covid et vaccinations de 40,2 %. Conséquence : les pharmacies les plus orientées vers les services triplent leur chiffre d’affaires de premier recours par rapport à celles qui en font le moins.
Enfin, la pharmacie est le dernier acteur de santé présent dans les déserts médicaux. Preuve qu’elles sont une partie de la solution, le premier recours représente 59 % des dispensations hors prescription contre 63 % lorsqu’elles se situent dans les déserts médicaux. Selon le baromètre 2024, 2 166 pharmacies opèrent dans des déserts médicaux. Élargir le panel de médicaments sans ordonnance (PMF) est d’autant plus nécessaire pour adresser les maux du quotidien. En particulier depuis que l’ANSM a rendu, le 11 décembre dernier, l’ordonnance obligatoire pour la pseudoéphrédine. « Il est trop tôt pour estimer le manque à gagner pour les officines », a commenté Paul-François Cossa. « Mais il est évident que cela aura un impact conséquent. »
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