Génériques et prescription médicale

La mention « NS » fait de la résistance

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Publié le 25/02/2019
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L'étau se resserre autour de la mention « non substituable ». Les médecins conservent leur droit de s'opposer à la substitution, mais ces situations seront mieux encadrées pour éviter les abus.

Sur les groupes de pharmaciens au sein des réseaux sociaux numériques, les commentaires de confrères constatant des abus relatifs à l'utilisation de la mention « non substituable » (NS) sont fréquents. Généralement modérées, ces situations d'opposition deviennent parfois pesantes car systématiques et non justifiées.

Quand les prescripteurs abusent de leur droit d'opposition

Selon les données de l'assurance-maladie, le recours à la mention NS a concerné 7,7 % des prescriptions en 2018 (8,3 en 2016). Autrement dit, 8 fois sur 100, le médecin juge que la substitution d'un médicament prescrit doit être écartée. Dans une enquête menée en 2017 par Vidal, 7 à 9 médecins sur 10 indiquaient avoir recours à la mention « non substituable ». Les contextes d'utilisation les plus observés étaient la prescription de médicaments à marge thérapeutique étroite, comme les antiépileptiques ou les hormones thyroïdiennes. L'âge et le risque de confusion, l'allergie ou l'intolérance à un excipient, étaient également des situations pour lesquelles les médecins s'opposaient plus facilement à la substitution. Enfin, certains médecins interrogés dans cette enquête admettaient recourir à la mention NS sur demande des patients. En pratique, la justification de la mention NS reste sans réponse la plupart du temps, du moins pour le dispensateur. Quant aux situations d'abus identifiées, les caisses d'assurance-maladie n'ont pas hésité à saisir la justice. À l’issue des procès, les prescripteurs ont été condamnés à verser une amende faute d'avoir été en capacité de justifier l'apposition de la mention NS sur les ordonnances de leurs patients. Le dernier jugement en date a clairement précisé que c'était au médecin d'argumenter son choix, et non à la CPAM de démontrer le caractère abusif.

Une opposition à justifier médicalement

C'est pour en finir avec ces situations injustifiées de barrage à la substitution que de nouvelles mesures ont été adoptées dans la LFSS (Loi de financement de la Sécurité sociale) 2019. Cette dernière prévoit d'une part la fin de la mention « non substituable » manuscrite sur les ordonnances et d'autre part, la mise en place d'un système harmonisé pour encadrer les situations d'opposition à la substitution. L'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) est chargée d'élaborer un référentiel des situations opposables à la substitution, sur la base de critères médicaux objectifs.
La mention NS a souvent été dénoncée par les syndicats de médecins et de pharmaciens. En 2017 par exemple, le syndicat de médecin MG France demandait sa suppression pure et simple. Selon lui, la mention NS met le prescripteur en porte-à-faux, et la responsabilité du choix du médicament revient avant tout au patient. Pourtant, MG France, comme les autres syndicats de médecins et pharmaciens n'ont pas accueilli la mesure de la LFSS 2019 avec enthousiasme. Tous craignent une mise en œuvre complexe et une dérive bureaucratique aboutissant à un résultat nul. Pour les syndicats de médecins, ce dispositif soulève également des interrogations en termes de secret médical.

En attendant le référentiel, le NS résiste

L'encadrement de l'opposition à la substitution devrait marquer la fin de la mention NS telle que pratiquée depuis une dizaine d'années, c'est-à-dire la fin d'une opposition à la substitution relevant de la seule responsabilité du médecin. À ce jour, l'utilisation de cette mention manuscrite perdure néanmoins, tant que le référentiel des situations opposables confié à l'ANSM n'est pas élaboré.

David Paitraud

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3498