Les pharmaciens face au Covid

Un front contre l'onde de choc

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Publié le 27/10/2020
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Un aléa de taille s'est invité à la Journée de l'économie 2020 : la crise sanitaire subie, depuis la mi-mars, par l'officine comme par tous les autres secteurs d'activité. Un retour sur les six premiers mois de l'épidémie a permis aux experts-comptables d'en faire un premier bilan chiffré et l'inventaire des forces et des faiblesses du réseau officinal.
La crise sanitaire semble (provisoirement ?) avoir rebattu les cartes au sein du réseau officinal

La crise sanitaire semble (provisoirement ?) avoir rebattu les cartes au sein du réseau officinal
Crédit photo : S. Toubon

La crise aurait-elle rebattu les cartes au sein du réseau officinal ? Force est de constater que les pharmacies de proximité, et particulièrement les pharmacies rurales, ont retrouvé des couleurs pendant l'épidémie.

« Les officines rurales et celles des gros bourgs ont retrouvé leur attrait », constate Joël Lecœur, expert-comptable et président du réseau CGP. S'agit-il d'une simple bouffée d'oxygène ou d'une cure de réhabilitation pour des structures plutôt malmenées ces derniers temps (voir page 10) ? Le bilan consolidé de l'année le dira. Pour l'heure, ces officines peuvent se féliciter d'une progression à laquelle les honoraires de dispensation ne sont pas étrangers.

Résultat, les pharmacies des zones rurales ont enregistré une hausse de leur activité de 2,28 % entre le 1er mars et le 31 mai, pendant que le chiffre d'affaires des pharmacies de centres commerciaux plongeait de 8,13 %. Dans les centres-villes, les officines connaissaient un déclin de 3,38 % (chiffres CGP*). Sur le premier semestre, View Pharma, l'outil de pilotage du réseau CGP, relève des disparités identiques. Les pharmacies des centres commerciaux ne sont pas parvenues à redresser la barre et accusent une baisse de 3,27 % de leur chiffre d'affaires, celles des zones urbaines se maintiennent à + 1,45 %, tandis que celles des gros bourgs connaissent un sursaut à + 1,92 %. Sans comparaison cependant avec la pharmacie de zone rurale dont l'activité bondit de 3,16 % sur ces six premiers mois de l'année.

Cette capacité de résistance des pharmacies rurales a connu son apogée à deux semaines du déconfinement. Alors que la pharmacie de centre commercial encaissait une chute abyssale de son activité de l'ordre de 34,18 %, la pharmacie rurale parvenait à contenir l'hémorragie à - 15,20 %, bien mieux que l'ensemble du réseau qui plongeait à -19,38 %.

Les honoraires à la rescousse

Résilience d'un réseau chahuté par de nombreuses années de crise (voir page 12) ou élasticité d'une activité officinale capable de se recentrer sur son cœur de métier, le médicament ? Toujours est-il qu'entre janvier et juin 2020, le chiffre d'affaires (honoraires compris) a augmenté de 1,68 %, et ce en dépit d'une inflexion de 0,98 % entre mars et fin mai.

On ne saurait mettre cette performance au seul crédit des masques et des gels hydroalcooliques ! Car si elles sont parvenues à hisser de 9,66 % l'activité de TVA à 5,5 %, selon View Pharma, ces catégories de produits propulsés par la crise sanitaire n'ont pu suffire à elles seules à sauver l'activité. Pas davantage, il ne faut rechercher du côté de médicaments chers. Les ventes de ces produits n'enregistrent en effet qu'une faible croissance (+ 0,61 %) en raison notamment d'une chute de 4,30 % des ventes des médicaments dont le prix se situe entre 150 et 1 600 euros. Même si on observe une bonne tenue (+ 9,89 %) pour les ventes des produits dont le prix excède 1 600 euros.

Il faut par conséquent rechercher du côté du médicament remboursable dans sa globalité puisqu’il est parvenu à maintenir son niveau (+0,16 %) en dépit de la fermeture de nombreux cabinets médicaux entre le 18 mars et le 11 mai. Mais au-delà de ces ventes, le salut vient avant tout de l'honoraire. Des honoraires qui, grâce aux évolutions de l'avenant 11 (ordonnances liées à l'âge et délivrances spécifiques), ont progressé de 6,19 % entre 2019 et 2020 pour la période concernée et se montent à 99 838 euros au premier semestre. Soit davantage que les ventes de produits à TVA 5,5 % ! Les honoraires constituent désormais 10,77 % du chiffre d'affaires global, analyse CGP, contre 10,31 % il y a un an. Loin d'être une variable d'ajustement, les honoraires apparaissent désormais comme une composante dont il faut tenir compte dans l'analyse de l'activité officinale.

*Portant sur l'analyse de 626 officines pendant le confinement.

Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien