Maillage pharmaceutique

La pharmacie rurale joue-t-elle sa survie ?

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Publié le 18/12/2025
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Fait nouveau, la pharmacie rurale considérée jusqu’alors à l’abri des regroupements et des fermetures « sèches » perd de ses effectifs. Victime de désaffection comme la plupart de ces territoires, elle bénéficie néanmoins de plusieurs mesures palliatives.

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Un mouvement semble s’accélérer : selon les statistiques publiées en mai par la Cour des comptes, les disparitions de pharmacie en milieu rural ont quintuplé en dix ans
Crédit photo : Marie Bonte

D’année en année, le constat persiste. Le maillage officinal se relâche au rythme de 200 fermetures de pharmacie par an, environ. Cette année encore, ce sont 18 officines par mois, environ, qui ont baissé le rideau définitivement, comme l’indique GERS Data, dans ses statistiques diffusées fin novembre. Le réseau compte 11 % moins de points de vente physiques qu’en 2014, poursuit David Syr, son directeur général, précisant qu’il faut s’attendre « en moyenne, à 250 fermetures physiques chaque année ». Une éclaircie n’est envisageable qu’à l’aube de 2035, selon lui, date à laquelle le réseau se stabilisera autour de 17 055 pharmacies. Parmi les régions les plus frappées, justement, par cette attrition du maillage, des régions rurales que sont le Limousin et la Bourgogne. En dix ans, elles ont perdu 15,6 % et 16,3 % de leurs pharmacies. Car, si les regroupements sont encore fréquents en centre-ville, les fermetures « sèches » frappent majoritairement les communes en milieu rural. En 2024, 54 communes ont perdu leur dernière pharmacie, alerte Action Pharmacie Rurale, association émanant de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Par ailleurs, 4 000  pharmaciens sont titulaires d’une officie seule dans leur commune.

10 km de distance

Un mouvement qui semble s’accélérer selon les statistiques publiées en mai par la Cour des comptes, les disparitions de pharmacie en milieu rural ayant quintuplé en dix ans. A un point tel que la densité du réseau officinal français, jusque-là remarquable en Europe, se détériore de manière inquiétante. Au cours des cinq dernières années, le temps à parcourir pour trouver une officine rallonge pour les habitants des territoires ruraux : certaines populations se retrouvent ainsi à plus de 10 kilomètres d’une pharmacie. Ce phénomène qui risque à termes de compromettre l’accès aux soins fait émerger une nouvelle menace : au désert médical s’ajoute désormais le désert pharmaceutique. La profession a été la première à s’alarmer de cette avancée du délitement du réseau en milieu rural. Dès juin 2024, la convention pharmaceutique signée entre la FSPF et l’assurance-maladie a prévu une aide de 20 000 euros aux pharmacies situées en « territoires fragiles ». Une solution décriée par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) dont le président, Pierre-Olivier Variot, refuse catégoriquement « une « politique agricole commune » appliquée à la pharmacie ».

50 000 euros d’aide

Las, après plus d’un an d’atermoiements, et de nombreux dysfonctionnements dans les calculs effectués par les ARS, le dispositif peine à se mettre en place. D’un millier estimé lors de la signature de la convention, le nombre de pharmacies pouvant prétendre à cet accompagnement financier s’est réduit à une poignée de 260 officines. Victime de son insuffisance et de sa complexité, le dispositif a été, depuis, rattrapé par la volonté politique de garantir l’accès aux soins dans les territoires ruraux. Il risque ainsi d’être supplanté par l’initiative du Premier ministre, décidé à labelliser, d’ici à 2027, 5000 structures France Santé sur le territoire. Les aides accordées à ces structures à hauteur de 50 000 euros pourraient également profiter aux pharmacies. Toutefois, cette initiative reste controversée. Notamment par Corinne Imbert, pharmacienne-sénatrice, qui voit dans ce label un facteur de discrimination entre les structures existantes. Les représentants de la profession restent, quant à eux, circonspects. Philippe Besset, président de la FSPF, dénonce la méthode et la précipitation du gouvernement. Il n’a rien à redire en revanche à un investissement annuel de 50 000 euros majeur pour l’attractivité des officines mais réclame une négociation conventionnelle avec l’assurance-maladie pour mettre en place ce système. Les rangs syndicaux se divisent d’ailleurs à nouveau quand il s’agit de soutenir un autre dispositif de soutien à la pharmacie rurale. Les antennes de pharmacie, au nombre de quatre, en cette fin d’année peinent à essaimer sur le territoire, faute de titulaires volontaires pour participer à cette expérimentation de trois ans. Au-delà de la désaffection des candidats à l’installation, la pharmacie rurale souffrirait-elle in fine d’un manque d’esprit entrepreunarial ?

Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien