Janvier : un agenda déjà bien rempli
Les sujets cruciaux pour l’avenir de la profession ne manquent pas en ce début d’année. Mais des points de suspension demeurent. L’ordonnance numérique, dont on sait qu’elle pourrait freiner les fraudeurs et déjouer les trafics de médicaments chers, connaît à nouveau un faux départ. Et ce n’est pas le dernier. Autre loupé, celui de la saison de vaccination anti-grippale : la couverture reste insuffisante, les doses mal réparties alors que l'épidémie s’éternise… La prochaine campagne fera-t-elle mieux ? L’avenir en tout cas préoccupe la profession qui peine à assurer sa relève. Faut-il à nouveau recruter les futurs pharmaciens dès le lycée ? De ces vocations pourrait dépendre la pérennité du réseau officinal. Un réseau officinal qui est encore traversé par les soubresauts de l’affaire Urgo. Les condamnations de pharmaciens tombent, laissant derrière elles un goût amer et le sentiment d’avoir été sanctionnés pour l’exemple. C’est en tout cas ce qui ressort des témoignages recueillis par « Le Quotidien du pharmacien »
Février : nouvelles pratiques
Les pharmaciens ne sont pas les seuls à voir leur exercice professionnel évoluer. Les kinés, sages-femmes tout comme les infirmières peuvent eux aussi prescrire. Reste qu’au comptoir le peu de lisibilité sur ces nouvelles modalités paralyse souvent la délivrance. Toutefois, ce n’est pas le seul flou qui entoure la dispensation au quotidien. Celle des analogues du GLP-1 laisse d’autant plus perplexe que l’engouement suscité par ces médicaments « minceur » brouille les cartes. Il en est de même pour le détournement de produits à des fins esthétiques quand ce ne sont pas certaines pratiques « beauté » non homologuées qui sont source d’effets indésirables. Dans ce domaine, une nouvelle fois l’expertise du professionnel de santé est requise. Malheureusement, souvent en dernier recours lorsque les dégâts sont avérés. Quant à la téléconsultation qui tend à s’étendre, venant pallier l’absence de médecin, elle offre elle aussi au pharmacien l’occasion de se positionner comme l’interlocuteur privilégié.
Mars : hausse du point officinal annoncée
Au 1er mars 2025, les médicaments contenant du tramadol, de la codéine ou de la dihydrocodéine doivent être prescrits sur une ordonnance sécurisée (avec une période transitoire jusqu’au 31 mars). De plus, la durée maximale de prescription de la codéine et de la dihydrocodéine est réduite à 12 semaines, comme c’est déjà le cas pour le tramadol. Côté ruptures, cela ne va pas mieux pour la quétiapine et les pharmaciens ont été autorisés à dispenser un autre dosage de la préparation magistrale de quétiapine à libération immédiate - à 50 mg - en plus des dosages 100 et 150 mg, en cas de rupture de la forme à libération prolongée, sans que les patients présentent une nouvelle ordonnance. Le 11 mars, l’appli Carte Vitale est officiellement lancée et des assurés de toute la France peuvent désormais se présenter à l’officine avec. Le 18 mars, ce sont les salaires qui connaissent un changement, avec la signature d’un accord actant une hausse de 1,1 % du point officinal. Cette augmentation entrera en vigueur le 26 mai. Le 23 mars, une expérimentation sur l’équipe de soins coordonnée avec le patient (ESCAP) est lancée pour 3 ans sur tout le territoire. Elle permet à tout médecin, pharmacien ou infirmier de constituer une équipe de soins autour d’un patient atteint soit de polypathologies chroniques de plus de 65 ans, soit de diabète de type I ou II sous insuline, soit en soins palliatifs, soit ayant connu un événement cardiaque avec hospitalisation.
Avril : délivrance initiale de pansements limitée à 7 jours
Plusieurs mesures sont entrées en vigueur au 1er avril, comme la limitation de la délivrance à 7 jours pour toute prescription initiale de pansements inscrits à la LPPR, ou la suppression de l’obligation de la prescription initiale annuelle hospitalière pour la clozapine (Leponex et génériques). Le mois de mai signe aussi la remise à disposition des spécialités pédiatriques à base d’amoxicilline : la délivrance directe de préparations magistrales aux enfants de moins de 12 ans en cas d’indisponibilité de ces médicaments n’est donc plus possible. Côté épidémies, on se prépare au retour du Covid et une nouvelle campagne de vaccination est lancée du 14 avril au 14 juin. En outre-mer, c’est l’épidémie de chikungunya qui fait rage et les pharmaciens réunionnais sont autorisés, le 2 avril, à vacciner avec Ixchiq sur prescription médicale. Mais à la fin du mois, la vaccination a été suspendue chez les 65 ans et plus en raison de trois événements indésirables graves, dont un décès, sur l’île de La Réunion. Enfin, Bexsero, vaccin méningococcique B devient remboursable chez les enfants et jeunes adultes de 15 à 24 ans qui souhaitent se faire vacciner. Mais le pharmacien ne peut pas encore prescrire et administrer ce vaccin, qui ne figure pas encore au calendrier vaccinal.
Mai : un printemps sous tension
Les agressions augmentent encore (+ 12 %), selon le bilan annuel de l’Ordre sur la sécurité des pharmaciens, avec 536 déclarations tous métiers confondus en 2024, dont 523 en officine (9 % d’agressions physiques, 8 % de menaces de mort). C’est le chiffre le plus élevé depuis les cinq dernières, excepté en 2020 (année Covid-19), « soit une augmentation de plus de 75 % en 5 ans », déplore l’Ordre. Depuis plusieurs semaines, c’est la prise en charge des préparations magistrales réalisées pour pallier les médicaments en rupture de stock qui agite la profession. Les pharmaciens n’arrivent pas à se faire rembourser les préparations à base de sertraline, pourtant recommandées par l’ANSM pour répondre au manque de l’antidépresseur, sous prétexte qu’il n’y a pas d’arrêté fixant le prix. Les tarifs seront finalement publiés le 14 mai. Le mois de mai se terminera, le 24, par une augmentation du point de 1,1 % pour tous les salariés de l’officine, comme prévu par l’accord signé par les partenaires sociaux en mars.
Juin : les adjoints portent la démographie
Après une traversée du désert démographique, consécutive à la crise du Covid-19, l’Ordre respire. Le nombre de pharmaciens inscrits atteint un niveau record. Grâce aux adjoints, la démographie officinale a repris du poil de la bête. En juin, l’Ordre national des pharmaciens a publié en juin son « Panorama 2024 » de la démographie pharmaceutique. Après une période difficile à la sortie de la crise sanitaire, avec une baisse des effectifs sous la barre des 74 000 pharmaciens (toutes sections confondues) et plus d’un millier de places vacantes en 2e année, le nombre de pharmaciens en exercice se hisse à 75 080 en 2025, un record ! Les rangs de l’officine se sont étoffés, portés par les adjoints qui représentent 69,9 % des nouveaux inscrits. En 2024, la section A comptait 24 270 membres et la section D dénombrait 29 906 inscrits, un chiffre en progression de 2,6 % par rapport à 2023. Le tableau n’est toutefois pas sans ombre : un problème de mobilité persiste et les jeunes ne bougent que très rarement de leur région d’origine.
Juillet : les antennes de pharmacie fleurissent
Les premières antennes de pharmacie ont ouvert leurs portes à l’été 2025. Les syndicats accueillent toutefois ce dispositif avec vigilance. Sauvegarder le maillage officinal compte parmi les enjeux majeurs pour la profession. L’une des réponses proposées face au risque de désertification pharmaceutique est les antennes de pharmacies. Au 3 juin, elles étaient deux à avoir ouvert leurs portes, au sud de l’Aveyron et en Corse ; deux ont suivi en août, d’abord dans le Gers puis en Lozère. La précédente titulaire de la pharmacie aveyronnaise a retardé son départ à la retraite, le temps qu’une solution soit trouvée pour éviter la fermeture. C’est un titulaire d’une pharmacie située à 15 km de là qui a accepté de porter le projet. Depuis, c’est une adjointe de la pharmacie qui reçoit les patients 4 jours sur 7, 35 heures par semaine. Mais le modèle ne fait pas l’unanimité. Il est même accueilli avec prudence par les syndicats, qui invitent à la vigilance sur la distance avec la pharmacie mère ou sur les conséquences pour les pharmacies du secteur.
Septembre : démonstration de force
Le 18 septembre, les pharmaciens baissent en masse le rideau de leur officine et battent le pavé dans tout l’Hexagone. L’arrêté du gouvernement réduisant les remises de génériques, paru au Journal Officiel le 4 août, est entré en vigueur le 1er septembre : il fait passer le plafond de 40 % à 30 % jusqu’en juin 2026, puis à 25 % entre juillet 2026 et juin 2027, puis à 20 % à partir de juillet 2027. Conséquence, selon les projections du statisticien Offisanté, une pharmacie classique va perdre jusqu’à 100 000 euros cumulés au cours des trois ans. Les syndicats réclament le retrait voire la suspension de l’arrêté. Ils alertent la population, les élus locaux, les députés et les sénateurs, d’un risque d’accélération des fermetures d’officines, notamment dans les déserts médicaux. Le 24 septembre, les syndicats remportent une victoire d’étape : le Premier ministre Sébastien Lecornu s’engage à rétablir le plafond à 40 % pour trois mois, le temps de faire la lumière sur les flux financiers du médicament. En ligne de mire : la redéfinition du modèle économique de la pharmacie.
Octobre : quel modèle économique ?
Alors que la sécurité sociale fête ses 80 ans dans un contexte de déficit abyssal, et que la baisse des prix des génériques semble irrévocable, une question devient incontournable : quel modèle économique de la pharmacie sauvera le maillage officinal ? Pendant que l’Inspection générale du travail (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) débutent une mission sur les flux financiers de la distribution des médicaments, les syndicats de pharmaciens se préparent à peser dans le débat sur le PLFSS 2 026. Au cours de leur mobilisation, ils ont gagné le soutien d’élus de tous bords : via des amendements, ils entendent faire supprimer l’arrêté du 4 août et redonner la main au législateur sur la fixation des plafonds des remises. L’enjeu, néanmoins, est plus large : la rémunération officinale doit-elle s’affranchir du prix du médicament pour évoluer vers un modèle « tout honoraire » ? Ou rester un modèle mixte dans lequel des missions seraient financées par des partenaires privés ? Une grande réflexion s’engage, y compris sur la pratique officinale.
Novembre : nouvelle grille des salaires
La nouvelle classification des emplois de la pharmacie d’officine entre en vigueur le 1er novembre. Les 32 pharmacies mutualistes annoncent rejoindre le groupement Pharmacorp à partir du 1er janvier. L’expérimentation de « Suivi à domicile des patients sous anticancéreux oraux », (Onco’link), est reconduite pour 18 mois avant d’être généralisée. Dans un rapport, la Cour des comptes émet huit recommandations pour déployer sous conditions la dispensation à l’unité des médicaments. Le Dossier pharmaceutique intègre Mon espace santé. La HAS se prononce contre la prise en charge de Leqembi, traitement contre la maladie d’Alzheimer. L’application carte Vitale est généralisée à tous les assurés sociaux. L’USPO porte plainte devant l’Ordre suite à une vague de dénigrement contre la profession menée par la présidente du syndicat Convergence infirmière. Le CNOP annonce la sortie prochaine d’une nouvelle version du code de déontologie.
Décembre : un PLFSS adopté de justesse
La réforme permettant la prise en charge intégrale des fauteuils roulants entre en vigueur le 1er décembre. Le gouvernement débloque 200 000 doses de Vaxigrip issus de son stock de réserve. La revue « Prescrire » ajoute la chondroïtine, le fézolinétant et le géfapixant à sa liste des médicaments « plus dangereux qu’utiles ». Abbott rappelle les capteurs de glycémie « FreeStyle Libre 3 » et « FreeStyle Libre 3 Plus » dans 17 pays, dont la France. Thomas Fatôme, directeur général de l’assurance-maladie, confirme l’ouverture de négociations en vue d’un avenant n° 2 au cours du 2e semestre 2026. Les pharmaciens sont autorisés à substituer les médicaments au sein du groupe biologique similaire aflibercept, dont la spécialité Eylea. La HAS rend un avis favorable au remboursement de Mounjaro (tirzépatide) dans le traitement de l’obésité. À 13 voix près, le budget de la Sécurité sociale pour 2026 est adopté par les députés en deuxième lecture le 9 décembre.
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