Parti de certaines régions et aujourd’hui soutenu par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) au niveau national, l’appel à fermer les officines le samedi 16 août provoque des réactions diverses. Si certains pharmaciens n’ont pas hésité longtemps avant de décider de fermer ce jour-là pour montrer leur mécontentement face aux récentes décisions gouvernementales, d’autres regrettent un choix de date qui ne leur semble pas pertinent. Trois pharmaciens gersois ont donné leur point de vue au « Quotidien du pharmacien ».
À Lectoure, commune gersoise touristique d’un peu plus de 3 000 habitants, la pharmacie d’Arnaud et Marie-Claire Cabelguenne sera fermée le 16 août. Pour les deux co-titulaires, également à la tête du syndicat départemental de l’USPO dans le Gers, la décision n’a pas été difficile à prendre. « Il est tout à fait naturel et légitime que nous fermions ce jour-là, explique Marie-Claire Cabelguenne. Nous en avons informé nos patients longtemps en avance, avec une affiche sur notre vitrine, en relayant la pétition… Nous avons contacté les deux députés du département pour les informer sur notre situation. Cet appel à la fermeture a été relayé dans la presse, il y a eu un reportage à la télévision… », précise la co-titulaire, qui n’a pas ressenti d’animosité de la part de ses patients. « Au contraire, ils sont très compréhensifs, ils considèrent que notre colère est justifiée. Samedi, des pharmacies seront ouvertes et il y aura, quoi qu’il arrive, au moins une pharmacie de garde donc on ne met pas les patients en péril », estime-t-elle. L’objectif de cette journée de fermeture, qui suit un jour férié et précède un dimanche, est de montrer ce qui attend les patients si de nombreuses officines sont contraintes de fermer dans les mois ou années à venir. Une crainte plus fondée que jamais au vu de la situation économique de nombreuses pharmacies de proximité, qui risquent de payer au prix fort l’abaissement du plafond de remise sur les génériques. Selon l’USPO, une pharmacie sur trois est aujourd’hui menacée et 6 000 communes pourraient perdre leur officine. « Les pharmaciens sont aujourd’hui le dernier rempart contre l’absence de contact médical », rappelle Marie-Claire Cabelguenne, qui veut ici rappeler l’importance de se mobiliser pour défendre l’accès aux soins des patients.
Une date pas adéquate ?
Selon l’USPO, le Gers fait partie des territoires où l’on attend jusqu’à 90 % d’officines fermées le 16 août. Un chiffre qui étonne cependant certains pharmaciens, à l’instar d’Agnès Mauroux, présidente de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) du Gers et titulaire à Auch, la préfecture du département. Dans cette ville d’un peu plus de 20 000 habitants « 6 pharmacies sur 9 seront ouvertes ce samedi », estime-t-elle en se basant sur les retours qu’elle a pu avoir. Ce sera notamment le cas de sa pharmacie. « Pour moi cette date du 16 août n’est pas adéquate. Cela va être assimilé à un jour de repos plus qu’à une journée de grève. Aucune manifestation n’est prévue… Dans notre département, une pharmacie sur trois environ est actuellement fermée car en vacances. Pour les autres, une journée de fermeture c’est une journée de trésorerie en moins, nous avons des charges, des salaires à payer… Cela n’a pas été bien anticipé et je ne pense pas que cela va marquer les esprits. Je redoute aussi que cela donne une mauvaise image de la profession car cela peut pénaliser les patients », juge-t-elle. Pourtant, Agnès Mauroux est tout aussi remontée contre les décisions gouvernementales. « Je serai très active à la rentrée et je fermerai mon officine le 18 septembre, annonce-t-elle. Je préfère garder de l’énergie pour un moment plus opportun », résume-t-elle.
Se battre pour défendre les pharmacies de proximité
À quelques kilomètres de là, à Condom, sous-préfecture du Gers d’un peu plus de 6 000 habitants, il n’y a plus que deux pharmacies depuis que des regroupements ont été opérés. Titulaire de l’une de ces officines et associé de l’autre, Frédéric Thez, pharmacien qui n’est pas syndiqué a trouvé un compromis pour la journée du 16 août. « Je suis solidaire mais la date prête un peu à confusion », admet-il premièrement. « Avec mes associés, nous avons décidé de fermer l’une des deux pharmacies mais l’autre restera ouverte. Toutes les officines des communes alentour sont fermées le samedi, il n’était pas concevable pour moi de fermer les deux. Les patients auraient dû se rendre à plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver l’officine la plus proche, ce n’était pas envisageable », souligne-t-il. Sur le fond, Frédéric Thez est très agacé par les décisions autant que par la manière de procéder choisie par le gouvernement. « On se sent trahis, confie-t-il. Des officines, notamment celles qui sont dans des secteurs isolés, ne vont peut-être pas survivre. Les génériques sont une source importante de rentabilité pour les officines, ce n’est pas un secret. J’ai du mal à supporter que l’on continue à taper sur les pharmaciens alors que, depuis 20 ans, nous sommes la profession de santé qui a fait le plus d’efforts. On entend parfois certains dirent que les pharmaciens “se gavent”, mais si certaines officines sont très rentables, d’autres le sont beaucoup moins », tient-il à rappeler. Pour le pharmacien, le plus important aujourd’hui est de se battre « pour empêcher que des pharmacies de proximité ne ferment dans des zones reculées, alors que l’on se sent déjà délaissé dans le monde rural », conclut-il.