Au cours d’une conférence-débat organisée le 30 septembre, l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens de Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) a appelé par la voix de sa présidente, Félicia Ferrera, « à reconnaître et rémunérer le rôle des pharmaciens dans l’accompagnement et le suivi des patients confrontés à des pénuries successives ». Il suffirait pour atteindre cet objectif de donner aux officinaux la place de pharmacien correspondant que les textes leur accordent déjà, afin de mieux appréhender les pénuries et de mieux accompagner les patients. Face à une pénurie, le pharmacien correspondant serait en mesure d’anticiper le besoin de son patient chronique et ainsi lui éviter l’errance thérapeutique, le poids psychique qui s’en accompagne et fluidifier la dispensation.
Miser sur la confiance
« Rupture de Vimpat et la pharmacie n’en trouve pas. Quels sont les risques si mon fils interrompt son traitement ? », interroge la mère d’un patient épileptique. « Il a fallu que je fasse 5 ou 6 pharmacies pour trouver mon traitement. C’est très angoissant d’être dans l’expectative », regrette un patient atteint de la maladie de Parkinson. Les témoignages partagés par Marie-Laure Lumediluna, présidente de l’Association des diabétiques d’Aix-Pays de Provence et de l’Ouest et vice-présidente de France assos santé PACA racontent tous des vies plongées dans la peur de ne plus trouver son traitement, mais convergent vers le réconfort que ces patients trouvent dans leur relation avec leur pharmacien. « Il y a un désarroi chez les usagers de ces molécules en tensions, mais ils ont tous intégré la nécessité qu’ils doivent anticiper, être acteur de leur santé, et travailler avec le pharmacien, parce qu’il est l’interlocuteur privilégié des patients, souligne la responsable associative. Ils sont conciliants et attentifs, nous voyons les efforts qu’ils déploient pour nous délivrer nos traitements. » Des efforts qui leur valent la gratitude et la confiance des patients, mais qui ne sont pas rémunérés, malgré le temps conséquent consacré à chercher ces traitements.
Revoir l’acte de dispensation et l’adapter aux actes pharmaceutiques
Félicia Ferrera
Une mission officieuse, donc, dont la durée a été estimée par l’Ordre des pharmaciens à 6 heures hebdomadaire. « C'est la raison pour laquelle nous militons pour une loi de refonte du système de soins qui construirait un parcours ambulatoire de qualité autour d’un médecin traitant, d’un pharmacien correspondant et d’un infirmier référent, défend Félicia Ferrera, présidente de l’URPS pharmaciens PACA. Il faut revoir l’acte de dispensation, le moderniser, et l'adapter aux actes pharmaceutiques, qui sont déjà inclus dans le code de la santé publique. » Cet acte de dispensation est de plus en plus crucial pour les patients, qu’il faut désormais de plus en plus rassurer, accompagner et suivre, dans un contexte où les médecins disposent de moins en moins de temps. « Ce rôle de pharmacien correspondant est décrit depuis 2009 dans le code de la Santé publique, mais les moyens n’ont jamais été accordés aux officinaux pour le remplir correctement », achève la présidente de l’instance provençale.
Repenser la polymédication
Face à ces pénuries chroniques, d’autres pistes d’adaptation sont avancées, notamment la déprescription et les préparations magistrales. Une meilleure utilisation du médicament atténuerait la pression exercée par la demande sur certaines molécules et agirait positivement sur la qualité de vie des patients les plus fragiles. En EHPAD, par exemple, une démarche de déprescription diminue la mortalité de 40 %, explique le professeur Stéphane Honoré, responsable de l’Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de l'innovation thérapeutique (OMéDIT) PACA Corse. « Le médicament ne fait pas que du bien, ajoute-t-il. C’est pourquoi nous encourageons des dispositifs de déprescription. À partir de janvier 2026, une consultation longue de déprescription par le médecin traitant sur la base d’un bilan de médication réalisé par le pharmacien sera notamment déployée. »
Un Airbus du médicament
Raphaël Gigliotti
Enfin, si la profession s’accorde sur l’intérêt d’avoir recours à la préparation magistrale en cas de pénurie, « cette mesure constitue un petit pansement sur une hémorragie énorme », déplore Raphaël Gigliotti, tant les obstacles sont nombreux. D’abord, parce que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) différencie tension et rupture d’approvisionnement, et n’autorise les préparations magistrales qu’en dernier recours en cas de pénurie, mais aussi parce que la main-d’œuvre, les infrastructures et le savoir-faire manquent. « Les pharmaciens doivent se réapproprier les compétences en pharmacotechnie qui ont été perdues avec le temps », propose Stéphane Honoré. Un retour aux fondamentaux qui nécessiterait de rouvrir des préparatoires et d’embaucher du personnel qualifié. Deux freins, dans un contexte de fragilité économique du modèle officinal. « C’est pourquoi je suis en faveur de la construction d’un « Airbus du médicament », plaide Raphaël Gigliotti. La France ne peut plus se battre seule dans un marché mondialisé, mais une institution européenne publique de réponse aux pénuries disposerait de la force de frappe aujourd’hui nécessaire. »
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