Contactée par « Le Quotidien du pharmacien », Sandra Malak, directrice de projet – Ségur numérique, délégation ministérielle au numérique en santé (DNS), s’est dite « saisie » par la façon dont les pharmaciens se sont emparés de la vague 1. « 98 % des officines ont bénéficié d'une mise à jour Ségur, ce qui est un record. »
Il est encore difficile d’appréhender la manière dont les pharmaciens se sont effectivement approprié les fonctionnalités implémentées lors de la vague 1. Quelques données donnent toutefois de précieux indices. « Les notes de vaccination sont le marqueur le plus visible. Sur la saison hivernale 2024-2025, 1,5 million de notes de vaccination (environ 50 % du total des vaccinations produites en officine) ont été envoyées sur Mon espace santé », décrypte Sandra Malak, tout en nuançant : « Mais ne nous voilons pas la face, il y a toujours des petits ajustements, des besoins de faciliter l'ergonomie. Les pharmaciens, par exemple, ont eu des degrés de formation qu’ils jugent divers, mais globalement on voit qu’il y a une montée en compétences. »
Du côté des éditeurs, Carole Normandin, directrice Projets stratégiques & Cross-BU chez Smart RX, raconte : « Le déploiement de la vague 1 s’est déroulé selon le calendrier prévu et nous avons mis en place un dispositif important pour former et accompagner nos clients. » Ce sont des webinaires de formation, des vidéos tutoriels sur une plateforme e-learning, des relais sur les réseaux sociaux, des mailings clients sur chaque fonctionnalité, une page web, des articles détaillés disponibles sur l’aide en ligne du logiciel, des accompagnements personnalisés à distance par téléphone ou Tchat, ou en physique avec un formateur. « La marge de progression reste néanmoins très importante, car liée aux usages de tous les professionnels de santé et à l’écosystème de santé dans sa globalité », ajoute-t-elle. Pour l’heure, Smart RX poursuit son habilitation Ségur, et comme les autres éditeurs, prépare la vague 2.
Faciliter la consultation du DMP
En effet, c’est désormais à cette seconde vague que doivent se concentrer les éditeurs de LGO. Le premier pas du Ségur consistait à faire en sorte que chaque Français dispose de Mon Espace Santé. « Aujourd’hui, 97 % des Français ont un tel espace et 600 000 environ sont activés chaque mois. Moins de 1,5 % s’y est opposé à date », explique Sandra Malak. Ensuite, il a fallu faire en sorte que les documents du parcours de soins du patient y soient effectivement rendus disponibles. « Aujourd'hui, nous pouvons dire que plus d'un document de santé sur deux produits en France vient alimenter Mon Espace Santé. C’est par exemple 70 % des lettres de liaison de sortie à l'hôpital, 50 % des comptes rendus d'imagerie et donc 50 % des notes de vaccination pour cet hiver », énumère Sandra Malak.
La vague 2 constitue la troisième étape. Elle consiste d’abord à faire en sorte que les pharmaciens puissent avoir accès aux documents dont ils ont besoin pour coordonner leurs soins depuis leur LGO. Concrètement, la vague 2 prévoit : la consultation depuis le logiciel métier des informations disponibles dans le DMP (intégré à Mon Espace Santé) ; l’intégration dans le DMP des documents de santé reçus par messagerie de santé, l’interopérabilité avec les différentes messageries sécurisées. Aujourd’hui, les professionnels peuvent consulter les documents via le site dmp.fr, mais en réalité, ils s’y connectent très peu. Pourquoi ? « Parce que ce n’est pas intégré à leur logiciel, il faut passer par plusieurs étapes : ouvrir un navigateur, se connecter, retrouver le numéro de sécurité sociale du patient… Ce n’est ni simple, ni ergonomique », décrit Sandra Malak. L’objectif consiste à rendre le tout beaucoup plus fluide en donnant un accès direct aux documents depuis le logiciel métier.
Enrichir l’existant
C’est aussi l’amélioration de certaines fonctionnalités de la vague 1, telles que la qualification de l’INS (Identité nationale de santé), le renforcement de l’ordonnance numérique (voir encadré), et l’alimentation du DMP avec de nouveaux documents. En plus des entretiens pharmaceutiques et des notes de vaccination, « le pharmacien va pouvoir produire des tests rapides d'orientation diagnostique (Trod) (ainsi que les notes de dépistage et bilans de prévention, N.D.L.R.), puis les envoyer automatiquement dans Mon Espace Santé », énonce Sandra Malak. Une autre évolution importante concerne le Dossier pharmaceutique (DP). Jusqu’à présent, son accès (sur autorisation) nécessitait la présentation de la Carte vitale du patient. Désormais, tout est facilité : il pourra se faire simplement grâce à un INS (Identifiant national de santé) qualifié. Une amélioration qui doit venir sécuriser la dispensation en vérifiant les interactions médicamenteuses via le DP.
« Ces fonctionnalités nécessitent de rendre les LGO interopérables en temps réel avec tous les services connectés en respectant les nouvelles règles de sécurité sur les données de santé bien entendu, et tout cela en garantissant aux utilisateurs rapidité et souplesse dans leurs gestes métier », commente Carole Normandin. D’ailleurs, la vague 2 doit également répondre à des enjeux autour de l'interopérabilité et l'intégration des messageries sécurisées de santé (MSSanté) directement dans le LGO. Actuellement, beaucoup trop d’échanges de données de santé s’effectuent encore via des messageries personnelles, type Gmail, qui ne répondent pas aux exigences de sécurité nécessaires aux données de santé. « L’objectif est que, depuis son logiciel, le pharmacien puisse accéder aux MSSanté et donc aux documents reçus par ce biais pour que, petit à petit, disparaisse l'usage de ces messageries non sécurisées », expose Sandra Malak.
Muscler la cybersécurité des LGO
La vague 2 comporte un important volet sécurité, qui, au-delà de la seule protection des échanges, vise plus globalement à mieux protéger les SI (systèmes d’information) face aux cyberattaques, en augmentation constante. En 2024, près de 4 400 événements de sécurité ont été recensés par l'Agence française de sécurité informatique (Anssi). C’est 15 % de plus qu’en 2023.
La vague 2 prévoit ainsi un renforcement de la protection des données sensibles dans le LGO en définissant des droits d’accès à privilèges en fonction des rôles de chaque utilisateur dans la pharmacie. Les LGO, dont l’accès est conditionné à une authentification à simple facteur, devront ainsi adopter une authentification forte à double facteur 2FA. « Vous vous connectez une première fois et toutes les quatre heures, vous devrez remplir une authentification (2FA) », décrit Franck Laugère, C.E.P.I. chez PharmaVitale. Plus sécurisée que l’authentification à simple facteur, la 2FA demande deux preuves d’identité. Elle se distingue de la MFA, plus sécurisée, qui nécessite deux facteurs ou plus. En outre, « nous allons même imposer aux éditeurs un test d’intrusion », précise Sandra Malak. Ils devront faire tester la sécurité de leurs logiciels auprès d’auditeurs, afin de détecter d’éventuelles failles dans celui-ci et les corriger le cas échéant.
Une collaboration plus étroite
Les fonctionnalités de la seconde vague font toujours l’objet de discussions entre les différents acteurs concernés. Actuellement, l’heure est à la collaboration avec les institutions pour déterminer les contours exacts des exigences et comment celles-ci vont s’intégrer dans la roadmap des éditeurs et dans la réalité du métier de pharmaciens. « Nous échangeons tant sur les aspects techniques avec les différents services R & D des éditeurs, que sur les enjeux opérationnels affectant le modèle économique des différents acteurs. Ces derniers doivent s’adapter aux exigences du REM, tout en évaluant la faisabilité et la pertinence sur les fonctions et missions quotidiennes des pharmaciens », développe Carole Normandin.
Même son de cloche du côté des pouvoirs publics. « Nous améliorons notre copie au fur et à mesure et nous en sommes actuellement à la définition des derniers paramètres techniques. Nous voulons coconstruire pour que cela serve le pharmacien au quotidien. D’ailleurs, dans nos sessions de travail, il y a aussi des représentants d’officine qui contribuent activement », nous confirme Sandra Malak.
Un déploiement entre 2026 et 2027
L’enjeu de cette coconstruction a aussi pour but de lever ce que Sandra Malak qualifie de « malentendus » qui ont émergé au cours des échanges. « Certains éléments ne nous conviennent pas », signale, en effet, Franck Laugère. Des éditeurs craignent que, pour chaque passage d’un patient en officine, il faille télécharger des documents issus du DMP, générant un volume important de données stockées et des coûts supplémentaires pour les officines. « L’idée n’est pas que le pharmacien consulte et aspire systématiquement les documents », précise Sandra Malak. Cet usage est réservé à des situations spécifiques, comme lors d’un bilan partagé de médication, d’une conciliation médicamenteuse ou en cas de difficulté particulière sur une dispensation. Dans ces cas-là seulement, le professionnel pourra accéder à l’information pertinente, et uniquement à celle-ci, puis la télécharger, nous assure-t-on.
On l’aura compris, l’heure est encore à la discussion, et aucun calendrier final n’a été communiqué. « Nous nous sommes fixés comme objectif une prépublication des textes réglementaires d’ici l’été 2025, qui seront ensuite officiellement publiés au Journal officiel. Ces textes figureront dans Légifrance et seront consultables par tous », affirme Sandra Malak. Le déploiement effectif de la vague 2 est prévu autour de 2026 et devrait courir jusqu’en 2027.
Priorité sur l’ordonnance numérique
Tous les acteurs contactés par « Le Quotidien du pharmacien » ont confirmé que la priorité est donnée à la mise en place et à la généralisation de la version 3 de l’ordonnance numérique. « Au point d’envisager un report des autres fonctionnalités », nous confie Carole Normandin. Et pour cause : tout l’enjeu consiste à lutter contre la fraude et à sécuriser la prescription qui, dans le cas de l’ordonnance numérique, ne peut être lue qu’une seule fois.
Que contient cette V3 ? Concrètement, elle implique la création d’un mode de transmission séquentiel qui met à jour la base en temps réel dès la délivrance et met à jour l’ordonnance post-facturation. De nouvelles capacités d’automatisation dans le cadre de la prescription et de la délivrance doivent également être apportées, et le processus d’intervention pharmaceutique facilité, et des améliorations sur les tableaux de bord.
L. B.
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