Pour les représentants de la profession, il s’agit d’une « victoire d’étape ». Convoqués le 24 septembre en fin de journée à Matignon, la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), Carine Wolf-Thal, le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Besset, et le président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO), Pierre-Olivier Variot, ont signé un protocole d’accord avec le Premier ministre, après des semaines de mobilisation contre les baisses de plafond des remises sur les médicaments génériques, fixées par l’arrêté du 4 août 2025. Cette mesure est désormais suspendue. « C'est un pacte gagnant-gagnant où nous allons encore renforcer l'action des pharmacies dans les territoires ruraux », résume Pierre-Olivier Variot. Étant donné cet accord, « la mobilisation, c’est comme l’arrêté : elle est suspendue pour au moins 3 mois », poursuit le président de l’USPO. Les actions engagées depuis le 1er juillet, notamment la grève des gardes, sont suspendues et la FSPF appelle les pharmaciens à ne plus faire circuler les pétitions papier.
L’expérimentation OSyS (pour Orientation dans le SYstème de Soins), initiée par Pharma système qualité en 2023, sera généralisée
Dans ce protocole, le gouvernement s’est engagé à rétablir pour au moins 3 mois le plafond des remises sur les génériques à 40 %, ainsi qu’un plafond à 40 % pour les remises sur les médicaments hybrides et à 15 % sur les biosimilaires. Un décret publié au « Journal officiel », applicable au 1er octobre, doit entériner la mesure, selon Philippe Besset. « Ça ne veut pas dire qu’à la fin des trois mois, on change le taux de 40 % », poursuit-il. Quant au délai de trois mois « minimum », peut-être court pour certains pour permettre une transformation économique de l’officine, c’est une façon pour Matignon de rester engagé dans ce contexte politique instable. Malgré le risque de censure du gouvernement Lecornu au premier vote, le Premier ministre « s'est engagé par cet accord et de toute façon, il est quand même sous le contrôle des parlementaires. Je rappelle que nous avons quand même eu le soutien de personnalités politiques d’absolument tous les horizons », rassure le président de la FSPF.
L'enjeu est de mieux faire connaître à la population les services que rendent les pharmaciens. Et surtout : trouver des modèles économiques pour que tous les pharmaciens puissent justement réaliser ces missions
Carine Wolf-Thal, présidente de l’Ordre des pharmaciens
Des avancées et des contreparties
Dans les motifs justifiant la mobilisation, les pharmaciens demandaient aussi un moratoire sur l’économie officinale. Le protocole signé mercredi contient ainsi une mission confiée à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l’Inspection générale des finances (IGF) sur les flux financiers de la distribution du médicament, dont les conclusions seront rendues à l’issue des trois mois. « L'enquête flash IGAS/IGF va permettre de faire la lumière sur l'ensemble des marges de distribution autour notamment des génériques, mais pas que !, explique Philippe Besset. L’enquête aboutira à des préconisations pour peut-être modifier la rémunération du réseau. » L’Ordre sera aussi de la partie : « Les syndicats vont bien sûr parler chiffres et modèle économique. Quant à nous, nous allons plutôt parler des missions du pharmacien, du maillage, de l’accès aux soins, voire des règles d'implantation des officines. Nous aurons des angles de réponses différents », complète la présidente de l’Ordre.
Cet accord se veut « équilibré » pour le Premier ministre et « positif » pour les représentants des pharmaciens.
Le protocole contient aussi des avancées côté « missions ». L’expérimentation OSyS (pour Orientation dans le SYstème de Soins), initiée par Pharma système qualité en 2023, sera généralisée. « L’une des problématiques est le financement, mais l’intention du gouvernement est de déployer OSyS dans la France entière au travers de la loi Mouiller », indique Philippe Besset. Cette loi au nom du sénateur Philippe Mouiller (LR) visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, a été votée en première lecture au Sénat en mai et attend son passage à l’Assemblée nationale. Par ailleurs, dans le cadre du plan France Santé relancé par Sébastien Lecornu mi-septembre, qui vise à améliorer l’offre de soins de proximité, un ensemble de mesures de sauvegarde sera proposé pour 900 officines situées dans les territoires fragiles et en zones rurales. Pour Philippe Besset, « il devient donc urgent de travailler sur le déploiement rapide de l’aide conventionnelle de 20 000 euros pour les pharmacies des territoires fragiles. »
C’est là, dans le volet missions, qu’interviennent les contreparties pour les pharmaciens. Pour renforcer l’offre de soins de proximité, « les pharmaciens pourront proposer de : réaliser des tests d’orientation diagnostique pour les angines ou les cystites, avec prescription d’un traitement si nécessaire ; renouveler les ordonnances de contraceptifs oraux jusqu’à six mois après leur expiration ; prolonger, jusqu’à trois mois, le renouvellement de traitements chroniques stables (comme l’hypertension ou le diabète), afin d’éviter toute rupture de soins », annonce Sébastien Lecornu dans un communiqué. Des missions qui existent déjà…
« Mais qui ne sont ni connues, ni réalisées partout, explique Philippe Besset. Et elles sont particulièrement utiles dans ces communes où il y a une pharmacie mais où il n'y a pas de médecin. Nous syndicats, notre engagement est de déployer ces missions qui ont déjà été faites par le gouvernement. Par ailleurs, nous avons un problème, c'est que la plupart de ces missions ne sont pas tracées Il faut absolument qu’elles le soient pour qu'on puisse prouver qu'on les réalise. » « L'enjeu, c'est de mieux faire connaître à la population les services que rendent les pharmaciens, ajoute Carine Wolf-Thal. Et puis surtout : trouver des modèles économiques pour que tous les pharmaciens puissent justement réaliser ces missions. »
Et maintenant ?
Globalement, cet accord se veut « équilibré » pour le Premier ministre et « positif » pour les représentants des pharmaciens. Il marque le retour du dialogue, voire de la confiance, entre les partenaires. Il manque encore un interlocuteur important : un ministre de la Santé, non nommé au moment où nous bouclons.
Pour autant, les représentants des pharmaciens ne vont pas attendre l’issue des 3 mois pour avancer. « C'est maintenant que l'on va rentrer dans le vif du sujet, souligne Carine Wolf-Thal, qui entend poursuivre les rencontres avec les pouvoirs publics et les élus locaux. Maintenant que les discussions sont ouvertes, il faut qu'on explique nos ambitions, notre vision et la direction que l’on veut prendre. Les rendez-vous à venir sont d’autant plus importants. On est dans la construction d'un nouveau schéma. » Pendant de temps, les actions de mobilisation sont juste sur pause.
Dans les coulisses de Matignon
Seuls les présidents des syndicats représentatifs de la profession (USPO et FSPF) et la présidente de l’Ordre des pharmaciens ont été convoqués à Matignon le mercredi 24 septembre, à 18 heures, afin d’établir « l’accord pour garantir l’avenir des officines et renforcer l’offre de soins de proximité ».
« Ce protocole, on l’a construit dans la nuit du 23 au 24 septembre et dans la journée du 24, explique Philippe Besset, président de la FSPF. La réunion à Matignon s’est ensuite déroulée en deux temps : une première heure avec le directeur de cabinet, Louis Margueritte, et la conseillère santé du cabinet, Anne Briac-Bili, heure pendant laquelle on a peaufiné le protocole. Ensuite la « team Premier ministre » a été complétée par Sébastien Lecornu lui-même. Il a passé une heure avec nous ». « Et c’est Sébastien Lecornu qui a pris les choses en mains », complète Pierre-Olivier Variot, président de l'USPO. Pour Carine Wolf-Thal, présidente de l’Ordre des pharmaciens : « Il a d'emblée affiché une volonté d'apaisement et de dialogue. »
« Nous lui avons expliqué que cette baisse de plafond sur les remises génériques, mesure qui est prise sans étude d'impact et sur la base de chiffres faux, nous l’avons prise comme une trahison », raconte Pierre-Olivier Variot. Philippe Besset rapporte, citant les propos de Sébastien Lecornu : « Votre histoire de remises est incompréhensible pour le commun des mortels. En revanche, ce qui est très compréhensible, c'est qu’il y a des pharmacies qui ferment, notamment dans les zones rurales, et que par ailleurs vous êtes tous dans la rue, unis. J’ai besoin des pharmaciens. Moi, je suis là pour régler les problèmes que je peux régler. »
Sujet qui aurait pu compromettre l’issue du bras de fer entre les pharmaciens et le gouvernement, l’appel au boycott, sur les réseaux sociaux, des commandes de vaccins Covid-19 pour la session des 22 et 23 septembre n’a pas du tout été évoqué en réunion. La direction générale de la Santé a par ailleurs indiqué au « Quotidien du pharmacien » les chiffres pour cette ouverture de commande : l’équivalent de 773 442 doses adultes, de 5 118 doses pour les enfants de 5 à 11 ans et de 867 doses pour les 6 mois-4ans.
A.-H. C.
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