
Les plus petites sont de la taille d’une boîte de cigarettes, les plus grandes atteignent les dimensions de gros coffrets. Pharmacies de poche ou nécessaires en bois précieux aux allures de petits coffres-forts pour les plus luxueux, l’univers des pharmacies portatives fait entrer dans le monde mystérieux des fioles multicolores qui nous guérissent et illustrent les différentes couches sociales qui y avaient recours, du pharmacien de campagne à l’apothicaire seigneurial.
Seigneurs hypocondriaques
Le médecin hollandais Jean-Adrien Helvétius est le premier à avoir eu l’idée de démocratiser, sur l’ensemble du territoire, l’usage de la médication pour le plus grand nombre
Car les premières trousses de médicaments apparaissent au XVIIIe siècle, mais uniquement à destination des grands seigneurs, souvent les plus hypocondriaques, souhaitant avoir à portée de main le sérum miracle ! « On présente beaucoup d’objets dont une douzaine de pharmacies portatives et des pharmacies de poche, l’objet de l’exposition étant de montrer différents modèles qui eurent cours du 18e au XXe siècle, qu’ils soient d’usage civil ou militaire, sur terre comme sur les mers » explique Sylvain Gaudron, secrétaire général de la S.H.P.
Le premier à avoir eu l’idée de démocratiser, sur l’ensemble du territoire, l’usage de la médication pour le plus grand nombre, est le médecin hollandais Jean-Adrien Helvétius (1661-1727) qui officiait à la cour de Louis XIV. Connu pour avoir inventé un remède à base de poudre d’ipécacuanha et pour avoir guéri le Grand Dauphin d’une fièvre tenace, il gagna l’attention royale, ce qui lui permit de mettre en circulation des boîtes de médicaments constituées de remèdes spécifiques, vomitifs, fébrifuges, purgatifs et autres stomachiques, jusqu’aux teintures d’or et d’argent de Nuremberg pour panser les plaies. Ainsi, sa petite « pharmacie », dans laquelle le quinquina tenait une place de choix, fut distribuée à grande échelle à travers le royaume pour soigner les pauvres et les indigents. Car, à l’époque, 75 % de la population vivait à la campagne dans des villages éloignés de tous soins. En 1706, Helvétius réussira ainsi à diffuser son petit arsenal thérapeutique, à tel point qu’en 1769, on dénombrait plus de 900 000 envois vers les personnes les plus charitables, sœurs et curés de campagne, disposés à délivrer les remèdes aux pauvres.
Prendre en charge la santé de la population
Véritables petites pharmacies ambulantes, les boîtes de médicaments d’Helvétius sont les ancêtres des pharmacies portatives qui se développeront ensuite au XIXe siècle. Ainsi, l’instituteur, le capitaine de bateau, le voyageur à cheval, le chef de famille se devaient d’avoir sa pharmacopée portative. Sans aucun doute, l’action de Helvétius aura eu un impact considérable sur l’état sanitaire et social de la France et sur une prise de conscience, par l’État, de la nécessité de prendre en charge la santé de ses sujets.
L’instituteur, le capitaine de bateau, le voyageur à cheval, le chef de famille se devaient d’avoir sa pharmacopée portative
« En introduction, un film retracera l’histoire de l’ensemble des objets exposés. On aura aussi de grands posters qui viennent du musée de Bâle avec des photographies de pharmacies princières extraordinaires emplies de tous leurs instruments, telle que la pharmacie de voyage de l’impératrice Marie-Louise qui est conservée au musée Glauco-Lombardi à Parme. Enfin, plusieurs catalogues pharmaceutiques proposant des pharmacies portatives seront présentés, comme celui du pharmacien Menier ou de la Pharmacie centrale de France », précise le secrétaire général, lui-même grand collectionneur de ces objets fascinants autant pour leur intérêt historique pour que pour leur aspect esthétique, et prêteur de l’exposition, aux côtés de l’Ordre national des pharmaciens et d’autres membres de la S.H.P.
Eau-de-vie, vin de Hongrie, vinaigre de Saturne, poudre digestive, rhubarbe pulvérisée, poudre d’ipécacuanha, extraits de quinquina, sels d’ammoniac, vinaigre des 4 voleurs, cataplasmes et autres onguents… Chaque pharmacie portative regorge de remèdes qui témoignent de la composition de la pharmacopée domestique et d’urgence utilisée au XIXe siècle. Le visiteur pourra ainsi découvrir ces objets aujourd’hui rarissimes, pièces historiques qui se déclinèrent bientôt en pharmacies de poche, homéopathiques, ambulance-cantines et autres sacoches et trousses d’urgence pharmaceutique, très utiles notamment sur les champs de bataille.
Un des exemples les plus intéressants, pour qui souhaite connaître plus précisément la composition de fioles et autres sachets contenus dans ces officines voyageuses est le traité rédigé par le chimiste et pharmacien Louis-Claude Cadet de Gassicourt, « La pharmacie portative et domestique à l’usage des personnes qui habitent les campagnes », dans lequel il décrit par exemple l’usage des pastilles de kermès dans « les coqueluches des enfants », celui de l’Aquila-Alba ou mercure doux « dans les obstructions rebelles, les glandes squirreuses, les humeurs froides… » ou encore le sel de Seignette, très purgatif. Automédication à usage du plus grand nombre, dont certains remèdes ont totalement disparu, tandis que d’autres ont perduré dans le temps.
Exposition « Les pharmacies portatives et trousses de secours (du XVIIe au XIXe) » du 20 septembre au 3 octobre (hors week-end), de 10 heures à 18 heures, Salons du Doyen, Faculté de Pharmacie, 4 avenue de l’Observatoire, Paris 6e.
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