< Retrouvez la manifestation parisienne en version audio >
                                            Podcast réalisé par notre reporter Isabelle Duriez

 

Postées plus de quatre heures devant le ministère de la Santé, plusieurs centaines de pharmaciens et de préparateurs venus de Paris et d’Île-de-France ont eu le temps de faire valoir leurs revendications pour la profession. Autour d’un food truck, les langues se sont déliées sur les raisons de la colère : la baisse du plafond des remises génériques, certes, mais aussi les baisses de prix qui devraient intervenir au 1er octobre sur plusieurs molécules. La présence massive de la profession à ce carrefour des avenues de Ségur et Duquesne n’était d’ailleurs pas fortuite. À 14 heures, les délégations syndicales ont été reçues, dans le bâtiment du ministère de la Santé, au Comité économique des produits de santé (CEPS), pour échanger sur ce nouveau péril.

Image 0
 

Preuve que la menace réelle est ressentie par l’ensemble de la profession, il n’était pas rare que les titulaires soient accompagnés de leurs équipes. Comme cette pharmacienne de Fleury-Mérogis (Essonne) entourée de sept de ses douze collaborateurs. « La baisse du plafond des remises génériques équivaut à un salaire d’adjoint. Nous voulons continuer à faire le métier qu’on aime, mais comment voulez-vous qu’on mène toutes les missions ? Il nous faut le salaire qui va avec ! », s’insurge-t-elle. Installée depuis onze ans, elle n’a pas fini de rembourser son emprunt, comme de nombreux autres confrères et consœurs. Mais elle s’inquiète surtout pour les jeunes de son entourage qui ont récemment repris une officine.

Image 0
 

Malgré le ciel bleu qui dominait Paris ce matin, l’ambiance était morose. À supposer que l’arrêté du 4 août sur les remises génériques soit suspendu, voire annulé, l’économie officinale restera à la merci des baisses de prix, de l’érosion d’une marge et d’une rémunération insuffisante des nouvelles missions. « On nous demande de faire encore plus de vaccinations, mais à 2,10 euros le vaccin, comment je m’y retrouve quand une formation coûte 500 euros ? », s’interroge Delphine Chadoutaud, titulaire à Orsay (Essonne) et présidente de l’URPS d’Île-de-France. « Il faut tout remettre à plat, nous sommes au bout d’un système, il ne faut plus miser l’essentiel sur la rémunération du médicament », renchérit Nicolas, son époux et co-titulaire. Le couple travaille 70 heures par semaine et ne peut solliciter davantage son personnel (4 équivalents temps plein) pour les nouvelles missions. « Il nous faudrait embaucher deux personnes supplémentaires, ce qui est économiquement impossible. »

Image 0
 

Les pharmaciens qui se félicitent du relais médiatique que connaît leur mouvement ont pu compter sur la compréhension de leurs patients. La population semble avoir saisi l’enjeu et le péril qui menace la pharmacie de proximité. Pour autant, la perte de confiance dans le modèle ne se limite pas à la baisse du plafond des remises génériques. « L’État a changé les règles du jeu, dénonce Christian-Éric Mauffré, président du groupement Boticinal, et comme à chaque fois qu’on touche à un élément, l’équilibre est en cause. Même si l’arrêté est annulé, il faudra continuer le combat, notamment pour qu’on puisse aller plus loin dans le répertoire des génériques et les biosimilaires. »

Image 0
 

C’est donc le modèle économique qui serait, in fine, entièrement à revoir. Noémie Chantrel-Richard, présidente de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), en est convaincue. L’étudiante de cinquième année a tenu à rejoindre ses aînés devant le ministère de la Santé ce midi. Comme plusieurs de ses camarades de l’ANEPF, elle se sent concernée par la colère ambiante et elle partage ce malaise profond de la profession quant à son avenir économique. Mais pour elle, les pharmaciens se trompent de combat. Ce n’est pas tant la baisse des remises génériques qu’il faut remettre en cause, mais bien l’ensemble de la structure de la rémunération de l’officine. « Il faut abandonner la rémunération à la boîte. Comment peut-on d’un côté adhérer au bon usage, à la baisse de la consommation de médicaments, si de l’autre côté notre revenu reste basé essentiellement sur le médicament ? Notre gagne-pain doit être fondé sur les nouvelles missions, sur la prévention, sur notre rôle de professionnel de santé… » Combative, Noémie Chantrel-Richard ne regrette pourtant pas d’avoir choisi la filière officine car elle garde l’espoir d’un changement.