Attention fausse lune ! Non, les outils d'intelligence artificielle (IA) de délivrance utilisés en officine ne s'entraînent pas à mesure qu'on y entre des ordonnances. « Si une IA a du mal à lire une ordonnance manuscrite… elle l'aura toujours », a expliqué Thibault Ozenne, dirigeant et cofondateur de Phealing, éditeur d'une de ces solutions, lors d'une table-ronde organisée jeudi 20 mars à Montpellier*.
« Malheureusement pour l’innovation en France et heureusement pour l’intérêt individuel du patient, on ne peut pas, RGPD oblige, entraîner une IA sur une donnée de son environnement de production, ce qui limite très fortement sa capacité d'apprentissage », précise ce dirigeant invité à débattre avec Me Renaud Miralles, avocat spécialisé dans l'accompagnement des pharmacies, et Jérôme Escojido, pharmacien cofondateur du réseau Médiprix.
Gare aux solutions gratuites pouvant servir de Cheval de Troie
Jérôme Escojido, pharmacien cofondateur du réseau Médiprix
Dans ce groupement, qui n'utilise pas la solution Phealing, mais une solution maison, on estime que l'analyse humaine de l'ordonnance face à celle réalisée par l'IA, est perdue. « Ne commençons pas à dire que le pharmacien est un maître de l'art et qu'il est plus fort que l'IA. C'est une erreur majeure de croire que six ans d'études peuvent rivaliser avec elle. Notre rôle sera davantage social et portera notamment sur la nécessité de mener un bilan pharmaceutique et, par exemple, la réalisation d'un bilan de prévention », considère ce dirigeant, rejoint dans son analyse par le patron de Phealing : « L'IA ne pourra jamais comprendre le contexte de vie du patient. »
Des logiciels à refuser
Gare toutefois aux solutions gratuites pouvant servir de Cheval de Troie, prévient Jérôme Escojido. « Méfions-nous des extracteurs statistiques installés de manière un peu sauvage sur tous les LGO », plaide celui qui tient une officine à Pérols en périphérie sud de Montpellier. « Ces logiciels ne traitent pas les données de santé mais ne se gênent pas pour le faire sur les données commerciales ! Sous couvert de vous fournir une solution gratuitement, ils récupèrent toutes les données de vente. Ces logiciels, il faut les refuser ! Quand un laboratoire vient chez vous, qu'il connaît vos ventes, et ce que vous faites chez le concurrent, il connaît le potentiel de votre pharmacie. Il va donc vous fixer des objectifs qui vont être au maximum de ce que vous êtes en capacité de réaliser. Or, cette information, il ne devrait pas en disposer. »
Reste au pharmacien à faire des choix et les bons dans la mesure où les différentes couches applicatives d'IA – pour la plupart payantes — ne sont aujourd'hui pas interopérables et donc compatibles avec tous les LGO… Un frein majeur au libre choix de son outil de travail.
Un référent données à l'officine
« Si jamais une pharmacie se trouve victime d'un vol de données chez un de ses sous-traitants, qu'il soit éditeur de logiciels ou hébergeur de données, avec fuite de ces données sans l'accord des patients, la pharmacie est condamnable », explique Me Renaud Miralles, du cabinet PVB Avocats. « La CNIL, qui a déjà sanctionné un grossiste de médicaments en la matière (il n'avait pas recouru à des sous-traitants présentant des garanties suffisantes recrutés après autorisation du responsable de traitement, N.D.L.R.), recommande de nommer pour toute pharmacie développant un chiffre d'affaires annuel supérieur à 2,6 millions d'euros, un responsable du traitement des données, qu'on appelle aussi DPO. Rien d'obligatoire, il s'agit d'une simple recommandation mais il est intéressant de se conformer à cette indication, ne serait-ce que pour prendre conscience de sa responsabilité en la matière », précise l'avocat.
*Table ronde organisée par Phamily et le cabinet PVB Avocats, en partenariat avec le CROP Occitanie
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