1er juillet 2025. Invalides. Sous des tentes blanches, les pharmaciens enfilent des tee-shirts siglés « Pharmaciens trahis ». À l’appel des organisations syndicales, ils sont près d’un millier venus alerter sur le danger qui pèse sur le maillage officinal. Après l’annonce brutale de l’abaissement au 1er juillet des remises de génériques de 40 % à 20-25 %, les estimations de l’impact sont inquiétantes : entre 30 000 et 6 000 euros par officines et par an, 6 000 pharmacies menacées, 20 % des emplois. « Les remises génériques représentent 30 % de l’EBE, proteste René-Pierre Clément, pharmacien à Thionville et vice-président national de l’USPO. On a déjà perdu 2 000 officines au cours des dix dernières années. On court à la catastrophe. On nous coupe les remises génériques, alors que le biosimilaire représente à peine 10 % de la volumétrie faite sur le générique. C’est nier tout le travail de substitution fait depuis 25 ans. »
La trahison
Ceints de leurs écharpes tricolores, les premiers parlementaires sont vite entourés. Philippe Besset, le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et Guillaume Racle, membre du bureau de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), attendent des élus qu’ils fassent « pression sur le gouvernement » pour obtenir « l'annulation de l’abaissement du plafond des remises de génériques et une vraie concertation sur celles sur les biosimilaires et hybrides. » Ils s’entretiennent ainsi avec Agnès Firmin-Le Bodo, ex-ministre de la Santé et députée de Seine-Maritime, et Corinne Imbert, sénatrice de Charente-Maritime, secrétaire de la commission des affaires sociales du Sénat, toutes deux pharmaciennes de profession. « Ce que le gouvernement s’apprête à faire est inacceptable, confie cette dernière. Un accord conventionnel doit être respecté. L’abaissement du plafond des remises génériques va conduire à la fermeture d’officines, à leur concentration et va accroître le risque de financiarisation du secteur. Il faut retrouver la raison. »
François Jolivet, député Horizons de l'Indre, et vice-président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, affiche la même fermeté. « Il ne reste déjà plus beaucoup de médecins, si les pharmacies ferment, il n’y aura plus d’accès aux soins. Leur modèle économique doit sans doute être revisité, mais pas de cette façon et pas en cours d’année. Bien que je soutienne l'action du gouvernement, je ne comprends pas cette mesure amenée, sans étude de l'impact sur les territoires. »
Charles de Courson (Le nouveau centre), Bertrand Bouyx (Horizons), les UDR Christelle D’Intorni, Bernard Chaix, et Mathieu Bloch, François Ruffin (Picardie Debout), Damien Mauduit (LFI), et d’autres élus, viennent échanger, abrités sous des ombrelles blanches… « Nous leur avons rappelé que la signature d’un contrat conventionnel avec l'assurance maladie engage les responsables syndicaux, qui doivent ensuite convaincre la profession, résume Philippe Besset. Que ce contrat soit annulé, sans aucune concertation, c'est une trahison. »
Maintenir la pression
Vers 13 heures, le cortège se dirige, en pleine canicule, vers le ministère de la Santé. Dans la foule, Agnès est venue du Loiret. Elle prévoyait le transfert de son officine l’an prochain et craint, à l’inverse, de devoir licencier : « C’est aberrant ! Le gouvernement s’inquiète des déserts médicaux, mais crée des déserts pharmaceutiques. On va se retrouver dans une commune de 1 600 habitants sans médecin ni pharmacien ! » Pour Jean-Claude Pothier, secrétaire de Federgy, la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie, il faut aussi mobiliser la population : « On espère créer un électrochoc. La grève des gardes, que nous entamons ce 1er juillet, est l’occasion d’interpeller nos patients : attention, demain, vous devrez faire dix kilomètres de plus pour aller chercher vos médicaments. »
Quand vers 15 heures, la délégation sort du ministère, elle n’a vu le ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, Yannick Neuder, qu’une vingtaine de minutes, et n’a obtenu aucune réponse. Si ce n’est la confirmation que l’arrêt de prorogation du plafond des remises de génériques a été signé la veille. L’arrêté paraîtra finalement le 3 juillet. Il prolonge le plafond jusqu’au 1er août et non jusqu’à fin août comme espéré. L’acte 2 de la mobilisation commence. Mais d’ores et déjà, les pharmaciens ont bien l’intention de maintenir la pression sur le gouvernement. Quitte à se mobiliser crescendo : grève illimitée des gardes, puis grève de la télétransmission et pourquoi pas, à l’automne, grève de la vaccination contre la grippe.



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