Un arrêté publié dans le « Journal officiel » du 14 mai fixe à 40 % du prix fabricant hors taxe le plafond de remise commerciale sur les génériques. Jusqu’au 1er juillet. Que va-t-il se passer ensuite ? Pour l’instant, le flou demeure. Alors que Bercy envisagerait de baisser le futur plafonnement de ces remises dans une fourchette comprise entre 20 % et 30 %, notamment pour compenser les remises sur les biosimilaires, les officinaux ne masquent pas leur inquiétude, comme le démontre un sondage de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO)…
Dans un contexte économique déjà sensible pour les officines, quel impact une potentielle baisse du plafond de remise des génériques pourrait-elle avoir ? C’est cette question que l’USPO a posée aux pharmaciens entre le 3 et le 10 juin. Une consultation à laquelle ont répondu près de 2 400 personnes. Des répondants à la tête d’officines avec des chiffres d’affaires variables (même si une majorité des pharmaciens interrogés dirigent des pharmacies dont le CA est compris entre 1,3 et 2,6 millions d’euros) et qui affirment, pour plus de 60 % d’entre eux, enregistrer un taux de substitution de plus de 90 %. « Les pharmaciens qui ont répondu au sondage substituent donc beaucoup, pour la grande majorité d’entre eux », souligne Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO. Si l’ampleur de la baisse du plafond de remise sur les génériques est encore incertaine, les pharmaciens anticipent déjà ses conséquences. Ainsi, 70 % des officinaux sondés par l’USPO envisagent « une baisse de leur masse salariale » si le projet va au bout. Une réalité qui, dans les faits, s’observe déjà, comme le confirme Bastien Legrand, président de CGP, réseau de cabinets d’experts-comptables indépendants. « Même s’il est trop tôt pour faire un premier bilan du début d’année 2025, on constate que la marge est un peu attaquée, explique-t-il. Contrairement aux années précédentes, les pharmaciens coupent plus fréquemment dans leur frais de personnel, avec davantage de licenciements et de ruptures conventionnelles. »
Une situation qui prouve le contexte économique délicat dans lequel se trouvent de nombreuses pharmacies. « En 2024, la marge est plutôt stable mais n’a pas suffi à absorber la hausse des frais, notamment de personnel, rappelle Bastien Legrand. Si on note une progression du chiffre d’affaires, c’est en trompe-l’œil car essentiellement portée par les médicaments chers (PFHT supérieur à 150 euros). On constate surtout que l’excédent brut d’exploitation (EBE) a perdu 10 % en un an (193,9 millions d’euros en 2024, contre 204,4 millions d’euros en 2023 sur le panel d’environ 1 800 pharmacies étudié par CGP). La rentabilité des officines a baissé de 10 000 euros en l’espace d’un an en moyenne », complète l’expert. Un contexte économique morose qui pourrait donc s’aggraver si le plafond des remises des génériques venait à être abaissé. Et pour cause. « Il n’est pas simple de mesurer précisément quelle part les médicaments génériques représentent sur la rentabilité de la pharmacie, admet l’expert-comptable. Cependant, si l’on base sur une moyenne de 170 000 euros d’achat de génériques par an et par pharmacie, on peut estimer que cette catégorie de médicaments contribue à la rentabilité d’une officine à hauteur de 85 000 euros. Soit entre 40 et 45 % de l’EBE », estime Bastien Legrand. Une part qui est donc très loin d’être négligeable.
Au-delà de mesures d’économies sur leur frais de personnel, les pharmaciens songent également « à renoncer à des investissements » (sur le matériel, le numérique, la rénovation de leur officine…), si le plafond de remise sur les génériques passait sous la barre des 40 %. Une perspective qui conduirait également 69 % des pharmaciens interrogés à « manquer de trésorerie ». Pire encore, un peu plus d’un sondé sur deux (52 %) penserait même à céder ou à cesser son activité dans les cinq ans si cette baisse devenait réalité. Dans l’attente de futurs échanges avec Bercy sur ce sujet, Pierre-Olivier Variot estime d’ores et déjà qu’il est temps de sonner l’alarme. « On voit bien que l’avenant n° 1 qui a été signé par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) n’est pas suffisant, critique-t-il. Nous avons obtenu une libéralisation des marges sur les biosimilaires mais cela ne doit pas se faire en rognant sur les remises génériques. Le deal c’était de redonner de l’argent au réseau, cela ne doit pas se faire avec une enveloppe constante. Près de 85 000 euros sur la rentabilité d’une officine, soit la part des génériques, c’est plus que le salaire d’un adjoint », donne-t-il à titre d’exemple. Le président de l’USPO l’annonce, il faudra peut-être « envisager des actions » pour se faire entendre, peut-être dans la même veine que l’an dernier, lorsque les pharmaciens étaient descendus dans la rue…
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