Au téléphone dans son bureau, Karine regarde par la fenêtre puis reprend la conversation avec son interlocuteur :
- Désolée pour le bruit. C’est l’ouvrier qui installe des moustiquaires aux fenêtres du bureau et à l’étage, dans la salle de convivialité. Je sais que c’est bientôt l’automne, mais ces maudits moustiques sont toujours bien présents… Au moins, ce sera fait pour l’année prochaine.
La pharmacienne abrège sa conversation lorsque J-C et Julien entrent à leur tour dans la pièce.
- Alors ?, demande-t-elle après avoir raccroché.
- Alors, on perd un poste, dit J-C visiblement mécontent.
- D’après la simulation de Béber, la perte s’élève à 19 000 euros par an, ce qui équivaut à supprimer un temps plein, explique Julien qui porte sur son visage de jeune papa les stigmates d’une courte nuit.
- Ça correspond bien à ce qui est annoncé par les syndicats. Pour autant, pas question de licencier. Est-ce que Béber vous a donné l’autre analyse que je lui ai demandée ?, demande Karine.
- Tu parles de ce document ?
- Super. J’ai demandé à notre comptable d’évaluer comment cette perte provoquée par la baisse du plafond sur les génériques peut être compensée par une montée en charge des entretiens…
- Mais nous n’avons pas le temps de faire toutes ces missions, l’interrompt J-C.
- Et si nous le prenions ? Si ces entretiens sont rentables, pourquoi passer à côté ?
- Arrête. Tu disais toi-même que tu étais toujours dérangée quand tu étais en entretien. Et puis je suis peut-être de la vieille école, mais c’est priorité au comptoir…
Habitué à entendre ses associés se quereller, Julien les laisse parler.
- Non, toi, arrête de râler J-C et écoute-moi. Si on augmente le volume des entretiens, en particulier les bilans de médication et les entretiens pour les anticancéreux oraux, c’est gagnant. Regarde !
J-C prend le papier que lui tend sa collègue.
- Et pour répondre à ta question sur l’éternel problème du temps, j’ai poussé l’analyse encore plus loin…
- C’est-à-dire ? demandent ses associés.
- En intégrant une réduction des horaires d’ouverture ! Attends avant de crier J-C, rétorque aussitôt la pharmacienne avant même que son collègue ne sorte un son de sa bouche. Si on réduit de deux heures les horaires, il n’y a aucun manque à gagner. Par exemple, si on décide de n’ouvrir qu’à partir de midi le lundi, il est très probable que les ordonnances du matin soient reportées l’après-midi ou les autres jours. Là où ça devient très pertinent, c’est que la pharmacie n’est pas réellement fermée. Elle est ouverte mais sur rendez-vous uniquement, pour réaliser les entretiens. Vous comprenez la logique ?
- Un peu sur le modèle des banques, ajoute Julien qui a bien compris le raisonnement de son associée. Et c’est vraiment valorisant en termes de métier. Mais avons-nous un nombre suffisant de candidats éligibles à ces entretiens ?
- Entre nos patients âgés, nos patients polymédiqués, nos patients asthmatiques… je pense que c’est jouable. Sans compter les rendez-vous vaccination que nous pourrons également caler sur ces horaires particuliers. J-C, tu ne dis rien ?
- J’entends déjà les patients se plaindre…
- Au début certainement, mais ils s’habitueront.
(À suivre…)
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