Le Quotidien du pharmacien.- Moratoire sur la baisse du plafond des remises génériques, baisse des prix des génériques, PLFSS, de nombreux coups de butoirs ont été donnés ou vont être donnés à l’économie officinale. Qu’attendez-vous du nouveau ministre de la Santé ?
Philippe Besset.- J’attends du ministre qu’il ouvre une période de négociations au niveau de l’État. Cela débouchera ensuite sur un avenant conventionnel mais d’ores et déjà il est urgent de conclure un pacte « Etat-Officine » que j’avais appelé de mes vœux dans le passé. Il s’agit de répondre à ces questions primordiales : quel réseau veut-on ? Comment fait-on pour en assurer la pérennité et quelles sont ses missions ? Je demande un « plan officine ». Et quinze ans après, il est essentiel selon moi d’effectuer un nouveau rapport de l’IGAS ayant pour sujet « Officine-missions-réseau ». Un deuxième opus, quinze ans après, est plus que nécessaire.
L’avenant 1 était la vedette du congrès 2024 à Deauville. Un an plus tard, le réseau a-t-il besoin d’un nouvel avenant ?
Je pense que nous avons besoin d’un projet plus large qu’un avenant. Car il faut savoir ce qu’il doit advenir de la politique du médicament. Tout ne peut pas être retransmis à l’assurance-maladie. À moins qu’à l’instar de la présidente du Comité économique des produits de santé (CEPS), Virginie Beaumeunier, on considère que le mode de rémunération de l’officine doit être indépendant du prix du médicament. C’est ce qu’elle dit dans son rapport. « Laissez-moi gérer le prix du médicament et qu’il n’y ait pas d’interférence avec la gestion de la pharmacie d’officine qui est un autre sujet. » De fait, je suis d’accord pour dire que si l’on veut jouer notre rôle de tiers de confiance, pour le juste soin, pour la bonne prise de médicaments, il ne faut pas qu’on soit pollué par des considérations économiques sur le prix du médicament.
D’aucuns considèrent que le moteur de l’économie officinale est en panne. Rejoignez-vous ceux qui réclament une révision du mode de rémunération, voire un modèle tout honoraires ?
Je suis favorable à un modèle tout honoraires. Mais il est extrêmement complexe d’entamer une réforme systémique. Je suis prêt, toutefois, et avec moi la FSPF, à nous atteler à ce chantier. Ou plutôt de poursuivre ce que nous avions déjà entamé avec la convention de 2012. Nous sommes aujourd’hui au milieu du gué. Et, nous le voyons, nous avons été soutenus dernièrement dans le dossier des remises génériques par l’assurance-maladie. Les prochains mois vont être décisifs et nous sommes tous très motivés. La population a besoin du réseau officinal et de la proximité de ses pharmaciens, l’État le sait.
Le protocole d’accord avec Matignon prévoit des contreparties de la part des pharmaciens, notamment une généralisation des « missions » OSyS (pour Orientation dans le SYstème de Soins), ou l’implication des pharmaciens dans « France Réseau Santé ». Pensez-vous que ce déploiement sur la France entière puisse contribuer à sauver le maillage officinal ?
Oui, c’est tout un faisceau de choses qui y consolident le maillage. Ce ne sont pas seulement les questions économiques mais aussi les nouvelles missions, la réforme des études, l’attractivité du métier ainsi que la coordination avec les équipes pluridisciplinaires, les médecins, les infirmiers.
À ce titre, à l’annonce des missions qui pourraient être déployées sur l’ensemble du territoire, les réactions des médecins ont, cependant, été très virulentes, notamment de la part de l’Union française pour une médecine libre-Syndicat (UFML-S). Ces freins à l’interpro sont-ils de nature à faire obstruction à cette généralisation ?
Concernant la réaction de l’UFML-S et de Convergences infirmière, je dirais qu’il s’agit de voix isolées et nullement représentatives. Même si je ne néglige jamais les personnalités minoritaires qui s’expriment. Force est de constater toutefois qu’elles émanent de petites organisations et qu’elles sont dissonantes face au soutien que nous avons reçu de la part des professionnels de santé lors de l’accord du 24 septembre avec le Premier ministre. D’ailleurs, l’ensemble des professionnels de santé était avec nous le 1er juillet dernier alors même que le sujet (le plafond des remises génériques N.D.L.R.) ne les touchait pas. Je m’étonne toujours que ces personnes adoptent des postures d’un autre temps tout en utilisant les moyens de communication modernes que sont les réseaux sociaux. A contrario, celles qui ont des positions modernistes devraient -à mon sens- recourir plus largement à ces canaux de communication afin de les faire valoir plus largement.
L’interprofessionnalité est l’un de vos chevaux de bataille. Ne serait-ce qu’à travers votre mandat de président des Libéraux de santé (LDS). Jusqu’où êtes-vous prêt à aller dans cette voie ?
Sachant que sur le terrain, les patients ont besoin de leur pharmacien au même titre que leur médecin traitant et leur infirmière, j’ai proposé d’inventer un nouveau format conventionnel. Il s’agirait non plus de s’intéresser uniquement à une profession mais bien d’approche une pathologie. Ainsi la convention s’appuierait sur deux ou trois professionnels de santé. Par exemple, une convention autour du patient chronique réunirait les médecins généralistes, les infirmières et les pharmaciens, parce que nous avons besoin de travailler ensemble sur le parcours du patient. Sur d’autres pathologies, comme l’obésité, on pourrait imaginer une convention avec des médecins spécialistes. L’assurance-maladie semble prête à entendre ce raisonnement. Pour autant, il est très difficile de soutenir une innovation en cette période politique complexe et instable. Avec du recul, je constate que l’État a manqué de résilience pendant la crise Covid. Il aurait dû mener à bout les réformes, notamment la réforme des retraites. Il en paie aujourd’hui le prix. Je le dirai au Congrès national des pharmaciens à Édouard Philippe, tout en le remerciant pour la confiance qu’il a accordé au réseau officinal pendant cette période. C’est à ce moment-là que la pharmacie de demain est devenue visible.
Quels messages positifs porterez-vous à Lyon ?
Il faut rester optimiste et donner envie pour l’avenir, même si nous ne pouvons nier les problèmes actuels. Ainsi, certains dossiers doivent être menés dans l’immédiateté en parallèle des prospectives que j’ai citées plus haut. L’aide de 20 000 euros doit être octroyée très rapidement à 1 000 pharmacies, c’est essentiel d’aider ces officines en zones rurales. Dans le même temps, il faut absolument que nous réussissions à booster la substitution afin d’atteindre un taux de 95 %. Les pharmaciens doivent jouer le jeu et substituer tout ce qui est substituable par les génériques, les biosimilaires et les hybrides. Car la substitution est porteuse de marge. Autre facteur de marge, la vaccination. Il faut absolument « cranter » dans la vaccination contre le zona, les pneumocoques et l’HPV. Il faut faire « péter » les chiffres ! Car il s’agit d’un retour immédiat garanti et d’un investissement gagnant-gagnant, à la fois pour le pharmacien, l’assurance-maladie et la santé publique.
Trois jours pour dessiner la pharmacie de demain
C’est un congrès national des pharmaciens, éminemment politique, qui va s’ouvrir, pour trois jours, le 10 octobre à Lyon. Édouard Philippe, ancien Premier ministre, Yannick Neuder, actuellement ministre de la Santé démissionnaire et député de l’Isère, et Thomas Fatôme, directeur général de l’assurance-maladie et qui dialogueront avec Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et des présidents départementaux de l’avenir de la profession tant dans sa position au sein du système de soins que dans ses dimensions économiques.
À ces interventions du samedi 11 octobre succéderont d’autres sujets d’actualité : la prise en charge de la victime de soumission chimique avec Leila Chaouachi, pharmacienne au centre d’Addictovigilance de Paris et fondatrice du Crafs (Centre de référence sur les agressions facilitées par les substances), la gestion de crise, le désamorçage des conflits ou des litiges au comptoir samedi en conférence et dimanche en atelier formation. Dimanche 12 octobre, la réforme des études, et tout particulièrement du DES officine, qui patine, fera l’objet d’un atelier animé par Claude Dussart, doyen de la faculté de pharmacie de Lyon. L’installation en pharmacie rurale et ses spécificités seront exposées par trois titulaires alors même que la profession s’apprête à recevoir des aides aux pharmacies en difficulté dans ces territoires, parce que seules dans leur village, dépourvu de médecins. Autre forme d’exercice de terrain, la coordination avec d’autres professionnels de santé libéraux : des représentants de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS) ainsi qu’un président départemental de la FSPF et la direction d’un groupement de coopération sanitaire (GCS) exposeront le fonctionnement d’une Équipe de soins coordonnée avec le patient (ESCAP). Enfin la prévention sera également à l’ordre du jour avec deux formations consacrées l’une aux bilans de prévention, l’autre à l’actualité vaccinale. En amont de ce programme, la journée de vendredi sera réservée aux membres du bureau national et aux 100 présidents départementaux en présence de la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, d’avocats de l’UNAPL (Union nationale des professions libérales), d’experts-comptables et d’Interfimo. Seront ainsi évoqués en interne d’autres thèmes cruciaux pour l’avenir de l’officine que sont la transmission et la financiarisation. « Nous souhaitons apporter un amendement à la proposition de loi du député Thibault Bazin afin d’instaurer, en cas d’association, des contrats et des statuts émis par l’Ordre, à l’instar de ce qui se pratique pour les médecins », déclare Philippe Besset, réitérant sa volonté de lutter contre la financiarisation « de type contractuel sous forme de prêt. »
M. B.
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