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Examen de la loi antifraude : les 4 mesures qui concernent l’officine

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Publié le 13/11/2025
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Le Sénat examine depuis le 12 novembre le projet de loi de lutte contre les fraudes fiscales et sociales émis par le gouvernement, en parallèle du budget national et du budget de la Sécurité sociale. Les pharmaciens sont visés.

Après les projets de loi de finances (PLF) et de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, c’est au tour du projet de loi de lutte contre les fraudes fiscales et sociales d’être examiné. Ce texte, rédigé par le gouvernement en même temps que les PLF et PLFSS auxquels il est lié, passe d’abord entre les mains du Sénat, qui a commencé les débats en séance publique le 12 novembre.

Ce texte doit « doter la puissance publique d’outils toujours plus efficaces contre les fraudes », espère le gouvernement, selon une stratégie en trois actes : mieux prévenir et détecter la fraude, améliorer la lutte et mieux sanctionner, améliorer le recouvrement. « L’objectif est d’obtenir des résultats concrets, mesurables et importants », complète le cabinet de la ministre de la Santé Stéphanie Rist. Selon les projections, le projet de loi devrait rapporter 2,3 milliards d’euros en 2026.

Double sanction possible pour surfacturation de médicaments

Dans ce texte qui vise aussi bien la fraude sociale que fiscale des citoyens, des usagers du système de santé, des réseaux de fraudes ou encore des professionnels, plusieurs mesures concernent directement les pharmaciens.

La principale mesure qui, selon le gouvernement, permettra d’avoir « plus d’impact » contre les professionnels de santé au « comportement abusif » est le cumul, pour une même fraude, des sanctions financières et des sanctions conventionnelles, ce qui était jusqu’à présent interdit. En clair, les professionnels de santé fraudeurs pourront recevoir deux sanctions pour la même action quand elle est caractérisée et importante. « On est dans une logique de proportionnalité », précise le cabinet de Stéphanie Rist. Le gouvernement se justifie : « Le montant des pénalités appliquées par les caisses n’est pas toujours suffisant pour être dissuasif, notamment lorsque des fraudes sont le fait d’acteurs réalisant des chiffres d’affaires conséquents (grosses pharmacies, groupes de laboratoires pharmaceutiques, de centres de santé, de cliniques, etc.). Inversement, un déconventionnement seul n’est pas forcément efficace dans certains cas. Par exemple, lorsqu’un pharmacien est déconventionné mais qu’il a un associé, la pharmacie peut continuer de fonctionner : la sanction reste théorique et certaines pratiques déviantes peuvent subsister. »

Obligation de contrôle pour l’assurance-maladie

Autre mesure envisagée : l’obligation pour les organismes de la Sécurité sociale de concevoir et de mettre en place un programme de contrôle et de lutte contre la fraude, et l’obligation de déposer plainte lorsqu'une fraude constatée dépasse un certain seuil (à fixer par décret), que la fraude soit commise par un professionnel de santé ou non. Le dépôt de plainte des caisses de Sécurité sociale sera aussi facilité, permettant ainsi de réduire le traitement des dossiers et d’augmenter « la probabilité de condamnation ferme », espère le gouvernement, qui cite, entre autres fraudes commises par des professionnels de santé, « des condamnations pénales pour escroquerie d’envergure nationale, de la part de pharmacies (tests Covid fictifs facturés en masse par exemple) ».

Échanges d’informations

Pour sécuriser les demandes de remboursement, il est également question de favoriser les échanges d’informations entre les organismes complémentaires et la Caisse nationale de l’assurance-maladie (CNAM) dans le cadre de suspicions de fraude. L’un des enjeux est de respecter la confidentialité des données de santé des assurés.

Par ailleurs, les agents de l’assurance-maladie auront accès aux données patrimoniales, aux transactions immobilières et aux contrats d’assurance vie, de capitalisation ou de placements, pour pouvoir accomplir leurs missions de contrôle et de recouvrement des fraudes sociales, entre autres par les professionnels de santé. Les sommes dues par des fraudeurs sont « parfois non négligeables s'agissant de professionnels : plusieurs millions dans des affaires d'escroquerie ces dernières années, commises par des pharmaciens ou des centres de santé par exemple », affirme le gouvernement.

Globalement, le coût de la mise en place de toutes les mesures n’est pas précisé. « L’idée est plutôt de lutter contre la fraude », répond le cabinet de la ministre de la Santé au « Quotidien du pharmacien ». La fraude, « c’est un coup de canif dans le contrat social. On peut considérer que, dans une période où on demande des efforts importants à l’ensemble des citoyens et des acteurs du système de santé, la fraude devient de plus en plus insupportable ».

Pour mémoire, en 2024, l’assurance-maladie avait détecté et stoppé pour 628 millions d’euros de fraudes commises par les professionnels et par les assurés. La Cour des comptes estimait, en 2023, le montant des fraudes aux prestations de l’assurance-maladie entre 3,8 et 4,5 milliards d’euros, « soit plus du tiers du déficit de la branche en 2023 ».


Source : lequotidiendupharmacien.fr