Faculté de pharmacie

Une odeur de malfaçon à l’Université Paris-Saclay ?

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Publié le 13/11/2025
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Le 17 septembre, tous les bâtiments du site Henri Moissan de l’Université Paris-Saclay ont été fermés par précaution. Depuis l’inauguration des lieux, étudiants et chercheurs se plaignent de maux de tête et d’irritations au niveau de la gorge et des yeux à cause d’odeurs chimiques persistantes. Des tests sont en cours pour déterminer l’origine du problème.

Si Henri Moissan a tout pour séduire, le bâtiment cache cependant une réalité moins reluisante

Si Henri Moissan a tout pour séduire, le bâtiment cache cependant une réalité moins reluisante
Crédit photo : Université Paris-Saclay

En décembre 2024, le campus Henri Moissan, qui rassemble en un même lieu le pôle de biologie, de pharmacie et de chimie de l’Université Paris-Saclay, a été récompensé par un prix international d’architecture et de design. C’est sur ce site de 74 000 mètres carrés situé dans l’Essonne, qui accueille près de 5 000 étudiants et chercheurs, que la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry a été transférée. Si Henri Moissan a tout pour séduire, le bâtiment cache cependant une réalité bien moins reluisante. Depuis son inauguration en avril 2023, des problèmes récurrents d’odeurs chimiques incommodantes sont signalés dans certaines salles et laboratoires. Des symptômes, tels que des maux de tête ou des irritations de la gorge et des yeux, ont notamment été rapportés par des représentants du personnel en fin d’année dernière, comme le rappelait un communiqué récent de Lutte ouvrière. Alors que les premiers tests réalisés sous la conduite de Bouygues, l’entreprise responsable de la maintenance du lieu, n’avaient révélé aucun danger potentiel, l’université a finalement décidé de fermer l’ensemble de l’édifice le 17 septembre.

Des salles n'ont jamais pu être exploitées à cause de ce problème d’odeur, ce qui est quand même dommage dans un bâtiment neuf

Nathalie*, salariée sur le plateau de Saclay

Malgré les résultats rassurants des premiers tests entrepris, les plaintes concernant ces odeurs chimiques dans l’air ont en effet continué. « Des salles n'ont jamais pu être exploitées à cause de ce problème d’odeur, ce qui est quand même dommage dans un bâtiment neuf. Des gens ont appris à y travailler en se protégeant ou en un utilisant certains laboratoires moins longtemps… », raconte au « Quotidien du pharmacien » Nathalie*, salariée sur le plateau de Saclay et qui connaît bien la situation du site Henri Moissan. « Comme les résultats des premiers tests n’ont rien donné, le mainteneur a expliqué que le problème venait peut-être des chimistes qui ne savaient pas se servir de leurs hottes… Évidemment ces derniers n'ont pas apprécié. » Sur le plateau de Saclay, le sujet anime les discussions et a fait l’objet de réunions. « C'est un très beau bâtiment, magnifique même. C'est beaucoup mieux que Châtenay. Cela dit, il a été construit pendant la période du Covid et un peu dans l'urgence. Il y a eu des retards. Le constructeur a fait appel à de nombreux sous-traitants sur la fin pour tenir les délais et s'éviter des pénalités. À la fin, c'était le branle-bas de combat », raconte Nathalie, qui se pose aussi cette question : « Le constructeur savait-il réellement concevoir un bâtiment aussi spécifique ? », interroge-t-elle.

Un problème au niveau des systèmes d’extraction de l’air ?

Aujourd’hui, c’est en effet l’hypothèse d'un problème sur les centrales de traitement d’air (CTA) qui apparaît la plus probable pour expliquer pourquoi ces odeurs de produits chimiques stagnent dans l’air, comme le confirme Claire Janoir, doyenne de la faculté de pharmacie de l'université. « Les tests en cours montrent que certaines CTA sont dysfonctionnelles. L’air extrait, appelé air pollué, est rejeté en toiture, décrit la doyenne. Selon la force et le sens du vent notamment, il y a une possibilité que cet air pollué, même s'il est très dilué, puisse en fait revenir. » Un diagnostic CTA par CTA est en cours et certains devront être changés. Un travail fastidieux. « Parfois, il suffira de changer certaines pièces, d’effectuer des réglages au niveau de la pression ou de changer l'emplacement du moteur… Cependant, nous avons identifié un problème de conception ou de construction sur au moins une CTA », ajoute la doyenne. Pour ce dernier cas, des travaux plus long et coûteux seront donc nécessaires pour remplacer l’équipement.

Aujourd'hui, trois bâtiments (sur 6) sont encore fermés. L'un va rouvrir le 25 novembre

Claire Janoir, doyenne de la faculté de pharmacie

Quant à la question du risque sanitaire, Claire Janoir se montre plutôt rassurante, même s’il est impossible de se prononcer de manière catégorique. « Il y a eu relativement peu de passage en médecine du travail par rapport à ces problèmes d'odeur de produits chimiques. L'ARS a également été prévenue lors de la fermeture du bâtiment et n’a pas fait état d’hospitalisations consécutives à un problème d’intoxication sur le site. Nous semblons donc être sur un cas d'exposition chronique potentielle plutôt que sur un risque de phénomène aigu. » Parfaitement consciente des difficultés vécues par tous les usagers du site, Claire Janoir confirme par ailleurs que les doctorants bénéficieront d’une prolongation pour leur bourse de thèse. « Aujourd'hui, trois bâtiments (sur 6) sont encore fermés. L'un va rouvrir le 25 novembre. Pour les deux autres, qui abritent des laboratoires de recherche, les services administratifs ou encore des salles de TP, on ne peut pas encore se prononcer. Nous n'avons pas encore de visibilité », précise-t-elle pour conclure.

*Le prénom a été modifié

Pascal Marie

Source : Le Quotidien du Pharmacien