Entretien avec Laurent Filoche : « L’impact économique pour les pharmaciens sera quand même majeur »

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Publié le 02/10/2025
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La suspension pour au moins trois mois de l’arrêté abaissant le plafond de remise des génériques a été saluée par les représentants de la profession, mais est-ce réellement une victoire ? Président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO), Laurent Filoche met en garde les pharmaciens : les répercussions économiques seront tout de même importantes pour le réseau, notamment à cause des baisses de prix en vigueur depuis le 1er octobre.

Crédit photo : Capucine Henry

Le Quotidien du pharmacien :- Avec le retour d’un plafond à 40 % pour les remises génériques, les pharmaciens vont-ils bénéficier de conditions commerciales comparables à ce qu’ils connaissaient avant le 1er septembre ?

Laurent Filoche : – Nous sommes dans une situation qui est problématique. Conformément à ce qui était prévu par l’arrêté du 4 août, les laboratoires ont intégré ce taux maximum de remise à 30 % dans leurs conditions particulières de vente (CPV). La suspension de l’arrêté va donc réintroduire ce taux à 40 % mais l’on ne reviendra pas pour autant aux conditions qui étaient en cours avant la publication de ce texte. Pourquoi ? Parce qu’entre-temps, le comité économique des produits de santé (CEPS) a acté des baisses de prix sur de nombreux groupes génériques à partir du 1er octobre, avec l’objectif de réaliser près de 200 millions d’euros d’économies. Prenons l’exemple du rivaroxaban, qui va subir une baisse de prix de près de 40 %, le fabricant ne va pas vouloir remettre un taux de remise à 40 % désormais, même si cela est légalement possible, car il redoute un impact massif sur ses ventes, ce que je peux entendre. Avec ce retour au taux de 40 %, il est maintenant à la charge de chaque groupement de négocier avec les laboratoires, mais nous avons déjà reçu des fins de non-recevoir de la part de plusieurs d’entre eux, qui nous ont indiqué qu’ils ne remonteraient pas et qu’ils maintiendraient donc ce taux à 30 % dans leurs CPV. À cause donc des baisses de prix que vient d’acter le CEPS.

La suspension de l’arrêté est-elle donc un succès en demi-teinte ?

Oui, il n’y a pas de quoi pavoiser, ce n’est en effet pas une victoire à proprement parler. Il faut aussi avoir en tête que nous sommes dans une situation d’instabilité politique avec la possibilité d’une nouvelle motion de censure, de dissolution, et donc au risque de devoir repartir à zéro. C’est une situation inconfortable. Nous n’avons eu gain de cause que sur un seul des deux objectifs qui se trouvaient devant nous, car le CEPS n’a pas reculé sur les baisses de prix. Même avec cette suspension de l’arrêté, l’impact économique sera donc majeur pour les officinaux.

Surstocker durant les trois mois qui viennent, le temps de la suspension de l’arrêté, est-ce une bonne idée ?

Non, l’idée de surstocker n’est pas une bonne stratégie car le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) risque fort d’acter de nouvelles baisses de prix sur les génériques. Il ne faudrait donc pas se retrouver avec des stocks trop importants. Dans les prochaines semaines, nous allons devoir agir fortement sur le PLFSS, mais nous serons aussi très vigilants au sujet des discussions qui auront lieu en vue de transformer le modèle économique de l’officine. Nous voulons absolument éviter le « tout honoraire » qui ne ferait qu’entraîner la profession vers une fonctionnarisation et un phénomène de paupérisation. Cela mettrait également fin à la valeur des fonds de commerce.

Propos recueillis par Pascal Marie

Source : Le Quotidien du Pharmacien