Six mois d’interdiction d’exercer, dont quatre avec sursis. C’est la sanction qui frappe deux titulaires installés à Sornac et à Bugeat (Corrèze) pour avoir dispensé des médicaments à l’unité dans un souci de lutte contre les pénuries. Une pratique qui n’est réservée qu’à quelques cas, comme le rappelle le CROP de Nouvelle-Aquitaine.
Les faits remontent à 2021. Mais ils n’ont été révélés qu’en mars 2024 par un reportage de Mediapart consacré à la stratégie mise en place par ces deux pharmaciens pour lutter contre les pénuries de médicaments. Un an plus tard, le Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens (CROP) de Nouvelle-Aquitaine a condamné ces deux titulaires du plateau de Millevaches à six mois d’interdiction d’exercer, dont quatre avec sursis, pour avoir dispensé des médicaments à l’unité. Des faits que ne réfute pas Antoine Prioux, l’un des titulaires. Bien au contraire. « Lorsqu’un médicament est en risque de rupture, je délivre le nombre nécessaire de comprimés et conserve le reliquat que je dispense ultérieurement », déclare le pharmacien par ailleurs engagé dans le think tank de la décarbonation, The Shift Project.
Pour l’heure, la sanction prononcée privera un bassin de vie de 4 000 habitants d’un accès au médicament. Toutefois, Gérard Deguin, président du CROP de Nouvelle-Aquitaine, à l’origine de la plainte, justifie sa démarche. « Aujourd’hui, le déconditionnement des médicaments n’est autorisé que dans certains cas, les antibiotiques ou la quétiapine, en forte rupture. Ce qui n’est visiblement pas le cas dans le dossier », rappelle-t-il, soulignant que la décision revient, en toute indépendance, à la chambre de discipline.
« On nous reproche de ne pas l’avoir fait de manière encadrée. Certes, il y a cinq ans quand nous avons commencé -c’était à l’occasion des premières pénuries, notamment de prednisolone- aucun texte n’existait. Mais nous nous sommes engagés dans cette démarche en tant qu’investigateurs dans les cercles de qualité médecins/pharmaciens, au sein d’équipe de soins pluridisciplinaire et de maison de santé pluridisciplinaire-universitaire », se défend, de son côté, le titulaire de Sorlac qui reconnaît avoir dispensé des antibiotiques avant l’arrêté autorisant la vente à l’unité et en encadrant la facturation.
La facturation, c’est le principal point d’interrogation que relève dans cette affaire Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Car si le déconditionnement à des fins de dispensation « n’est pas interdit », le responsable syndical s’interroge sur la méthodologie employée par les titulaires. Il pointe ainsi les conditions de facturation pour des produits dont la dispensation n’est pas encadrée par décret, comme cela est le cas pour les stupéfiants et, depuis le 9 mars 2022, pour les antibactériens à usage systémique. « On ne peut faire supporter la totalité du coût d’une boîte à un organisme payeur si la moitié a été dispensée à un autre patient », rappelle-t-il.
Antoine Prioux étudie actuellement les moyens de former appel de la décision du CROP. Il entend également rendre publics ses arguments sur une action dont il revendique la légitimité. À défaut de sa légalité.
À la Une
Préparateurs et adjoints : découvrez les nouvelles grilles de classification
Convention avec l’assurance-maladie
Substitution biosimilaires et génériques : les médecins remplissent leurs objectifs
Mons-en-Baroeul
Deux pharmaciens victimes de harcèlement par l’ancienne titulaire
Livraison de médicaments à domicile
Livmed’s placé en redressement judiciaire