Si l’Ordre est satisfait de ses 75 080 pharmaciens en exercice – un record ! – c’est surtout grâce à la vitalité de la section D (adjoints). C’est l’une des bonnes nouvelles de ce « Panorama 2024 » de l’Ordre des pharmaciens, dont les premiers chiffres ont été présentés ce 5 juin, un peu plus tôt que d’habitude dans un contexte d’élections ordinales.
L’Ordre respire. Au 1er janvier 2025, toutes sections confondues, les pharmaciens inscrits à l’Ordre sont donc plus nombreux (+ 1,2 % par rapport à 2023, + 2,7 % en 10 ans), et plus jeunes (voir ci-dessous). Après une période difficile à la sortie du Covid-19 (baisse totale des effectifs sous la barre des 74 000 pharmaciens, un millier de places vacantes en 2e année d’études de pharmacie à la rentrée 2023, fortes tensions dans le recrutement…), « on est sorti de la zone rouge », rassure Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP). Alors qu’il y a trois ans, le métier de pharmacien était classé par Pôle emploi (aujourd’hui France Travail) comme deuxième secteur le plus sinistré en termes de recrutements devant la plupart des métiers du bâtiment, « nous sommes aujourd’hui à plus de la 20e place des métiers en tension », ajoute la présidente.
L’officine est moins sous pression. En 2024, elle comptait 55 693 pharmaciens : 24 270 titulaires et 29 906 adjoints en métropole, ainsi que 705 titulaires et 812 adjoints en Outre-mer.
En section D, les effectifs grimpent en flèches : + 2,6 % d’adjoints en métropole par rapport à 2023, + 8,4 % en 10 ans. Et ce n’est pas fini. « La section D va bien, merci, se félicite Jérôme Parésys-Barbier, son président, qui vient de rendre les résultats d’une enquête sur le vécu, les envies et les difficultés rencontrées par les adjoints dans leur exercice (voir page 9). Si nous étions 29 906 au 1er janvier 2025, aujourd’hui on sait qu’on dépasse les 30 000 inscrits. Et en plus, ils rajeunissent. Il y a aussi moins d’évaporation : plus vite ils sont diplômés, plus vite ils s’inscrivent. » Sexy, la section D ? On peut le croire car elle porte à elle seule 67,9 % des nouveaux inscrits à l’Ordre et compte le plus de diplômés venant de l’Union européenne (voir ci-dessous). Elle séduit aussi les autres sections : « On reçoit de nombreuses demandes venant de l’industrie ou de la répartition, qui veulent une reconversion. Il y a un effet Covid-19 et les nouvelles missions y sont aussi pour quelque chose, ajoute le président de la section D. Des anciens titulaires sont aussi contraints, ou choisissent, de revenir à l’officine. ». « On assiste aussi à un phénomène nouveau : il y a même des biologistes qui se reconvertissent vers l’officine car ils ne se retrouvent pas dans la reconnaissance de leurs compétences par les pouvoirs publics et se considèrent sous-utilisés. Les pharmaciens biologistes sont dégoûtés de leur métier », rapporte Philippe Piet, président de la section G.
Il y a pourtant un bémol : « L’officine est attractive, mais nous avons un problème de mobilité depuis quelques années : quand les étudiants viennent d’une faculté ou d’une région, ils n’en bougent que très rarement », remarque Jérôme Parésys-Barbier. Autre fait marquant, la section D dépasse la barre des 4 000 intérimaires, du jamais vu. Selon son président, « beaucoup de jeunes inscrits veulent aller de ville en ville, acquérir différentes expériences avant de se fixer. Certains ont aussi envie de ce passage-là avant de devenir chef d’entreprise. Les plus anciens terminent parfois des carrières par l’intérim. » Il y a aussi un « engouement croissant » pour exercer en Outre-mer, constate Serge Minassoff, trésorier de la section E tout juste renouvelée, avec Brigitte Berthelot-Leblanc à sa tête : + 2 % de pharmaciens inscrits. La section H (hospitaliers) aussi gagne en effectifs (+ 2,3 % en 1 an). En revanche, si la section G (biologistes médicaux) voit aussi ses effectifs augmenter en 2024 (+ 0,7 %), elle est surtout marquée par une perte de 10,7 % sur 10 ans et de nombreux postes à pourvoir. « Les professions pharmaceutiques se médicalisent de plus en plus. Mais c’est la section la plus médicale qui perd aujourd’hui de ses attraits », déplore le président de la section G.
L’art de ne pas déstabiliser le maillage
Autant de « signes encourageants » pour l’Ordre mais « certains indicateurs nous incitent à rester particulièrement vigilants », constate Carine Wolf-Thal. Notamment le nombre de fermetures d’officines. Elles sont au nombre de 260 en 2024, pour une seule ouverture, en Seine-Saint-Denis. Au 1er janvier 2025, il ne restait donc plus que 19 627 officines en métropole (-1,3 % par rapport à 2023, -9,9 % sur 10 ans). En revanche, ce nombre -615- reste stable en Outre-mer (idem en 2022, + 34 officines en 10 ans). « Cette évolution en métropole peut s’expliquer par différents facteurs, notamment la restructuration du réseau et bien sûr un certain nombre de difficultés, essentiellement économiques, auxquelles les pharmaciens doivent faire face », rappelle Bruno Maleine, président de la section A. « Les fermetures s’accélèrent, surtout en milieu rural. On a un panel de regroupements d’officines, qui concernent surtout les grandes métropoles. Et il y a aussi des fermetures sèches », poursuit-il. En conséquence de la réduction du nombre d’officines, le nombre de titulaires baisse aussi : -1,3 % par rapport à 2023, -11,4 % sur 10 ans.
« Maintenir un maillage optimal est un vrai challenge, selon la présidente de l’Ordre. Ce à quoi nous sommes attentifs, c’est de ne pas créer des dispositifs nationaux à travers des véhicules législatifs qui, certes, pourront aider des situations particulières, par exemple sur une île en Bretagne, mais qui appliqués à l’ensemble de la France, peuvent déstabiliser le réseau. C’est donc un art difficile que de définir des règles nationales pour des situations locales. » Plusieurs législateurs s’y sont d’ailleurs cassé les dents, notamment lors des discussions pour assouplir les règles d’installation dans les territoires fragiles. Une proposition qu’a également formulée la Cour des comptes dans son rapport sur les comptes de la sécurité sociale, publié en mai. « Avant de parler de créer des officines, préservons déjà le maillage, coupe Carine Wolf-Thal. Évitons les fermetures et quand nous aurons stabilisé le maillage actuel, nous pourrons regarder le dispositif d’antennes qui est là pour maintenir l’accès au médicament là où les officines ferment. »
Les antennes de pharmacies, en expérimentation dans quatre régions, connaissent en effet un certain frémissement. Après l’ouverture de la première antenne en Corse il y a moins d’un an, « ça va s’accélérer dans les semaines à venir. Il y a plusieurs projets en cours en Occitanie, Auvergne Rhône Alpes, Centre Val de Loire et Bretagne », confie le président de la section A.
Engagement collectif
Les actions menées pour améliorer l’attractivité et la démographie pharmaceutique (campagnes de promotion des métiers auprès des jeunes, visibilité des études en pharmacie sur Parcoursup, participation à plus de 100 forums ou festivals, pharmaciens ambassadeurs…) semblent commencer à porter leurs fruits. « C’est un édifice avec plusieurs briques qui créent une synergie, d’abord parce qu’on travaille tous ensemble », constate Carine Wolf-Thal. En complément, l’Ordre s’est doté d’un outil de modélisation, fiable et robuste, permettant des projections sur les effectifs pharmaceutiques jusqu’en 2050. « C’est une aide à la décision pour les pouvoirs publics », rappelle la présidente de l’Ordre, qui ajoute : « L’engagement doit maintenant être collectif, notamment sous l’impulsion des pouvoirs publics, pour mener des travaux complémentaires permettant d’évaluer les besoins de la population. » Pour que ces résultats s’inscrivent dans la durée, il y a encore du travail. Comme faciliter les modalités de reconversion entre métiers, véritable levier d’attractivité qui attend la réforme du troisième cycle des études de pharmacie avec la mise en place d’un DES court officine et industrie. En stand-by depuis plusieurs années et promise par tout nouveau ministre de la Santé, la réforme semble souffrir d’un vrai manque de volonté politique.
Les diplômés à l’étranger en hausse
Sur les 2 927 nouveaux inscrits à l’Ordre en 2024, 8,1 % ont fait leurs études de pharmacie en dehors de l’Hexagone. Cela ne veut pas dire qu’ils sont étrangers : 43,3 % d’entre eux sont, en effet, de nationalité française. La presque totalité a choisi une université dans l’espace économique européen ou en Suisse. « Ce sont des étudiants partis au temps de la PACES, soit par appétence d’étudier ailleurs, soit après un premier échec, explique Carine Wolf-Thal, présidente du CNOP. Il n’y a rien de négatif à cela. À nous de les accueillir au retour en tenant compte de leur expérience ». Au total, 2 431 pharmaciens inscrits ont été diplômés à l’étranger, dont plus de la moitié de nationalité française. Un chiffre en augmentation constante, + 8,7 par rapport à 2023, + 131 en dix ans. 74 % ont reçu leur diplôme dans un autre pays européen, dont 4 sur 5 en Belgique, en Roumanie ou en Espagne.
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