Après plusieurs reports au cours de l’été, l’arrêté fixant de manière unilatérale la baisse du plafond des remises sur les médicaments génériques est entré en application ce 1er septembre. Le texte publié le 4 août au « Journal officiel » encadre aussi les remises sur les hybrides et les biosimilaires. En pratique, il s’agit d’une réforme en trois étapes marquées par une baisse de moitié du plafond des remises sur les génériques sur 2 ans et d’une hausse du plafond sur les remises des biosimilaires :
- Du 1er septembre 2025 au 30 juin 2026, le plafond autorisé pour les remises sur les médicaments génériques passe de 40 % à 30 % ; le plafond pour les remises sur les hybrides est fixé à 30 % quand celui sur les biosimilaires est à 15 % ;
- Du 1er juillet 2026 au 30 juin 2027 : le plafond pour les remises sur les génériques et les hybrides passe à 25 % quand celui sur les biosimilaires augmente à 17,5 % ;
- À partir du 1er juillet 2027, toutes ces remises sont plafonnées à 20 %.
Pour les officines, c’est une catastrophe économique. Selon le statisticien Offisanté, une pharmacie type perdra plus de 20 000 euros en un an avec un plafond à 30 %, plus de 33 000 euros avec un plafond à 25 % et plus de 48 000 euros avec un plafond à 20 %, soit plus de 100 000 euros au cours des 3 prochaines années cumulées (lire page 5).
Si la mesure impacte davantage les grosses pharmacies, il faut se demander si les petites auront la capacité de s’en remettre. Toujours selon Offisanté, avec un taux de remise plafonné à seulement 20 %, une petite officine (moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires) perdra chaque année 18 000 euros de sa rémunération, quand une officine moyenne (2 à 5 millions d’euros de CA) perdra 32 000 euros et une grosse officine, 57 000 euros. On est donc bien loin des 4 000 euros de perte moyenne avancés par le gouvernement…
Vers une redistribution du marché des génériques ?
La mesure devrait ainsi accélérer la fermeture des officines, dont le rythme est déjà de près de 300 par an, et fragiliser davantage le maillage. Avec une perte du nombre de dispensateurs, faut-il craindre une déstabilisation du marché du générique ? « Non, pas vraiment, et ce n’est pas cela le cœur de la problématique, répond Tiago Bartolomeu, président d’EG Labo. L’équilibre entre génériqueurs est déterminé par le marché. Cela dépend de multiples facteurs tels que les conditions commerciales, la qualité de la relation avec l’équipe terrain, la largeur du portefeuille… Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles un pharmacien choisit un génériqueur plutôt qu’un autre. Ce n’est pas cet équilibre qui va changer, car la diminution du nombre de pharmacies impacterait tous les génériqueurs en même temps. Ce qui nous inquiète, nous les industriels, c’est bien l’accès au médicament, c’est de ne plus pouvoir exercer notre mission qui est de fournir un médicament accessible et de qualité, à tous les patients. »
Même conclusion du côté d’Offisanté, pour qui les génériqueurs sont plus « en réaction », appliquent bien le plafond de 30 % et n’ont pas encore eu le temps d’anticiper de nouvelles conditions commerciales (lire page 5).
Industrie/pharmacie : qui perd, qui gagne ?
Contre la réforme, les actions des pharmaciens se multiplient depuis le début de l’été (grève des gardes, fermeture des officines le 16 août…), massivement relayées dans les médias. Le Gemme (association GEnérique Même Médicament), grand absent de ce débat tombé en place publique, ne souhaite pas s’exprimer « à ce stade car il est encore en concertation avec le gouvernement sur ce sujet », répond-il au « Quotidien du pharmacien », le 19 août.
« Les industriels ne gagnent rien avec cet arrêté, répond cependant le président d’EG Labo. D’accord, il y a une baisse obligatoire de remises pour les produits au-dessus de 30 % – ce qui n’était pas la totalité du portefeuille des génériques – mais en parallèle, il y a une baisse de prix qui impacte toute la chaîne. Et là, on perd plus que l’on ne gagne. » En effet, « une baisse de prix de 50 millions d’euros est annoncée d’ici la fin de l’année, donc sur une période d’application d’un trimestre. En même temps, on nous annonce une baisse de 100 millions d’euros sur une année complète. Il y a donc une incohérence de calcul. On s’attend, hélas, à un total beaucoup plus important sur une année pleine : 200 millions d’euros, qui mettraient en péril l’économie de notre système », s’inquiète encore Tiago Bartolomeu. Dit autrement : « Chaque génériqueur a fait ses calculs. Aucune société, à ma connaissance, n’est arrivée à une valeur positive. La baisse de prix annoncée est tellement forte qu’elle annule complètement l’effet de la baisse des remises commerciales », résume l’industriel. Pour Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO), cette baisse de prix atteindrait même 300 millions d’euros pour une année pleine. La réponse sera sûrement donnée le 18 septembre, lors du comité de suivi des génériques avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), mais quelle que soit l’économie à réaliser, « en gros, la baisse de prix est supportée de moitié par le pharmacien », résume le président de l’USPO.
Les syndicats se demandent toujours comment cette baisse sur les remises pourrait permettre de faire des économies à l’assurance-maladie
« Cela remet en cause, aussi, la pérennité des génériqueurs en France et la pérennité des produits, et on revient sur le problème de l’accès aux soins. Si on remet en cause les industriels et le maillage officinal : c’est le double impact », s’inquiète encore le président d’EG Labo. Chez Sandoz, on prône la discussion : « Nous sommes convaincus que le dialogue avec l’ensemble des acteurs de notre système de santé – entreprises pharmaceutiques, professionnels de santé, associations de patients et pharmaciens, en étroite collaboration avec les autorités de santé – est la meilleure méthode pour co-construire des solutions (y compris économiques) protégeant à la fois les intérêts des patients, des pharmaciens et la durabilité à long terme du marché des médicaments génériques. »
Des économies pour la Sécu : où ça ?
Le gouvernement, lui, reste arc-bouté sur un plafonnement à 20 % des remises et des baisses de prix sur des produits dont le prix est déjà le plus bas d’Europe. « La question s’est en effet posée pour certaines références dont les baisses de prix répétées nous amènent à une perte totale de marge. La réglementation est telle que nous ne pouvons pas vendre à perte. Il faut savoir aussi que l’industrie n’est pas libre d’arrêter les médicaments directement, il faut l’accord de l’ANSM, même si le coût de production est plus élevé que le prix de vente. Dans les 5 dernières années, nous avons été contraints d’arrêter la commercialisation de 5 % à 10 % de notre catalogue, soit entre 40 et 80 références, heureusement il y a également eu des lancements de nouveautés en parallèle. Il arrive souvent que l’on soit obligé de demander aux pouvoirs publics de choisir entre ces deux lois : ne pas vendre à perte ou arrêter un produit », témoigne Tiago Bartolomeu.
Les syndicats, eux, se demandent toujours comment cette baisse sur les remises pourrait faire faire des économies à l’assurance-maladie. Les différents conseillers ministériels rencontrés n’ont jamais pu fournir une explication. Et s’il fallait regarder du côté des biosimilaires ? « Les génériques représentent aujourd’hui un marché d’environ 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, les biosimilaires substituables à date représentent un peu moins d’1 milliard d’euros. Ces marchés ne sont pas de la même taille mais le marché des biosimilaires va continuer à croître, de nombreux biosimilaires vont devenir substituables dans les prochaines années. D’ici à 2030, les chiffres d’affaires des deux marchés vont se rapprocher, à environ 4,5 milliards pour les génériques et 4 milliards pour les biosimilaires », rappelle le président d’EG Labo. Augmenter le plafond des remises sur les biosimilaires sur 2 ans (de 2,5 % à 20 %), c’est offrir la possibilité aux laboratoires de baisser leur prix de vente aux pharmaciens, et ainsi, pour l’économe du gouvernement, de s’ouvrir une fenêtre de tir pour négocier de conséquentes baisses de prix sur des médicaments déjà plus coûteux que les génériques.
Mobilisation, mode d’emploi
Reçus en urgence à la demande des ministres eux-mêmes au ministère de la Santé le 3 septembre, puis le 4 septembre par le directeur de cabinet du Premier ministre, les syndicats ont continué à défendre la suppression de l’arrêté du 4 août, ou en tout cas sa suspension, le temps de trouver un accord conventionnel. Mais aucune proposition n’a été faite aux pharmaciens. L’appel à amplifier le mouvement est donc lancé avec en point de mire une « Journée noire de la pharmacie » le 18 septembre si le gouvernement ne revient pas sur ses positions avant le mercredi 17 septembre, midi :
- Poursuite de la grève des gardes avec refus du tiers payant en cas de réquisition ;
- Arrêt de la PDA dans les EHPAD : puisque le modèle économique sur les génériques ne permet plus de préparer les doses à administrer gratuitement, dénoncer les contrats avec les EHPAD afin d’obtenir des conditions économiquement acceptables ;
- Pression sur la classe politique : mise en ligne la semaine du 15 septembre par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) de « jesoutiensmapharma.fr », site d’interpellation des députés et sénateurs ou des candidats aux législatives en cas de dissolution de l’Assemblée nationale. Ce site vise à répertorier la position des politiques (pour/contre) la suppression de l’arrêté du 4 août. En parallèle, les pharmaciens sont appelés à envoyer des courriers à leurs élus ;
- Fermeture des officines le 18 septembre : les pharmaciens sont appelés à « faire le plus de bruit possible » dans la rue ;
- Signature de la pétition « Non aux déserts pharmaceutiques ! » est toujours en cours.
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