En s’installant dans la même zone de chalandise de la pharmacie où elle avait exercé en tant qu’adjointe, une pharmacienne titulaire a récemment été sanctionnée pour avoir « méconnu les dispositions de l’article R.4235-21 », relatait l’Ordre dans un communiqué paru le 27 février. L’article cité fait partie des soixante-dix-sept articles qui composent le code de déontologie applicable à la profession de pharmacien, tous métiers confondus. « Le code de déontologie sert avant tout l’intérêt du patient et de la santé publique », insiste Hélène van den Brink, professeur de droit et d’économie pharmaceutiques à la faculté de pharmacie de Paris Saclay. Pour prévenir ou désamorcer un comportement non déontologique, elle invite les pharmaciens à consulter régulièrement ce code et à en parler entre confrères : « il est important d’être curieux et de se poser les bonnes questions vis-à-vis des actions que l’on met en œuvre à l’officine ou des choix que l’on fait au cours de sa carrière de pharmacien : cela permet d’agir en responsabilité. »
Si le code de déontologie est une garantie pour les patients, il constitue aussi une protection de la profession contre elle-même. Stéphanie l’a compris lorsque sa collègue adjointe l’a prise à partie de façon violente : « Le dialogue avec elle était difficile. Un jour, elle m’a hurlé dessus et m’a carrément insultée, tout ça parce que j’estimais nécessaire d’appeler un médecin pour sécuriser une délivrance. » Terrorisée, Stéphanie a trouvé refuge auprès de sa titulaire, dans son bureau. « Elle a très bien réagi. Elle a pris contact avec son avocate pour lui présenter la situation. L’adjointe a reçu un avertissement. En fait, ce n’était pas la première fois qu’elle avait ce comportement agressif. » Un comportement en totale contradiction avec l’article R4235-34 du code de déontologie, qui prévoit une « aide et assistance mutuelles pour l’accomplissement des devoirs professionnels ».
Parler ou fuir ?
Pour certains adjoints, la question déontologique pose un dilemme insoluble. Faut-il parler, au risque de subir des représailles, se taire, ou démissionner ? « La première chose à faire avant d’entamer une procédure officielle, c’est d’avoir une discussion avec la personne qui a un comportement non déontologique, pour lui indiquer qu’on ne cautionne pas. Cela peut suffire à remettre un confrère ou une consœur dans le cadre déontologique », conseille Hélène van den Brink. C’est ce qu’a fait Armelle auprès de son titulaire pour améliorer le secret professionnel tel que prévu par l’article R4235-5. « Je lui ai dit que ce n’était plus possible d’improviser un espace de tests et de vaccination dans le back-office, au milieu de la zone de déballage. Sa seule réponse a été d’installer un rideau pour nous isoler, ce qui ne garantit en rien la confidentialité », témoigne l’adjointe, consciente que cet aménagement de fortune va à l’encontre de l’article R.4235-12 selon lequel « tout acte professionnel doit être accompli (…) selon les règles de bonnes pratiques ». Quant à Mathilde, chaque situation de pénurie de médicament – et ça ne manque pas - froisse sa conscience déontologique : « lorsqu’un médicament est sous tension, nous privilégions les clients habituels. Mais comment dire non à ceux qui recherchent désespérément leur médicament chronique que leur pharmacie n’a plus en stock ? C’est un vrai cas de conscience. » Difficile dans ces conditions d’appliquer les dispositions de l’article R4235-6 relatif au « dévouement envers toutes les personnes qui ont recours à l’art d’un pharmacien ».
Quand la discussion ne suffit pas
Pour Stéphanie, aucun échange n’a été possible après sa vive altercation avec sa consœur : « j’ai pris contact auprès de l’Ordre. On m’a répondu que j’avais deux possibilités, dont celle de porter plainte pour entamer une conciliation. Comme j’étais en CDD, je n’ai pas donné suite. » Il revient en effet à l’Ordre des pharmaciens d’assurer le respect des droits et des devoirs professionnels. Une plainte disciplinaire peut être déposée par un pharmacien à l’encontre d’un confrère. La première étape consiste à organiser une conciliation sous trois mois, en présence d’un à trois conseillers ordinaux. « Dans ces situations, il est préférable d’avoir des preuves. Le risque est que la personne attaquée nie ou s’enferme dans le déni lors de la conciliation ou de l’inspection », prévient Audrey Uzel, avocate en droit de la santé. « Dans les faits, la plupart des plaintes déposées par les adjoints sont liées à un manque de confraternité, c’est-à-dire une nuisance d’un pharmacien vis-à-vis d’un autre », note Hélène Van den Brick qui a siégé jusqu’en 2019 en chambre disciplinaire. Si la conciliation n’aboutit pas, la plainte est traitée en chambre de discipline de première instance.
Délation ou devoir ?
Dans le cas où un adjoint observe divers manquements au code de déontologie, notamment en termes de dispensation des médicaments, il peut également saisir l’ARS (Agence régionale de santé). A l’issue d’une inspection, l’ARS dépose, si elle le juge nécessaire, une plainte auprès de l’Ordre. Cette dénonciation d’agissements contraires au code de la déontologie est-elle une délation ? « Au contraire, c’est un devoir déontologique de ne pas fermer les yeux devant un comportement qui peut nuire aux patients ou aux confrères, et qui est contraire à la dignité de la profession », nuance Hélène van den Brink qui rappelle cependant que l’article R4235-39 condamne « toute dénonciation injustifiée ou faite dans le dessein de nuire à un confrère ».
Un code de déontologie dépassé
En vigueur depuis 1995, le code de déontologie actuel compte 77 articles (articles R4235-1 à R4235-77 du code de la Santé publique). En 2021, une version actualisée a été approuvée par l'Ordre. Elle prend en compte la jurisprudence, les nouvelles attentes des patients et les nouveaux modes d’exercice de la pharmacie incluant les nouvelles missions et l’exercice coordonné. « L’Ordre attend encore sa validation par le ministère. Ce long délai peut s’expliquer par la récente instabilité institutionnelle », expliquait Carine Wolf-Thal présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), lors de la cérémonie des vœux pour 2025.
Comprendre le code de déontologie
Pour accompagner les pharmaciens à mieux comprendre les règles déontologiques, l’Ordre des pharmaciens a élaboré un code de déontologie commenté, disponible en ligne sur son site internet (Code de déontologie commenté : vos devoirs, un atout).
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