La réflexion avait démarré au moment des discussions autour de l’avenant n° 1 à la convention pharmaceutique, au printemps 2024, mais avec la publication en août de l’arrêté fixant une baisse du plafond des remises sur les génériques, lequel va plomber les comptes des officines, l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO) s’est remise à l’ouvrage. Elle a ainsi envoyé aux ministres de la Santé démissionnaires, Yannick Neuder et Catherine Vautrin, ainsi qu’à l’Élysée, 26 propositions juteuses pour la Sécu, dans lesquelles les pharmaciens peuvent trouver leur compte. « Il y a des mesures gagnant-gagnant. Si on a fait ce document, c'est pour dire qu'il y a des façons plus intelligentes de gagner de l'argent et il faut qu'on s'y mette », explique Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO.
En résumé, l’USPO prône le développement de la substitution par tous les moyens et s’appuie sur le rôle du pharmacien, en particulier du pharmacien correspondant, tout en faisant un tri dans les remboursements : arrêts de la prise en charge des prescriptions des médecins en secteur 3 (proposition 15, économie réalisée estimée entre 450 et 700 millions d’euros par an, selon l’USPO), encadrement des téléconsultations (proposition 17, 110 millions d’euros auraient pu être économisés en 2023), évaluation de l’efficacité des cures thermales (proposition 23, 200 millions d’euros d’économie potentielles).
Substitution tous azimuts
Plus en détail, la substitution est considérée comme un vrai levier d’économie (6 propositions sur 26). L’USPO pousse en effet à généraliser les règles de la substitution générique aux médicaments hybrides et biosimilaires : prescription en DCI (proposition 1, 1 milliard d’euros d’économies sur 2024-2030), mise en place d’une ROSP (proposition 2, 704 millions d’euros entre 2026 et 2030), ouverture du répertoire (proposition 5, 300 millions d’euros sur 24 mois) et accélération du droit de substitution par le pharmacien après la mise sur le marché du biosimilaire (proposition 6, 800 millions d’euros entre 2024 et 2030). L’USPO recommande aussi la généralisation de la substitution des dispositifs médicaux, sans exception, élargissant ainsi un article déjà inscrit dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) de 2023 mais qui attend toujours son texte d’application (proposition 4, 350 millions d’euros par an avec le scénario le moins optimiste d’une substitution à 10 %).
Dans les mesures touchant le médicament, pas de baisses de prix. L’USPO prône une évaluation en vie réelle des princeps innovants dont le remboursement s’élève à plus de 250 millions d’euros par an (proposition 7, 3 milliards d’euros par an). Une mesure « fondamentale », pour Pierre-Olivier Variot. L’USPO propose aussi une adaptation des conditionnements, certains « ne correspondant à aucune recommandation de posologie constatée », souligne le syndicat (proposition 10, 30 à 50 millions d’euros par an sur 30 molécules).
Le rôle du pharmacien sera amplifié : déployer vraiment le pharmacien correspondant (propositions 19 et 21) et intégrer le pharmacien dans le SAS, le service d’accès aux soins créé pour soulager les urgences (proposition 18, 110 à 165 millions d’euros d’économie). Une grande place est également faite à la prévention, dont la mesure de l’hypertension artérielle que le pharmacien peut suivre à l’officine (proposition 16, 200 millions d’euros à horizon 2030). S’y ajoute notamment l’incitation à la vaccination et aux dépistages (proposition 13, 300 à 500 millions d’euros par an).
Des contraintes
Pas sûr que toutes les mesures soient bien perçues par tout le monde. Par les médecins d’abord, qui se verraient imposer des objectifs de prescription en DCI pour les génériques (proposition 3, 650 millions d’euros d’économie par an avec un objectif de seulement + 5 %). Ils auraient aussi l’obligation de produire une ordonnance électronique pour tous les médicaments chers (plus de 300 euros), avec sanction à la clé pour tout prescripteur ne renseignant pas la qualité hors AMM d’une prescription (proposition 8, 3 milliards d’euros par an), ce qui implique le retour de l’accord préalable ou la généralisation du formulaire des analogues du GLP-1. L’objectif est la « sécurisation », la « pertinence » et la « traçabilité » de la prescription et une économie de 3 milliards d’euros par an. Pour lutter contre les abus, les contrôles des prestataires de santé à domicile (PSAD) seront renforcés (proposition 9). « Des équipements sont prescrits et délivrés de façon non pertinente », selon l’USPO, avec une perte estimée à 250 millions d’euros par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).
Les mesures peuvent aussi être mal perçues par les patients avec une réforme de l’ALD (proposition 11) : « on demande simplement que les prescriptions en ALD soient respectées, et qu’on arrête de mettre sur l’ALD des médicaments qui n’ont rien à voir avec l’ALD », explique Pierre-Olivier Variot. Mal acceptées aussi par les salariés, et pas que ceux de l’officine, l’introduction pour tous de trois jours de carence en cas d’arrêt de travail, « non compensables par la convention collective » (proposition 12, 500 à 700 millions d’euros par an). Mesure pleinement assumée par le syndicat.
Les chiffrages ne sont pas encore terminés et varient sur une échelle de temps mais, grossièrement, si on se permet de tout cumuler, les économies dépasseraient 50 milliards d’euros d’ici à 2030. C’est bien plus que les 5,5 milliards d’euros que prévoyait de réaliser drastiquement le gouvernement démissionnaire de François Bayrou sur la santé en 2026. Reste maintenant à savoir comment les économies effectuées grâce à ces mesures peuvent être partagées au bénéfice du réseau officinal, ce que l’USPO compte faire. Pour l’instant, ce document écrit vise à obtenir le soutien d’une « parole politique », justifie le président de l’USPO.
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