- Pourquoi est-ce qu’on reçoit ce générique d’allopurinol ?, demande Christèle en désignant la boîte à son collègue.
- C’est un dû. J’ai le bon de promis dans la main, répond Lou.
- C’est pour le docteur Juin. Il nous a fait une leçon sur les avantages et les inconvénients de chaque marque d’allopurinol, en nous précisant bien qu’il voulait ce générique parce qu’il est sécable, intervient Marion. On se plaint des MGEN, mais je crois que les médecins à la retraite sont encore plus exigeants…
- À chaque fois que je le sers, je fais une boulette tellement il m’embrouille, dit Christèle.
- Il a un côté stressant en effet, confirme Marion. Ce qui m’embête quand même, c’est qu’il s’auto-soigne. Ça fait plus de quinze ans maintenant qu’il n’exerce plus !
- Va lui dire ça et tu vas te faire recevoir, ajoute la préparatrice en sortant des doses de vaccin de la caisse de livraison pour les mettre au réfrigérateur.
- Si je délivrais de l’allopurinol à un autre patient, je l’informerais sur le risque de toxidermies. Je lui dirais qu’en cas de boutons sur la peau, il faut arrêter le traitement. Pourquoi je ne le ferais pas avec lui ?
La pharmacienne arrête de parler et réfléchit, une main posée sur le comptoir de déballage.
- Vous croyez que je pourrais lui donner ce conseil ?, reprend Marion.
Les deux préparatrices la regardent, dubitatives.
- OK, je vais m’abstenir. Et puis non, je lui dirai que je lui rappelle ce risque parce qu’il peut arriver n’importe quand pendant le traitement. Et s’il me fait la moindre réflexion, j’ajouterai que c’est mon métier de donner ce genre de consignes.
La pharmacienne croise les bras, satisfaite et déterminée.
- Il est arrivé l’allopurinol de Monsieur Juin ?, demande Nicole Bertin sans savoir que ses collègues étaient en train d’en parler. Il attend et a l’air pressé…
- Quand on parle du loup…, plaisante Christèle. Marion voulait justement lui parler.
Marion ne se laisse pas impressionner et dit à sa collègue Nicole :
- Je voulais voir un détail avec lui justement.
- Pas de souci. Je te laisse le servir, avec plaisir. Monsieur nous fait bien sentir qu’il préfère être servi par un pharmacien, rétorque la préparatrice.
Au comptoir, Marion retrouve le docteur Juin. Lorsqu’elle commence à lui évoquer le risque d’effets indésirable cutané, il l’interrompt d’un geste de la main.
« Au moins, j’aurais essayé », pense la pharmacienne. Elle est surprise par la réponse du médecin :
- Vous savez qu’on ne m’a jamais parlé comme vous le faites.
- C’est que je fais mon métier, balbutie Marion.
- Enfin.
- Pardon ?
- Enfin, un pharmacien ose me parler de mon traitement, ose me considérer comme un patient. Quand je viens ici, qu’est-ce que je suis ? Un patient.
Marion est soulagée.
- Vous pouvez m’en dire plus sur cette histoire d’effet indésirable ?
Pendant dix minutes, les deux docteurs débattent sur la sécurité des médicaments. Lorsque Monsieur Juin se décide enfin à partir, il sourit.
- Je viens de croiser Monsieur Juin. Il a appris une bonne nouvelle ?, demande JC en arrivant dans le back-office.
- On a juste parlé médicament tous les deux, et figurez-vous qu’il m’a confié un secret.
- Lequel ?
- Il aurait rêvé d’être pharmacien, mais ses parents en ont voulu autrement.
(à suivre…)
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