En 2024, 536 déclarations d’agressions subies par des pharmaciens, tous modes d’exercice confondus, ont été recensées (dont 509 directement déclarées sur le site de l’Ordre), soit une augmentation de 12 % par rapport à l'année précédente. L’immense majorité de ces faits (523 cas sur 536) concernent des pharmaciens d’officine. Si l’on excepte l’année 2020 marquée par le Covid et un contexte particulier, « le nombre de déclarations dont l’Ordre a eu connaissance pour l’année 2024, est le plus élevé depuis les 5 dernières années, soit une augmentation de plus de 75 % en 5 ans ». Trois régions concentrent le plus grand nombre de signalements : Auvergne-Rhône-Alpes arrive en tête (78 agressions rapportées), devant l’Île-de-France (65) et la Bretagne (57). À l’autre bout du classement, les régions où l’on dénombre le moins de faits de violence dénoncés par les pharmaciens (si l’on excepte l’outre-mer) sont la Bourgogne Franche-Comté (20 signalements) et le Centre-Val de Loire (22). À noter que pas moins de 22 agressions ont été répertoriées pour le seul archipel de Mayotte, soit 4 % du total national.
Le « refus de délivrance » pour ordonnance non conforme, périmée, falsifiée ou absente, prescription hors AMM, est à l’origine de 35 % des atteintes aux personnes en officine.
Les violences verbales et menaces de mort se banalisent
Toujours selon les chiffres du CNOP, « 64 % des déclarations d’agressions de pharmaciens de tout métier sont des atteintes aux personnes, 11 % des atteintes aux personnes et aux biens et 25 % des atteintes aux biens exclusivement ». Les violences verbales (injures, provocation, hurlement, manque de respect) ou menaces constituent à elles seules près des deux tiers des atteintes aux personnes. Les agressions physiques (environ 9 % des cas) et les menaces de mort (près de 8 %) sont heureusement beaucoup moins fréquentes. Néanmoins, la part des violences verbales et des menaces de mort est en nette augmentation dans les déclarations si l’on compare 2023 et 2024. Il est aussi préoccupant de constater que 17 déclarations (dont 14 concernent l’officine) relatent l’utilisation d’une ou plusieurs armes lors de l’agression. Parmi les causes qui aboutissent le plus souvent à l’agression d’un pharmacien, on retrouve en premier lieu le « refus de délivrance » (ordonnance non conforme, périmée, falsifiée ou absente, prescription hors AMM), à l’origine de 35 % des atteintes aux personnes en officine. Viennent ensuite « l’impatience et le non-respect des règles de vie » (environ 22 %), les problèmes liés aux stupéfiants et assimilés (près de 15 %), puis moins fréquemment : « les difficultés de prise en charge », « la volonté de voler », « les ruptures de produits de santé », ou encore « les raisons personnelles sans lien avec la profession ». Dans plus de 3 quarts des cas, les agressions se produisent durant les heures d’ouverture de la pharmacie. Par ailleurs, « 36 officines ont fait l’objet d’une agression alors qu’elles étaient de garde en 2024 », souligne ce rapport.
Ces agressions ou atteintes ne sont bien sûr pas sans conséquence pour les pharmaciens qui en font les frais. Si l’immense majorité des faits dénoncés à l’Ordre entraîne très rarement une hospitalisation (seulement 2 cas en 2024), le nombre d’arrêts de travail qui en découle, s’il reste faible lui aussi, « augmente depuis 2019 », alerte l’instance ordinale. Ainsi, 10 pharmaciens avaient obtenu un arrêt de travail suite à une atteinte à leur personne en 2019, ils ont été 29 dans ce cas en 2024. Dans 85 % des cas, le pharmacien doit faire face à des « conséquences psychologiques » après une agression.
La proposition de loi « visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé » est un message fort envoyé au grand public : on n’agresse pas un professionnel de santé.
Gildas Bernier, référent sécurité auprès du CNOP
Un dépôt de plainte dans seulement un tiers des cas environ
Autre chiffre marquant : « les pharmaciens ne sont que 32 % à déposer plainte, voire seulement 13,2 % dans le cas des atteintes aux personnes ». Comme le rappelle pourtant Gildas Bernier, référent sécurité auprès du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, « chaque déclaration à l’Ordre permet de mieux documenter les faits signalés, de cerner la nature et la fréquence des situations rencontrées par nos confrères. Elles orientent nos échanges avec les autorités compétentes et nourrissent des propositions en matière de prévention, comme d’accompagnement. Le dépôt de plainte, en cas d’infraction, est indispensable pour engager une procédure judiciaire et, si besoin, permettre notre intervention aux côtés du pharmacien tout au long de la chaîne judiciaire », insiste-t-il.
Aujourd’hui, 120 élus référents sécurité ont déjà été formés et sont mobilisés pour être à l’écoute des pharmaciens. En 2024, l’Ordre des pharmaciens a ainsi informé le parquet de son souhait de se constituer partie civile dans 25 affaires d’agressions, parmi elles, « trois affaires ont déjà été jugées, aboutissant à la condamnation des auteurs », rapporte l’instance ordinale, qui entend continuer à travailler pour apporter des solutions à ce problème et permettre aux pharmaciens de travailler dans une plus grande sérénité. Début mai, la proposition de loi « visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé », déjà adoptée par l’Assemblée nationale, va également être examinée au Sénat. « Ce texte prévoit en particulier l’introduction d’un délit d’outrage sur les professionnels de santé, explique Gildas Bernier. C’est un message fort envoyé au grand public : on n’agresse pas un professionnel de santé. Cette proposition de loi comprend également d’autres mesures. L’alourdissement des peines encourues en cas de vol ou d’agressions sur un professionnel de santé libéral ou travaillant dans un établissement de santé ou encore la possibilité pour les professionnels de santé de déposer plainte de manière anonymisée (en déclarant comme domicile l'adresse de l’ordre professionnel, du commissariat ou de la gendarmerie), afin d’éviter d’éventuelles représailles », détaille le référent sécurité du CNOP.
Toujours dans le but d’aider les pharmaciens à prévenir le risque d’agressions et de vols, l’instance ordinale entend poursuivre le travail entrepris avec les forces de l’ordre locales et nationales, qui proposent déjà aux pharmaciens des consultations de sûreté gratuites. « Leur existence est encore assez méconnue alors qu’elles offrent un véritable service aux pharmaciens, souligne Gildas Bernier. Le référent sûreté de la police ou de la gendarmerie effectue un audit complet de la pharmacie (système d’alarme, éclairage, vidéosurveillance) et délivre ensuite des conseils pour aboutir à une stratégie de mise en sûreté ». Un autre dispositif encore très peu connu par les officinaux peut lui aussi s’avérer très utile. « Il est aujourd’hui possible de demander aux forces de l’ordre l’inscription de sa pharmacie sur un fichier, (l’application Opération tranquillité entreprises et commerces (OTEC) en zone gendarmerie ou le logiciel Pégase en zone police). Le numéro de téléphone fixe de la pharmacie ou le numéro de portable de l’officinal est enregistré et, en cas d’appel, la police ou la gendarmerie sait directement qu’il provient d’un établissement ou d’un professionnel qui a prioritairement besoin d’aide. Cela favorise donc une intervention plus rapide de la police ou de la gendarmerie en cas de besoin », informe l’ordinal.
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