Selon IQVIA (Institut de données et d’analyses de santé), le marché français de la vente en ligne de produits de pharmacie (hors médicaments sur ordonnance) a atteint près de 210 millions d’euros en 2024, contre zéro en 2012. Une croissance annuelle de + 15 à 20 %, confirmée par la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), qui indique que près d’un tiers des Français a déjà acheté un produit de santé ou de parapharmacie en ligne.
« Environ deux tiers des patients consultent nos contenus santé sans passer commande. Ils viennent chercher une information, un conseil, un avis sur un produit, puis se rendent parfois ensuite en officine
Cyril Tétart, président de l’AFPEL et fondateur de Pharmacyal
« Sur les 800 sites référencés, seuls quatre ou cinq réalisent la majorité du chiffre d’affaires : La Santé.net, Pharma GDD, Pharmacie des Drakkars et Pharmashopie, explique Cyril Tétart, président de l’Association française des pharmacies en ligne (AFPEL) et fondateur du groupement Pharmacyal. Ce sont de véritables structures industrielles : Pharma GDD expédie entre 800 et 1 200 commandes par jour, La Santé.net entre 600 et 700, Drakkars et Pharmashopie autour de 500. » Derrière ces locomotives, la grande majorité des sites restent anecdotiques. « Certains portails rattachés à des enseignes connues affichent un niveau d’activité comparable à celui d’une petite pharmacie de ville. »
Des sites désormais très professionnalisés
En dix ans, ces plateformes ont radicalement changé de dimension. « Au départ, on bricolait un peu le référencement, sourit Cyril Tétart. Aujourd’hui, nos équipes intègrent des experts en SEO, en web-merchandising, des community managers… »
Les opérations commerciales rythment désormais l’année : « Nous faisons entre 30 et 70 animations par mois : Black Friday, anniversaires, partenariats… » Cette montée en puissance rapproche les sites officinaux des standards du e-commerce généraliste. Mais la rentabilité reste fragile : « Les volumes augmentent, pas les marges, car les coûts logistiques sont considérables. »
Des usages multiples et encore méconnus
Contrairement aux idées reçues, les patients ne vont pas uniquement en ligne pour acheter. « Environ deux tiers consultent nos contenus santé sans passer commande. Ils viennent chercher une information, un conseil, un avis sur un produit, puis se rendent parfois ensuite en officine », observe le président de l’AFPEL.
Les moteurs de recherche orientent beaucoup ce trafic : une requête sur un symptôme, une vitamine ou un soin conduit souvent vers un site officinal. Ces visiteurs « informés » représentent une part essentielle de l’audience, même s’ils ne transforment pas toujours l’essai commercial.
La commande en ligne et le click & collect progressent lentement, tandis que les chatbots, l’envoi d’ordonnance ou le suivi personnalisé restent marginaux. « Les internautes ne sont pas des geeks : ils recherchent avant tout des prix attractifs et un service simple. »
Les géants européens déjà bien installés
Les plateformes étrangères comme Shop Apotheke, Newpharma ou DocMorris occupent désormais une place majeure en Europe. « Ce sont de très grosses pharmacies en ligne, certaines dépassent le milliard d’euros de chiffre d’affaires. Pour l’internaute, la différence avec un site français est quasi imperceptible », souligne Cyril Tétart.
Seule la réglementation crée encore un écart : « Un site français impose un questionnaire santé et limite les quantités de médicaments non soumis à prescription pouvant être commandées en ligne. » Mais la frontière s’amenuise : « Si la France s’aligne sur la position européenne plus libérale en matière de vente en ligne de médicaments, cela ouvrira la porte à des plateformes globales comme Amazon. »
Les internautes ne sont pas des geeks : ils recherchent avant tout des prix attractifs et un service simple
La confiance, un enjeu central
Les risques de contrefaçons entretiennent encore la méfiance. « Beaucoup de patients ignorent quels sites sont autorisés », regrette Cyril Tétart. « Certains cherchent des produits comme le Viagra ou le Cialis : sur des plateformes illégales, c’est souvent du placebo ou pire, des produits toxiques. » D’où la nécessité, selon lui, de mieux communiquer sur les sites agréés par le Conseil de l’Ordre. Tous les sites autorisés doivent d’ailleurs afficher le logo vert européen, qui renvoie vers la liste officielle publiée sur le site de l’Ordre national des pharmaciens.
Cette pédagogie est essentielle pour que les patients utilisent le canal numérique en toute sécurité : « Aujourd’hui, on ne parle pas assez de la possibilité d’acheter en ligne sur des sites français contrôlés. »
Un numérique au service du lien
La plupart des pharmacies disposent aujourd’hui d’un site Internet, qui sert davantage de vitrine plutôt que de boutique. « Un site officinal doit informer sur les horaires, les spécialités, les équipes, et permettre de laisser un avis », détaille Cyril Tétart. Car la réputation numérique devient un outil de fidélisation : « Le pharmacien doit lire les avis, y répondre, expliquer la réglementation, corriger les malentendus… » Une bonne gestion des retours clients peut même renforcer la confiance. « C’est une forme de dialogue continu avec les patients. »
Une évolution durable et maîtrisée
Pour l’avenir, le président de l’AFPEL reste confiant : « Les sites leaders français progressent de 15 à 20 % chaque année. » Il imagine un développement encore plus structuré, où chaque pharmacien disposera de sa vitrine numérique locale. À plus long terme, l’ouverture à la vente en ligne de médicaments sur ordonnance pourrait devenir réalité. « Ce n’est pas pour demain, mais rien n’est impossible », admet-il.
Une chose est sûre : la pharmacie de demain restera profondément humaine. « Les patients continueront de venir pour le conseil, le contact et la réassurance immédiate. Le numérique doit prolonger le comptoir, pas le remplacer.»
Dans un pays maillé par près de 20 000 officines, la proximité réduit d’ailleurs l’intérêt de commander en ligne un médicament remboursé, a fortiori lorsque le traitement doit être initié dans la journée : l’accès immédiat en officine et le conseil au comptoir demeurent des atouts décisifs.
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