La pharmacologie serait-elle (aussi) facteur d’inégalité entre les hommes et les femmes ? Ou, dit autrement, notre cher Vidal devrait-il moduler ses monographies en fonction du sexe du patient ? Qu’on se rassure : aujourd’hui, il existe peu de différences entre patients et patientes en termes d’efficacité des médicaments. Telle est la conclusion d’une grande enquête menée en 2018 sur l’utilisation par 185 000 sujets de 38 médicaments parmi les plus fréquemment prescrits dans le monde (antidépresseurs, antidiabétiques, hypocholestérolémiants, antihypertenseurs, analgésiques, narcotiques, bêtabloquants, diurétiques, antiépileptiques, antiulcéreux). Cette méta-analyse, qui comprend 47 % de femmes et 44 % d’hommes, montre que les médicaments s’avèrent globalement aussi efficaces pour les deux sexes.
Cependant, en ce qui concerne les effets secondaires, on remarque que les femmes sont plus enclines que les hommes à les déclarer. En effet, dans 53 % des études, plus d'événements indésirables ont été signalés chez les femmes que chez les hommes. Dans 28 % des études, autant ont été signalés chez les femmes que chez les hommes et dans 18 % des études, plus d’effets secondaires ont été rapportés chez les hommes que chez les femmes.
Pourquoi cette différence ? « Plusieurs facteurs viennent l’expliquer », évoque Catherine Vidal, neurobiologiste, qui a été rapporteuse pour le Haut conseil à l’égalité entre hommes et femmes, en 2020 du rapport « Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique ». D’une part, « sur le plan socioculturel, les femmes déclarent plus les effets secondaires que les hommes car elles sont plus attentives à leur santé, donc plus vigilantes à d’éventuels effets indésirables », indique Catherine Vidal. D’autre part, « sur le plan biologique, ces différences de déclaration peuvent être liées à un plus faible poids chez la femme, une répartition des graisses et un métabolisme différents, et aussi en raison d’une polymédication plus présente. Les femmes sont effectivement plus sujettes à prendre plus de médicaments de façon chronique que les hommes, sans compter tout ce qui relève de la contraception ».
La participation des femmes aux essais cliniques est passée de 35 % en 1995 à 58 % en 2018
Enfin, on peut également se rassurer sur le ratio homme femme dans les études cliniques, qui aujourd’hui, est bien respecté. « Selon le registre international des essais cliniques de l’OMS et du NIH, la participation des femmes est passée de 35 % en 1995 à 58 % en 2018. Ce qui est une évolution satisfaisante », relate Catherine Vidal, qui pointe néanmoins des progrès à faire dans les études post AMM, qui « ne prennent pas suffisamment en compte des données comparant les femmes et les hommes, en particulier sur la pharmacocinétique. Pour certaines molécules en effet, la masse corporelle, le volume sanguin, ou d’autres facteurs peuvent avoir un rôle fondamental et il serait intéressant de les prendre en compte pour adapter la posologie ».
Une médecine sexuée ne s’impose pas
Face à ce constat, « le projet de développement d’une pharmacopée sexo-spécifique n’a pas lieu d’être, malgré l’intérêt de l’industrie pharmaceutique pour élargir ses marchés et segmenter son offre », conclut le rapport pour le HCE. La pertinence d’une médecine sexo-spécifique ou médecine sexuée, ne s’est pas non plus imposée. Cela n’enlève rien à l’intérêt d’explorer les facteurs responsables de différences de santé entre femmes et hommes, qu’ils soient directement liés au sexe biologique et/ou au contexte social et culturel lié au genre.
* Directrice de recherche honoraire à l’Institut Pasteur, membre du Comité d’éthique de l’Inserm.
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