Maladie neurologique fréquente, la prévalence de la migraine en France est estimée à 12 % de la population âgée de 18 à 65 ans avec une prédominance féminine pour des raisons endocrinologiques (sex-ratio de 3/1) et un pic entre 35 et 45 ans. Elle est sous-diagnostiquée (30 à 45 % des sujets traitent leurs symptômes en ignorant leur statut de migraineux). La fréquence des crises, leur intensité et leur durée peuvent retentir sur la qualité de vie et l'activité professionnelle ou scolaire. L'automédication peut déboucher sur des abus médicamenteux et entraîner l'apparition de céphalées chroniques quotidiennes.Facteurs déclenchants. La migraine est une maladie neurovasculaire complexe voyant des facteurs déclenchants environnementaux dont l’incidence physiologique est modulée par une vulnérabilité génétique. Induisant la libération dans le cerveau de substances pro-inflammatoires actives notamment sur les vaisseaux de la dure-mère, qui perturbent l’homéostasie neuronale et vasculaire (vasodilatation), elle est à l’origine d’une douleur unilatérale (« mi » « graine », du grec « hémikrânia »), pulsatile, d’intensité modérée à sévère, aggravée par l’activité physique, souvent associée à des nausées, des vomissements, une photo- et une phonophobie.De nombreux facteurs environnementaux sont susceptibles d’induire le déclenchement d’une crise dont notamment des facteurs psychologiques (contrariété, anxiété, émotion, choc psychologique, modifications du mode de vie), des facteurs alimentaires (alcool, chocolat - riche en sérotonine vasodilatatrice -, graisses cuites, agrumes, yaourts ou fromages riches en tyramine, glutamate, aspartam, etc., y compris jeûne, hypoglycémie, irrégularité des repas), des facteurs physiologiques (déshydratation, perturbations endocriniennes, modifications du rythme veille-sommeil, etc.), des facteurs sensoriels (lumière, bruit, odeurs fortes, etc.).Ces déterminants environnementaux induisent l’excitation des terminaisons périvasculaires trigéminales avec libération de neuropeptides actifs à l’origine des troubles vasomoteurs et de l’inflammation ainsi que d’un stimulus se propageant le long des axones vers divers territoires du cerveau où il induit des symptômes neurovégétatifs et des douleurs. Signes cliniques. Le diagnostic d’une migraine commune, la plus banale des présentations de la migraine, observée dans 75 % des cas chez la femme, est purement clinique. La céphalée s’installe progressivement et atteint un paroxysme en 2 à 4 heures Elle se résout spontanément, en l’absence de traitement, en 4 à 72 heures La douleur est fronto-temporale ou rétro-orbitaire, parfois occipitale ou cervicale. Unilatérale et pulsatile, elle peut irradier, être diffuse et l’hémisphère concerné peut changer entre les crises. Elle est exacerbée par les mouvements et notamment par la toux. Les signes d’accompagnement digestifs (nausées, vomissements, etc.) ne sont pas constants et moins fréquents après quelques années d’évolution de la maladie. Les signes sensoriels (photophobie, phonophobie, etc.) observés lors de l’accès migraineux sont eux aussi inconstants. L’examen neurologique est normal entre les crises. Il faut veiller, face à une céphalée chez un patient connu comme migraineux, à ne pas porter sans précaution un diagnostic de récurrence migraineuse : il peut s’agir d’une hémorragie méningée ou d’une rupture d’anévrisme.Il existe toutefois bien d’autres présentations de la migraine plus ou moins caractéristiques :- Migraine avec aura. La céphalée suit généralement une ou plusieurs auras [1], mais elle peut en être contemporaine, voire la précéder. Si les auras sont essentiellement visuelles, elles peuvent être aussi sensitives, aphasiques et/ou motrices.- Migraine hémiplégique. Cette forme rare, familiale ou sporadique, associe un déficit moteur à au moins un autre signe de l'aura.- Migraine ophtalmique. Elle se caractérise par des signes annonciateurs visuels (mouches volantes, points lumineux perceptibles au centre du champ visuel puis à sa périphérie).- Migraine vertigineuse. La migraine vertigineuse s’accompagne de la survenue de troubles sévères (fourmillements s'accompagnant de vertiges et parfois d'hémiplégie) ayant les mêmes facteurs déclenchants que la crise classique. Cette maladie résulterait d’une atteinte des canaux de l’oreille interne d’origine génétique.- Mal migraineux. Étant à la migraine ce que le mal épileptique est à l’épilepsie, le mal migraineux se traduit par des céphalées continues. Il suit souvent une maladie migraineuse aggravée de façon transitoire mais il peut aussi être inaugural. Cette pathologie rare résulte généralement d'une consommation excessive de médicaments vasoactifs.- Migraine « chronique ». Cette complication de la maladie migraineuse se traduit par des céphalées satisfaisant aux critères de migraine sans aura mais survenant au moins 15jours par mois depuis plus de 3 mois, en l’absence d’emploi excessif de médicaments anti-migraineux.Traitement de la crise. Symptomatique, le traitement d’une crise est instauré le plus précocement possible, dès l’apparition des céphalées. Des gestes simples ont parfois une efficacité notable : compression de la tempe du côté douloureux, application de compresses froides sur la tempe, ingestion de sucre, etc. Dans d’autres cas, il suffit que le patient reste allongé dans une pièce calme et obscure.- Anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les AINS recommandés dans le traitement de la crise migraineuse sont l'aspirine, l'ibuprofène, le kétoprofène et le naproxène. Leur prescription est logique car la migraine s’accompagne d’une inflammation des artères méningées et de l’extravasation de protéines plasmatiques algogènes. L'association du métoclopramide à l'aspirine diminue les troubles digestifs dus à la migraine, mais, par contre, l'association de la caféine à l'aspirine n'est pas recommandée car elle ne potentialise pas l'effet de l'antalgique et elle pourrait induire un abus médicamenteux, voire un comportement addictif.Les opiacés (codéine, tramadol, morphine, etc.), seuls ou associés, doivent être évités en raison du risque d’abus médicamenteux et de leur tendance à augmenter les nausées.- Paracétamol. Le paracétamol est utilisé en monothérapie, y compris pendant la grossesse si nécessité mais à la dose efficace la plus faible et pendant la durée la plus courte nécessaire au soulagement des symptômes. Aux doses thérapeutiques, il a une excellente tolérance, au risque d’hépatotoxicité près s’il fait l’objet d’un mésusage.- Vasoconstricteurs. Des observations associant la migraine à une vasodilatation localisée dans le cerveau, il est logique d’y répondre par des vasoconstricteurs comme les dérivés de l’ergot du seigle ou les triptans.> Triptans. Les triptans induisent une vasoconstriction des vaisseaux sanguins méningés dont la vasodilatation est responsable de la douleur (agonisme 5-HT1B), et une inhibition de la libération des neuropeptides pro-inflammatoires et vasoactifs impliqués dans la genèse de la crise au niveau des voies nerveuses trigéminées (agonisme 5-HT1D). Cette famille fédère de nombreux principes actifs (almotriptan = Almogran ; életriptan = Relpax ; frovatriptan = Isimig, Tigréat ; naratriptan = Naramig ; rizatriptan = Maxalt ; sumatriptan = Imigrane ; zolmitriptan = Zomig) entre lesquels les différences d’activité, d’efficacité et de tolérance demeurent minimes. Il n’y a pas de tolérance ou d’intolérance croisée. Les comprimés orodispersibles (rizatriptan, zolmitriptan) et le spray (sumatriptan) sont privilégiés si vomissements en début de crise ; la solution injectable SC (sumatriptan) n'est pas remboursée dans l'indication de migraine.Actifs sur l’ensemble de la symptomatologie (céphalée, nausées et vomissements, photophobie, phonophobie) - à l’exception de l’aura -, ces médicaments s’administrent dès l’apparition de la céphalée. Il ne faut pas les prendre lors de l’aura car ils risqueraient de potentialiser la vasoconstriction et d’être peu efficaces.L’utilisation des triptans expose à une iatrogénie bénigne et transitoire, liée à leur activité vasoconstrictrice : réactions cutanées, douleurs, sensation de chaleur ou de fourmillement, troubles circulatoires (« effet triptan » : sensation de striction ou de pesanteur dans la tête, le cou, le thorax, disparaissant en quelques heures), bouffées de chaleur, hypertension artérielle. Observés lorsque les précautions d’emploi et les contre-indications cardiovasculaires du traitement ne sont pas respectées, ces signes miment parfois une crise migraineuse.L’association d’un triptan à un AINS améliore la puissance du traitement : le patient utilise en première intention l’AINS pour ne recourir au triptan qu’à la deuxième heure - en cas d’insuffisance d’efficacité de l’AINS -. Des échecs successifs de l’AINS invitent à recourir, par la suite, au triptan en première ligne.Caractérisé au-delà de 8 à 15, voire 30, prises régulières par mois concerne souvent d’anciens abuseurs de dérivés ergotés, l’abus de triptans impose l’instauration d’un traitement de fond.> Alcaloïdes de l’ergot du seigle. Ces agonistes sérotoninergiques, antagonistes dopaminergiques et antagonistes alpha-adrénergiques, induisent une vasoconstriction prolongée. Ils ne sont efficaces qu’administrés précocement lors du début de la crise. Il s’agit de traitements de dernière intention de la crise, en cas d'échec des traitements recommandés (AINS et/ou triptans) ; même dans cette situation, leur intérêt reste modéré.La dihydroergotamine (DHE) est utilisée par voie transnasale (Diergospray) : ce nébulisat expose à un risque d’intolérance locale avec sensation de nez « bouché » et sec, ou, inversement, écoulement nasal. L’ergotamine (Gynergène Caféiné) s’administre per os : la caféine favorise l’absorption intestinale de l’alcaloïde. Elle expose notamment à des douleurs digestives, avec parfois nausées et vomissements.- Métoclopramide. Cet antagoniste dopaminergique (neuroleptique « caché ») a un effet anti-émétique : il est indiqué en traitement symptomatique des nausées et vomissements induits par une crise migraineuse. Il expose à un risque de symptômes extrapyramidaux et peut entraîner des arythmies ventriculaires graves et des morts subites (allongement de QTc). Ces risques étant dose et durée dépendants, il s’administre à la posologie la plus faible possible, < 30 mg/j ou 0,5 mg/kg/j, pendant moins de 5 jours et dans le respect des contre-indications (comorbidités, interactions médicamenteuses). Le métoclopramide est évité en fin de grossesse et pendant l'allaitement du fait du risque de syndrome extrapyramidal néonatal.Traitement de fond. La prescription d’un traitement de fond se justifie lorsque le patient est victime d’une crise plus de deux ou trois fois par mois. Il permet aussi de prévenir un abus médicamenteux chez un sujet recourant depuis 3 mois à 6 à 8 prises/mois de médicaments de la crise. Il est instauré en monothérapie, à posologie progressive Si le nombre de crises est significativement réduit, ce traitement est diminué progressivement au bout de 6 à 12 mois - quitte à être repris par la suite. Son inefficacité fait opter pour une autre monothérapie, ou, plus rarement, pour l’association de deux médicaments à dose plus faible.- Bêta-bloquants. Les bêta-bloquants agissent par leur action vasoconstrictrice et probablement antisérotoninergique. Seuls le propranolol et le métoprolol bénéficient d’une AMM dans le traitement de fond de la migraine : ils sont administrés lorsqu’il n’y a pas de contre-indication (asthme, bradycardie) notamment chez les sujets ne répondant pas aux dérivés de l’ergot.- Amitriptyline. Cet antidépresseur tricyclique est indiqué le traitement prophylactique des céphalées de tension et le traitement de fond de la migraine. Les doses recommandées sont inférieures à celles utilisées dans la dépression. L'effet analgésique est observé après 2 à 4 semaines de traitement.- Anticomitiaux. Ayant une efficacité dans la prophylaxie des crises de migraine voisine de celle du propranolol, le topiramate est prescrit à la posologie de 2x50mg/jour après adaptation posologique progressive. Toutefois, son rapport efficacité/effets indésirables est moyen et il reste un médicament de seconde intention.- Anticorps monoclonaux anti-CGRP. Plusieurs Ac monoclonaux anti-inhibiteurs du récepteur du Calcitonin Gene-Related Peptide, un neuropeptide impliqué dans la physiopathologie de la migraine, bénéficient d’une AMM dans la prophylaxie de la migraine chez le sujet ayant au moins 4 jours de migraine par mois.Leur administration expose à des réactions au site d'injection, à la survenue d’infections et au développement d'anticorps neutralisants, sans exclure le risque d’événements cardio- ou cérébrovasculaires sévères chez les patients à risque élevé. Il n’y a pas de données quant à leur tolérance à long terme ni sur leur effet chez la femme enceinte.Ces anti-CGRP ont une place analogue - et restreinte - dans la stratégie thérapeutique (HAS) : ils constituent une option chez un sujet présentant au moins 8 jours de migraine sévère par mois, après échec à au moins deux traitements prophylactiques. Ce traitement est réservé au patient indemne d'atteinte vasculaire (infarctus du myocarde, angor instable, pontage coronarien, intervention coronarienne percutanée, AVC, thrombose veineuse profonde, etc.).Administrés par voie SC (stylo ou seringue pré-remplis), avec des schémas posologiques différents, ils ont un effet modeste sur la réduction du nombre mensuel de jours avec crise (il diminue par exemple de 1,04 à 1,85 jour selon la dose chez les patients pour l’érénumab). Trois spécialités sont disponibles : l’érénumab (Aimovig 70 et 140 mg), le galcanézumab (Emgality) et le frémanezumab (Ajovy).La HAS notifie des différences entre ces Ac. Le rapport efficacité/effets indésirables est important pour galcanézumab, moyen pour l’érénumab et le frémanezumab ; le service médical rendu est important pour galcanézumab mais modéré pour l’érénumab et le frémanezumab.- Divers. La spécificité des antagonistes sérotoninergiques indiqués dans le traitement de fond de la migraine (pizotifène = Sanmigran ; oxétorone = Nocertone) est faible. Ils agissent également sur la transmission histaminergique (risque de prise de poids avec le pizotifène ; risque de somnolence) et ont des propriétés anticholinergiques avec risque de troubles visuels et de troubles mictionnels, notamment chez le patient âgé.La flunarizine (Sibelium), un antagoniste calcique, a une action retardée et expose à la survenue potentielle de signes extrapyramidaux, de somnolence et de prise de poids. Elle n’est prescrite que si les autres médicaments sont inefficaces ou mal tolérées et sur une période n’excédant pas 6 mois. En l'absence de réponse au bout de 8 semaines, le traitement est arrêté. Toutefois, la HAS estime que son index thérapeutique reste positif à condition que les contre-indications du traitement soient respectées, notamment en cas d'antécédents de dépression et chez le patient présentant des symptômes extrapyramidaux.La prise prolongée d'antimigraineux, notamment d'antalgiques, peut entretenir un état de mal migraineux (phase céphalalgique excédant souvent trois jours et où les intervalles libres de céphalées sont le plus souvent inférieurs à quatre heures, sans compter les périodes de sommeil) ou induire des céphalées iatrogènes, par abus de médicaments. Dans ce contexte, il n’est jamais inutile de souligner que relaxation, acupuncture, biofeedback ont démontré une réelle efficacité, sans faire courir le risque d’effets latéraux. Il importe aussi de découvrir le(s) facteur(s) environnementaux à l’origine des crises pour les éliminer. Le patient migraineux peut ainsi tenir un « journal des migraines » où il consigne les circonstances de survenue des crises (alimentation, stress, conditions environnementales, etc.).
Les migraines
Publié le 02/11/2021
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Source : lequotidiendupharmacien.fr
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