« Lorsque l'on parle de changement climatique ou de pollution, on pense rarement à l’activité pharmaceutique. Pourtant, elle a un impact », explique Olivier Toma au « Quotidien ». En effet, une pharmacie pollue. Que ce soit via son éclairage, sa ventilation, la multiplication de factures et autres supports papiers, la livraison de médicaments et de marchandises (parfois dans des cartons surdimensionnés pour leur contenu), mais aussi, ironie du sort, en participant à l'enlèvement des déchets (Cyclamed, DASTRI) dont le transport et l'incinération ou le recyclage sont aussi polluants !
De nombreux groupements de pharmacies s'attellent à réduire leur empreinte carbone*. Et notamment Giropharm, qui organisait récemment un congrès sur le sujet, et qui a fait de l'écoresponsabilité un de ses piliers stratégiques. Ainsi, le groupement, dont 60 % des adhérents ont lancé des actions écoresponsables, s'est engagé à remplacer les sacs plastiques/papier par un seul sac réutilisable par patient, de multiplier le nombre de marques de cosmétique et d'hygiène écoresponsables et d'accélérer le développement d’une marque propre fabriquée en France avec 95 à 99 % d’ingrédients d’origine naturelle, sans suremballage et sans échantillons.
D'autres actions ont été présentées comme la dématérialisation des factures d'achat, l'organisation de campagnes de sensibilisation « eco-friendly » des patients et le financement des diagnostics, de formations et des plans d'actions pour ses officines. Autant d'initiatives qui sont le signe d'un changement de paradigme au sein de la profession.
Pour Olivier Toma, invité au congrès de Giropharm, les pharmaciens doivent aller plus loin « En tant que professionnel de santé de premier recours, le pharmacien a un rôle clé dans la prévention et la sensibilisation des patients, notamment sur les perturbateurs endocriniens. Il ne faut pas que la patientèle ait besoin de se rabattre sur Google et compagnie pour se renseigner ! Mais le pharmacien a besoin des outils d'accompagnement et d'andragogie adaptés. » Des outils qui manquent, en partie à cause d'une rétention d'information de la part des industriels.
Allégations mensongères et greenwashing
Car le secteur souffre d'un vrai manque de transparence « Il est indispensable que nous obtenions la composition exhaustive des contenants, des contenus et de tous les dispositifs vendus, ainsi que la provenance de toutes les matières », affirme Olivier Toma, qui a fait de la lutte contre la désinformation et les publicités trompeuses un de ses principaux combats. « On retrouve dans les médicaments des particules interdites dans l'alimentaire, comme le dioxyde de titane ou l'oxyde de zinc, qui sont utilisés pour blanchir les comprimés ! », explique-t-il. Des perturbateurs endocriniens, comme le glutamate, font aussi partie de nombreux produits médicaux, notamment à destination des enfants.
L'allégation « naturel », fièrement abordée sur les packagings de nombreux produits, est aussi trompeuse. « Les cosmétiques sont constitués à 99 % d'eau, ce qui rend aisé de les présenter comme naturels », commente Olivier Toma. Et ce, peu importe leur composition ! Certains produits cosmétiques affichent même sur leur packaging ne pas comprendre certains composants, par des allégations « sans… »… qui figurent pourtant sur le résumé des caractéristiques du produit (RCP), rarement lu par les consommateurs.
Au final, « les pharmaciens sont manipulés et utilisés pour distribuer des produits dont on leur cache les indicateurs et la composition globale. Il n'est pas normal que l'on ne connaisse pas la composition ou la provenance des couches, des implants, des prothèses ou des protections périodiques, des produits que l'on met dans notre corps ! ». Des faits qu'il dénonce depuis des décennies.
Un mal français
Il y a beaucoup à faire, d'autant plus que la France accuse un certain retard. Ainsi, en Suède, les pharmaciens ont créé un outil analysant les 1 200 molécules utilisées au sein du pays. L'outil note ces molécules de 0 à 9 : 3 points pour la persistance, 3 pour la biorésistance, et 3 pour la toxicité. Avec cet outil, les pharmaciens peuvent savoir quels sont les médicaments les moins polluants, et délivrer en connaissance de cause. Un outil qui pourrait être réadapté pour la France.
L'Hexagone ne manque d'ailleurs pas d'initiatives, le « Made in France » ayant le vent en poupe « Auriol Masques, à Toulouse, a créé 7 00 emplois. Certes, fabriquer les masques en France est un peu plus cher, mais cela évite de faire travailler des usines en Chine dont on ignore le processus de fabrication », déclare Olivier Toma. D'autant que la promotion du local permet de diminuer la pollution engendrée par le transport des produits de santé.
Le manque de communication et surtout de vraie politique de santé environnementale, reste toutefois un frein. « L'État créé des plans, mais n'informe pas de leur existence », constate amèrement Olivier Toma. Un exemple parlant : les agences régionales de santé (ARS) pilotent le Plan national santé environnement (PNSE), décliné en un plan régional dans toutes les régions. Chacune propose des programmes où elles financent des formations, des parcours et des campagnes pour aider les professionnels (dont les pharmaciens) souhaitant s'engager dans une démarche écoresponsable, y compris - via l’Ademe - par des aides de financement pour les travaux de rénovation énergétique. Une excellente mesure, pourtant complètement inconnue du plus grand nombre !
Malgré tout, Olivier Toma ne se décourage pas, et surtout se félicite de la prise de conscience et des actions volontaires de la profession : « Que des grands groupements comme Giropharm me permettent d'expliquer tout ceci est extrêmement bénéfique. Les groupements peuvent mutualiser les efforts de leurs adhérents, les former et les accompagner sur le sujet, en les aidant à calculer leur empreinte carbone, décrypter les étiquettes… Ce sont ces actions qui feront bouger les choses ! ».
* Lire notre dossier Spécial groupements et écoresponsabilité du 20 octobre.
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