Recommandations de l’Académie de médecine

Prise en charge des urgences allergiques sévères

Publié le 11/01/2010
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L’anaphylaxie sévère connaît une inquiétante progression d’incidence depuis 10 ans, touchant aussi bien les jeunes enfants que les adultes âgés. Parmi les principales étiologies (aliments, médicaments, venins d’hyménoptères), l’anaphylaxie alimentaire prédomine, concernant de 1 à 3 sujets sur 10 000 habitants. L’analyse des données recueillies par le réseau d’allergovigilance conduit l’Académie de médecine à émettre des recommandations pour améliorer la prise en charge des allergies sévères.
Les piqûres d’hyménoptères sont une des principales causes d’anaphylaxie sévère

Les piqûres d’hyménoptères sont une des principales causes d’anaphylaxie sévère
Crédit photo : DR

LA MORTALITÉ de l’allergie sévère, estimée à 0,7 % en 2001, 1,3 % en 2004, est de 1,48 % dans la statistique cumulative 2001-2007 du réseau d’allergovigilance, fort de 414 allergologues, qui enregistrent les déclarations.

L’anaphylaxie sévère est définie par l’association de symptômes cardio-vasculaires, respiratoires, cutanés et digestifs, d’apparition immédiate après le contact avec l’allergène menaçant.

Les quatre expressions cliniques sont représentées par : le choc anaphylactique caractérisé, avec la survenue d’un collapsus cardiovasculaire associé à des manifestations cutanées, respiratoires et digestives ; la réaction systémique sérieuse portant sur deux organes ou plus ; l’angio-œdème laryngé à risque de suffocation ; le bronchospasme aigu.

Les recommandations sont issues de groupes de travail associant des professionnels des urgences et des allergologues. Leur but est double : d’une part, améliorer la prise en charge de l’anaphylaxie grave et, d’autre part, recueillir des données épidémiologiques

exhaustives, intégrant l’angio-œdème laryngé et l’asthme aigu grave.

L’anaphylaxie biphasique

Nécessité d’une information spécifique dans le cadre de la formation médicale continue des professionnels des services d’urgence, insistant sur les aspects nouveaux marqués par la fréquence de l’angio-œdème pharyngo-laryngé allergique et le risque souvent ignoré de l’anaphylaxie biphasique : dans plus d’un tiers de cas, le choc anaphylactique récidive dans les mois ou années suivantes.

En situation d’urgence, le centre de régulation doit s’assurer d’un déplacement médical sur place, d’un transfert en milieu hospitalier et déconseiller formellement la conduite automobile au patient.

L’adrénaline en intramusculaire est indiquée en cas de chute tensionnelle accompagnant les symptômes cutanés, digestifs et respiratoires, le plus rapidement possible. Elle est aussi indiquée en cas de dysphonie et/ou de dysphagie, signes d’alarme de gravité, s’ils ne régressent pas rapidement après injection IV de corticoïdes. La posologie est de 0,15 mg chez l’enfant de plus de 10 kg et de moins de 12 ans ; 0,30 mg chez le grand enfant et l’adulte, voire 0,60 mg chez l’adulte. Un ORL dans l’urgence doit être sollicité pour laryngoscopie dans l’éventualité d’une indication de trachéotomie.

La tryptase sérique doit être systématiquement dosée, d’une part, pour évaluer la sévérité, d’autre part, pour dépister une mastocytose latente.

La durée de surveillance en milieu hospitalier doit être suffisante ; de huit heures en cas de réaction systémique sans chute tensionnelle et de 24 heures en cas de choc anaphylactique avéré.

Le diagnostic d’anaphylaxie

sévère (choc, angio-œdème laryngé) doit entraîner la prescription d’une trousse d’urgence avec adrénaline auto-injectable et l’éducation du patient à l’auto-injection intramusculaire.

Un compte rendu des interventions réalisées dans le centre d’urgence doit être remis au patient pour qu’il le transmette à l’allergologue. Il permet d’apprécier le risque de récidive et d’adapter des mesures préventives dès lors que l’étiologie est identifiée. Le lien entre les services d’urgence et le réseau d’allergovigilance doit être mis en place.

Une consultation en allergologie dans les deux mois qui suivent l’anaphylaxie sévère est impérative. L’allergologue pourra en effet chercher un diagnostic étiologique, caractériser des réactions croisées entre allergènes voisins, rechercher des facteurs de risque cliniques, remettre un régime d’éviction alimentaire, porter une contre-indication à certains médicaments ou instituer une immunothérapie spécifique, voire procéder à un signalement aux SAMU lorsqu’il existe un risque très sévère.

La déclaration du cas au réseau d’allergovigilance devrait être systématique :

reseau.allergovigilance@chu-nancy.fr.

Il est nécessaire d’instituer une coordination entre les services d’urgence et les allergologues. Elle peut être mise en place par les sociétés scientifiques : la Société française d’allergie (SFA), la Société française de médecine d’urgence (SFMU), la Société française d’anesthésiologie et de réanimation (SFAR).

Rapport réalisé par Alain Larcan et Anne Monneret-Vautrin.
› Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2715