La zone d’infestation détermine le phénotype

Il y a une seule espèce de poux

Publié le 06/01/2011
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Un dogme vient de s’écrouler. Les poux de tête et de corps ne sont pas des espèces différentes. D’après des chercheurs marseillais, leur patrimoine génétique est identique. C’est la zone d’éclosion des larves qui détermine leur phénotype. La pédiculose de cuir chevelu serait le réservoir des poux de corps.
Les poux de tête, un réservoir pour les poux du corps

Les poux de tête, un réservoir pour les poux du corps
Crédit photo : BSIP

LES POUX des SDF étaient une énigme que les Marseillais ont déchiffrée. « Nous ne comprenions pas pourquoi nous n’arrivions pas à éradiquer les poux de corps des SDF », explique le Pr Didier Raoult, chef du service des maladies infectieuses au CHU de la Timone et chercheur CNRS sur les maladies infectieuses et émergentes à l’université de la Méditerranée. « Ce phénomène était une énigme. Pourquoi les gens vivant dans la rue se réinfestaient-ils à coup sûr ? Jusqu’à ce qu’on s’intéresse aux casquettes et aux cols de chemise, où sont disséminées les larves des poux de tête. »

En collaboration avec des scientifiques américains de l’université de Floride, cet infectiologue a démontré que le génotype des poux de tête et de corps est identique et que le phénotype est fonction de leur environnement.

Un réservoir sans fond.

L’hypothèse des variants est nouvelle. « Les différences phénotypes pourraient être sous le contrôle d’une mutation isolée ou de quelques gênes de régulation », suggère ce spécialiste. Jusqu’à présent, les deux parasites étaient considérés comme appartenant à des familles différentes et plusieurs aspects portaient à le croire. Les poux de tête se nourrissent sur le cuir chevelu et pondent dans les cheveux, tandis que les poux de corps s’alimentent sur le reste du corps et vivent dans les plis des vêtements sales. Comparées à leurs congénères, les poux de tête, plus trapus, ont des antennes plus petites et plus larges, des pattes plus courtes, des indentations abdominales plus marquées et une pigmentation plus foncée. Les poux de corps sont plus gloutons, ingurgitent des rations de sang plus copieuses, pondent d’avantages d’œufs, se multiplient plus vite. Ils résistent d’avantage dans l’environnement, survivent plus longtemps hors de l’hôte et sont capables de transmettre des maladies infectieuses.

Les poux de tête constituent un réservoir colossal pour les poux de corps. Les œufs pondus dans les cheveux envahissent les casquettes et les bonnets, tombent dans les cols, dans les vêtements. « Dans les populations précaires, les poux se multiplient à une vitesse considérable. » L’ivermectine est efficace à la fois sur les poux de tête, de corps et la gale mais ce n’est que du court terme. La réinfestation par ces parasites est extrêmement rapide. La prévention est complexe car le réservoir est ubiquitaire.

PLoS neglected Tropical Diseases, mars 2010, volume 4.
› Dr MARIE-LAURE DIÉGO-BOISSONNET

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2800