« Nous ne sommes pas un parc d’attractions qui ouvre et ferme ses portes à l’instar d’un centre commercial. On sait proposer autre chose que du ski alpin. » C’est le message auquel s’accroche l’Office du Tourisme de La Clusaz en Haute-Savoie.
Les mesures gouvernementales, qui mettent à l’arrêt toutes les remontées mécaniques des stations françaises, ne semblent pas faire trembler les montagnes fermement ancrées dans la chaîne des Aravis, « notre village vit toute l’année avec ses habitants, ses commerçants, ses artisans, ses agriculteurs ». Et ses 25 000 lits touristiques fréquentés à 80 % par une clientèle tricolore. Un modèle économique bien différent des stations purement orientées vers le ski et qui vivent grâce à une clientèle majoritairement étrangère, comme Tignes, Courchevel ou Val-Thorens. Pour celles-ci, la mise au piquet est d’ores et déjà fracassante.
À la pharmacie du Danay à La Clusaz, Julien Fernoux le titulaire relativise et s’estime privilégié par rapport à ses confrères de haute altitude, « on a eu un été exceptionnel avec un afflux massif de touristes dans nos montagnes. Si on bosse bien du 20 janvier jusqu’à la fin de la saison, on tiendra l’équilibre. Par contre, si le virus recircule pendant les vacances de Noël avec une troisième vague et un nouveau confinement, ça va devenir beaucoup plus compliqué ». La fréquentation de la pharmacie tourne en effet autour de 80 clients par jour. Pendant la saison de ski, elle monte jusqu’à 600. L’activité bat son plein lors des fêtes de fin d’année, « à cette période, je fais plus de chiffre que les mois de septembre, octobre et novembre réunis. Le plus gros pic a lieu lors de la semaine du Nouvel An ». En dépit de la fermeture des remontées, le village-station compte sur la venue des habitués et l’occupation des résidences secondaires. Sans complètement dévisser, « la perte sera quand même inéluctable puisque le ski de piste et ses blessures assurent 25 % du chiffre d’affaires », concède Julien Fernoux.
60 % du CA réalisé en hiver
À une dizaine de kilomètres du Grand-Bornand, Gil Thomas titulaire de la pharmacie du Chinaillon est dans l’expectative la plus totale : « la situation est tellement inédite qu’on ne peut faire aucune projection. » Installé dans un hameau agricole de seulement 200 habitants, sa clientèle saisonnière n’est pas qu’un simple appoint, « la raison d’être de la pharmacie est son activité touristique familiale, la période qui s’étend de Noël au dernier jour des vacances de février génère 60 % du chiffre d’affaires annuel ». Sur la ligne de crête pour cet hiver, le pharmacien constate que les loueurs encaissent pour le moment des annulations.
« Sans aides significatives de l'État, comme les autres secteurs, bon nombre d'entre nous risquent de se retrouver dans une situation critique, alerte Benjamin Castex depuis Morzine où il a lancé un collectif de pharmacies de stations, notre spécificité nous exclut de tous les dispositifs d’aide proposés par l’État. Nous ne sommes pas considérés comme appartenant aux entreprises du tourisme, ni à un commerce saisonnier. Malgré tout, nous employons des saisonniers, notre chiffre d’affaires dépend en grande partie, si ce n’est en totalité, de la saison d’hiver et nous devons payer nos charges fixes toute l’année. »
Également mobilisée, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) tend la perche aux pharmacies de montagne afin qu’elles se signalent via l’adresse mail uspo@uspo.fr. Son président Gilles Bonnefond a ouvert une piste en contactant directement l’Élysée et Matignon afin que « les pharmacies de stations ne soient pas exclues du dispositif de solidarité nationale ».
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