La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024 prévoit, dans son article 71, la réalisation de préparations magistrales pour faire face à la rupture de stock d'un médicament, mais l’absence de décret d’application installe un flou sur les règles de remboursement. Les autorités de santé ont réuni, le 22 avril, les représentants des pharmaciens et des acteurs de la préparation pharmaceutique pour imposer leur interprétation du texte. Les préparations magistrales réalisées pour pallier les ruptures d’approvisionnement ne seront désormais remboursées que sous deux conditions : faire l’objet d’une recommandation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et obtenir un arrêté fixant leur prix. Y compris pour les patients présentant une prescription médicale.
« Par conséquent, les patients ne seront donc plus remboursés pour leur traitement même s’ils présentent une ordonnance du prescripteur », alerte Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Selon la direction générale de la santé (DGS) et la direction de la sécurité sociale (DSS), le texte de loi écrase tous les autres textes et toute prise en charge possible de préparation magistrale en cas de pénurie », rapporte Lucie Bourdy-Dubois, présidente de la commission Métier pharmacien de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Des arguments que contestent aussi les préparatoires sous-traitants, comme Fabien Bruno, titulaire de la pharmacie Delpech à Paris : « On est d’accord pour que les préparations magistrales ne soient pas remboursées dans le cas où le pharmacien switche de lui-même la spécialité en rupture, sans recommandation de l’ANSM. Là où il y a une incompréhension, c’est si le médecin indique bien “préparation magistrale” et que la préparation n’est pas remboursée. Les arguments de la DGS et DSS ne sont pas les bons. » « La préoccupation de la DSS est que les dépenses ne dérapent pas. En fait, elle ne veut pas rembourser les préparations sans décret, mais on a des préparatoires qui sont prêts, ils ont la solution aux ruptures ! », ajoute Lucie Bourdy-Dubois.
Les patients ne seront plus remboursés pour leur traitement même s’ils présentent une ordonnance du prescripteur
Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO
Lenteur
Les conditions exigées n’ont été réunies qu’une seule fois : pour la quétiapine, en mars dernier. Mais ces procédures ont pris du temps : près de 8 jours entre la publication de la recommandation de l’ANSM, déjà tardive de l’avis des pharmaciens, et la publication de l’arrêté de prix. « Il faut absolument qu’il y ait une réactivité plus importante pour prendre en charge les préparations et donc pour sortir l’arrêté de prix », poursuit Lucie Bourdy-Dubois. Et là, les pharmaciens n’ont obtenu aucune garantie.
Que faire, maintenant, avec la sertraline, en rupture depuis des semaines ? Dans l’attente de recommandations plus musclées de l’ANSM, les pharmaciens se reportent sur des préparations magistrales : en trois semaines, la pharmacie Delpech a réalisé plus de 1 200 préparations de sertraline, tout dosage confondu, soit 40 000 gélules. C’est 20 % de la production nationale. « Un point incompréhensible de cette réunion, c’est que pour le moment, on n’a aucune recommandation de prise en charge des préparations de sertraline. Ça fait plusieurs semaines qu’on alerte l’ANSM pour lui dire qu’on n’a pas de sertraline et qu’on ne peut pas en commander. Et le 22 avril, l’ANSM affirme que les pharmaciens n’ont pas de difficultés à faire prendre en charge leurs préparations de sertraline par l’assurance-maladie. C’est ubuesque : l’ANSM pense que l’on réalise des préparations alors que l’on n’a pas de recommandations pour en faire et pour les prendre en charge, alors qu’on lui demande de pouvoir faire des préparations. Je m’interroge vraiment sur la finalité des consultations par l’ANSM des parties prenantes », s’interroge Lucie Bourdy-Dubois.
On a des préparatoires qui sont prêts, ils ont la solution aux ruptures !
Lucie Bourdy-Dubois, présidente de la commission Métier pharmacien de la FSPF
Réactions en chaîne
Résultat : « Si le médecin prescrit une préparation magistrale de sertraline, et que le pharmacien réalise une préparation magistrale en l’absence de spécialité disponible, il n’y aura pas de prise en charge de cette préparation : cette dernière sera donc intégralement à la charge du patient », démontre Pierre-Olivier Variot, qui s’inquiète déjà du sort de certains patients sous antipsychotiques. « On conseille aux pharmaciens de bien attendre la publication des arrêtés de prise en charge. Mais on se retrouve, au comptoir, face au patient lui expliquant qu’il doit payer sa préparation », déplore Lucie Bourdy-Dubois. Le pharmacien qui facture en PMR s’expose, lui, à un risque d’indus.
Pour les sous-traitants des préparations magistrales, le message est clair : « On pourrait très bien continuer et dire aux pharmaciens qu’on est sûr de nous, et que l’on ira se battre contre les caisses pour la prise en charge des préparations magistrales prescrites par un médecin pour remplacer un médicament en rupture. Mais aujourd’hui, vu que l’on n’accepte pas du tout la manière de présenter les choses, pour ne pas mettre les pharmaciens en difficulté, on arrête la production de sertraline », explique Fabien Bruno. Les préparatoires vont se retrouver avec 40 kg de sertraline sur les bras, soit 40 000 euros. Qu’importe, ils envisagent aussi d’arrêter de produire toutes les préparations visant à remplacer une spécialité en rupture qui ne seront pas remboursées.
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