Qui dit exposition au soleil dit protection solaire. Pourtant, ce réflexe est encore souvent négligé. Selon une étude OpinionWay pour la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA) réalisée en 2024, 84 % des Français déclarent utiliser de la crème solaire à la plage ou à la piscine, mais seuls 31 % respectent la fréquence d’application recommandée, à savoir toutes les deux heures. « Plus préoccupant encore et révélant une dangereuse banalisation du risque, 39 % estiment simplement qu’ils n’en ont pas vraiment besoin », poursuivent les industriels. Pour rappel, le soleil peut être responsable d’un vieillissement prématuré de la peau (rides, taches brunes…), de photodermatoses, de photoallergies, de cancers cutanés…
Filtres minéraux ou filtres organiques ?
Les produits de protection solaire (le terme « écrans solaires », qui donne l’illusion d’une protection totale, étant à bannir) doivent respecter le règlement européen (CE) n° 1223/2009 relatif aux produits cosmétiques, qui liste une trentaine de filtres UV admis dans les cosmétiques. Plus précisément, il existe aujourd’hui 28 filtres organiques, qui absorbent et neutralisent les rayons UV, et 2 filtres inorganiques ou minéraux (oxyde de zinc, dioxyde de titane), qui agissent par réflexion. Entre filtres minéraux ou filtres organiques, que privilégier ?
« L’industrie a l’habitude d’utiliser les filtres organiques en association donc, avec 4, 5 ou 6 filtres, elle obtient une valeur de protection solaire supérieure à ce qui est obtenu avec l’utilisation d’un seul filtre ou même de deux filtres. Mais un certain nombre de filtres organiques sont connus comme étant allergisants (éthylhexyl méthoxycinnamate, octocrylène, benzophénones…) », explique Céline Couteau, pharmacienne et maître de conférences en cosmétologie à la faculté de pharmacie de Nantes. Pour autant, « on n’est pas allergique aux 28 filtres de la liste », temporise-t-elle.
Quant aux filtres minéraux, « ils ne permettent pas d’obtenir des produits aussi efficaces que ce que l’on peut obtenir avec des produits solaires conventionnels. On est donc mal protégé et dans le futur, on peut risquer des cancers de la peau », poursuit la pharmacienne. Selon elle, un produit solaire à filtre minéral avec un indice étiqueté 50 ou plus, « ce n’est pas possible. On a suffisamment effectué de tests, dans notre laboratoire, sur des milliers de produits, et ce n’est pas lié à une gamme spécifique, mais quand vous n’utilisez qu’un seul filtre minéral, soit le dioxyde de titane, soit l’oxyde de zinc, ou même les deux et alors chacun sera en quantité moindre car ce sont des poudres et la galénique a ses limites, vous n’obtenez pas de produits hautement protecteurs. » Avec une nuance : le dioxyde de titane est beaucoup plus efficace que l’oxyde de zinc. « Le dioxyde de titane seul peut permettre d’atteindre un facteur de protection solaire de 30, voire de 40 pour un laboratoire aussi performant et expert que celui de la marque Avène. L’oxyde de zinc, en revanche, ne permet d’atteindre qu’un indice de 10 ou 20. »
BIO, c’est bien ?
Céline Couteau est claire : « Depuis 20 ans, on n’a jamais trouvé un produit BIO ou minéral qui affiche la valeur indiquée. »
En effet, il n’y a pas suffisamment de filtres UV autorisés à entrer dans la composition des cosmétiques BIO pour atteindre un facteur de protection solaire (FPS ou SPF pour Sun Protection Factor) affiché à 50 ou plus. « On dispose d’un certain nombre de filtres conventionnels ou organiques, que l’on peut associer et ainsi, on peut atteindre la valeur indiquée. En revanche, dans le domaine du minéral, comment atteindre une protection de 50+ avec seulement du dioxyde de titane ? Ce n’est pas possible. Et avec l’oxyde de zinc c’est encore pire ! »
Les pièges et les aberrations
Résultat : « A choisir entre un produit solaire conventionnel formulé à base de filtres organiques, un solaire formulé à base de dioxyde de titane et un solaire formulé à base d’oxyde de zinc, je choisis dans cet ordre-là. Je prends d’abord le conventionnel. Les moins efficaces de toutes, ce sont les formules qui ne contiennent qu’un filtre à base d’oxyde de zinc », conclut Céline Couteau. Attention, seules les formes nanoparticulaires sont considérées comme des filtres solaires, mentionnées [nano]. « Si on ne prend pas un produit indiqué [nano], dans le cas du dioxyde de titane, c’est comme si on appliquait une crème de type Titanoréine et dans le cas de l’oxyde de zinc, on se retrouve avec l’équivalent d’une pâte à l’eau. » De plus, « plus on réduit la taille des particules, plus la formule va être transparente et moins elle va laisser de traces blanches. Mais, et c’est contre-intuitif : elle sera plus efficace », retient-elle.
La plupart de ces produits ont cependant mauvaise presse. « Le problème, c’est que dans les produits conventionnels, il y a beaucoup de filtres organiques qui font l’objet de polémiques. Les applications telles que Yuka vont leur attribuer une mauvaise note et orienter le consommateur vers les filtres les plus récents sur lesquels on a très peu d’informations. C’est l’influence de ces applications qui a poussé les industriels à se tourner vers les filtres les plus récents et finalement les moins étudiés », explique encore la pharmacienne.
Autre mode, l’utilisation de produits cosmétiques à usage quotidien avec filtres UV, et dont l’usage principal n’est pas la protection solaire, qui ne protègent pas de manière optimale. Tout simplement parce que le mode d’application (en couche discrète, généralement une seule fois par jour, le matin) n’est pas adapté à un geste de prévention solaire (en couche généreuse à réappliquer toutes les 2 heures). « Ou bien on s’expose vraiment aux UV et dans ce cas, on applique un bon produit de protection solaire. Ou bien on ne s’expose pas aux UV et dans ce cas, il n’y a pas besoin de mettre un filtre UV dans sa crème. Les filtres UV ne sont pas des molécules anodines et ont une toxicité particulière qui fait qu’on ne doit pas en appliquer tous les jours, toute l’année. Très clairement, on va très souvent se heurter à des molécules classées comme perturbateurs endocriniens », explique Céline Couteau. Sans compter les risques d’allergie, ou encore l’impact environnemental des filtres UV qui contaminent les différents milieux (eaux, poissons…).
Autres produits étonnants, ceux indiqués chez les nourrissons et les jeunes enfants pour qui, pourtant, l’exposition solaire est contre-indiquée. « Ces produits introduisent l’idée chez les parents que l’on peut exposer son enfant. C’est contre pédagogique », estime Céline Couteau. L’Anses est du même avis et considère « que les revendications ciblant spécifiquement une protection de ces populations sensibles devraient être interdites. L’utilisation d’un produit de protection solaire doit rester une solution de dernier recours, en complément des mesures de prévention. »
Dans le collimateur aussi : l’alcool (éthanol) qui « est notre grand ennemi », estime Céline Couteau. Dans certaines formules, l’éthanol arrive en deuxième ou troisième place dans la liste des ingrédients, avant même les filtres. « Cela veut dire que l’alcool est à plus de 10 %. Ça fait beaucoup », estime-t-elle. Très pratique (elle permet les formes fluides et élimine l’effet gras), l’alcool favorise la pénétration d’un certain nombre d’ingrédients dont les filtres UV.
Le bon référencement
Dans le domaine cosmétique, mieux vaut « prendre des marques connues et reconnues et que nous, en tant que pharmaciens, on connaît depuis longtemps, préconise Céline Couteau. Les laboratoires pharmaceutiques apportent aussi de la rigueur. »
Il est aussi possible de piocher ailleurs que dans le domaine cosmétique. « Les dispositifs médicaux peuvent être intéressants », selon la spécialiste. Trois sont présents sur le marché : Actinica Lotion (Galderma), SunsiMed (Avène) et AK Secure DM Protect (SVR). Malgré une réglementation moins sévère chez les DM, « quand on regarde leur composition, on remarque qu’elle est assez proche des bons produits de protection solaire à statut de cosmétiques. On les a tous testés au laboratoire et on constate que ce sont des DM qui permettent d’atteindre une valeur supérieure à 50 », témoigne Céline Couteau.
Quant aux compléments alimentaires pour préparer au bronzage : on oublie ! Pour Céline Couteau, « préparer sa peau au bronzage est un peu surréaliste : il y a des phototypes qui bronzent facilement et d’autres qui ne bronzent pas. Les compléments alimentaires ne vont pas aider un phototype qui ne bronze pas. »
Enfin, « la meilleure protection solaire est vestimentaire. Pour tous (et spécialement pour les enfants) T-shirt, chapeau, lunettes de soleil », rappelle le Syndicat national des dermatologues vénérologues dans « Les 10 commandements de protection ». Il faut aussi éviter les heures d’ensoleillement maximal (entre 12 et 16 heures).
Panorama démographique de l'Ordre des pharmaciens
Moins de pharmacies, moins de titulaires mais plus d’adjoints en 2024 !
Exercice professionnel
Pas de tiers payant sans carte Vitale pour certains médicaments : une communication trop précoce de la CNAM
Exercice professionnel
La campagne de vaccination contre le Covid-19 prolongée jusqu’au 30 juin
Portrait
Françoise Corbière : « Confronté à un obstacle, on le surmonte »