Cas de comptoir
Le contexte : « Mon voisin vient de se faire amputer du pied à cause de son diabète. Je suis diabétique aussi, je ne veux pas que ça m’arrive ! »
Les questions à poser : Connaissez-vous les risques du diabète ? Comment surveillez-vous l’évolution de votre diabète ? Hydratez-vous les pieds régulièrement ? Consultez-vous un podologue ? Comment coupez-vous les ongles de vos pieds ?
Définitions
Le diabète de type 2 est défini par (HAS, 2013) :
- Une glycémie supérieure à 1,26 g/l après un jeûne de 8 heures, à deux reprises ;
- Ou la présence de symptômes de diabète (polyurie, polydipsie, amaigrissement) associée à une glycémie supérieure ou égale à 2 g/l ;
- Ou une glycémie supérieure ou égale à 2 g/l, 2 heures après une charge orale de 75 g de glucose.
Le diabète de type 2 peut conduire à :
- Des complications microvasculaires : rétinopathie, néphropathie, neuropathie ;
- Des complications macrovasculaires : infarctus du myocarde, artérite et accident vasculaire cérébral. Environ 30 % de la population des patients coronariens ou insuffisants cardiaques ont un diabète et la maladie cardiovasculaire est la première cause de mortalité du patient atteint de diabète de type 2.
La rétinopathie diabétique (RD) est une microangiopathie rétinienne, précédée d’une atteinte neuronale rétinienne. Sa physiopathologie est complexe et multifactorielle. Elle peut entraîner une perte de la vue par plusieurs mécanismes : hémorragie du vitré, décollement de rétine, œdème maculaire, ischémie maculaire, glaucome néovasculaire… Sa prévalence est comprise entre 25 et 30 % et environ 6 à 8 % des patients diabétiques de type 2 auraient une RD à la découverte de leur diabète.
La néphropathie diabétique touche 30 % des patients diabétiques et 30 % d’entre eux évoluent vers une insuffisance rénale terminale, aboutissant à une mise en dialyse ou à une transplantation rénale. En effet, avec l’hyperglycémie chronique, le filtre glomérulaire s’altère, favorisant l’apparition d’une albuminurie pathologique puis d’une protéinurie.
Le syndrome du pied du diabétique est une conséquence de la neuropathie périphérique liée au diabète. Il regroupe l’ensemble des complications liées au diabète au niveau du pied.
Zoom sur la physiopathologie du pied du diabétique
Le pied du diabétique est un vrai casse-tête pour les professionnels de santé. On distingue plusieurs atteintes :
- Un trouble de la sensibilité (tactile, thermique, algique), qui fait perdre ses sensations au patient ;
- Un déficit moteur, entraînant des déformations du pied (orteils en griffe, hallux valgus…), et donc des hyperpressions possibles ;
- Une atteinte végétative, source de sécheresse cutanée et de troubles vasomoteurs.
Les différents troubles neuropathiques du pied incitent le patient à négliger des traumatismes, tels qu’un frottement du pied dans une chaussure qui n’est pas adaptée, une hyperpression liée à la déformation du pied et qui crée une hyperkératose, une mycose, une brûlure, un ongle trop long, un corps étranger dans la chaussure…
Les lésions du pied sont dans 95 % des cas occasionnées par des traumatismes mineurs, et qui peuvent cependant mener à une ulcération du pied et, dans les cas les plus graves, à une amputation (85 % des amputations sont en effet précédées d’une ulcération.). Le diabète est ainsi la première cause d’amputation du membre inférieur.
Attention aussi aux infections du pied qui ne sont pas une cause d’ulcération mais qui peuvent en compliquer l’évolution.
Conduite à tenir
Éducation thérapeutique
Les complications (microvasculaires ou macrovasculaires) étant favorisées par l’exposition prolongée à l’hyperglycémie, le traitement médicamenteux a pour objectif de rééquilibrer la glycémie, afin de réduire la morbi-mortalité et de prévenir ces complications.
L’équilibre glycémique passe évidemment par l’observance médicamenteuse et l’éducation thérapeutique y contribue, en ciblant avec le patient les points clés : connaissance du traitement médicamenteux, mais aussi connaissance et bonne utilisation du matériel, bonne maîtrise des gestes d’auto-soins (homogénéisation de l’insuline, site d’injection, adaptation lors d’une hyper ou d’une hypoglycémie, hygiène des mains associée aux gestes…).
Prendre soin de ses pieds
Il est important d’expliquer et de rappeler régulièrement les risques liés au pied diabétique : la prévention à long terme est d’autant plus difficile dans ce domaine que l’esthétique des chaussures est souvent priorisé par rapport au confort.
Pour une bonne hygiène des pieds, rappeler ces quelques conseils :
- Surveiller et se laver quotidiennement les pieds à l’eau tiède avec du savon neutre ;
- Préférer une douche aux bains de pieds (pour éviter le risque de macération) ;
- Essuyer soigneusement les pieds avec une serviette sèche après le lavage, en particulier entre les orteils ;
- Appliquer tous les jours une crème hydratante adaptée aux pieds diabétiques (ne pas en mettre entre les orteils) ;
- Ne jamais utiliser de coricide ou d’objet tranchant. La coupe des ongles peut être confiée au podologue selon le risque du patient ;
- Attention aux coutures et élastiques des chaussettes qui peuvent frotter la peau ;
- Ne jamais marcher pieds nus, ne pas utiliser de bouillotte au pied, de couverture chauffante…
- Assouplir régulièrement les pieds par des mouvements de flexion-extension ou des massages avec une balle de tennis sous le pied.
Toute plaie au pied à risque doit être considérée comme une urgence médicale chez le diabétique.
Il est également important de rappeler l’intérêt d’un suivi régulier par un podologue. Depuis 2023, un acte de bilan de gradation du risque podologique est pris en charge une fois par an pour tous les patients diabétiques, sans prescription médicale. Les patients avec un risque podologique élevé (grades 2 et 3) bénéficient aussi, dans l’année, de 5 à 8 séances de prévention des lésions des pieds en fonction de leur grade.
Toute plaie au pied à risque doit être considérée comme une urgence médicale chez le diabétique
Prendre soin de ses yeux
Les recommandations pour le dépistage de la rétinopathie diabétique préconisent une surveillance annuelle du fond d’œil pour tout patient diabétique.
À savoir aussi : la pression artérielle, en contribuant au développement et à l’aggravation de la rétinopathie diabétique, est le deuxième facteur de risque modifiable après le contrôle glycémique. L’amélioration du contrôle tensionnel contribue à freiner sa survenue et/ou sa progression.
Le pharmacien peut aussi intervenir en aidant le patient à faire le lien entre l’équilibre glycémique, la correction des facteurs de risque (pression artérielle notamment) et l’évolution favorable de la RD.
Surveillance glycémique
- Hémoglobine glyquée (HbA1c) : l’objectif du contrôle glycémique doit être individualisé selon le profil du patient. Pour la plupart des patients diabétiques de type 2, une cible HbA1c inférieure ou égale à 7 % est recommandée. Le traitement médicamenteux doit être instauré ou réévalué si HbA1c est supérieure à 7 %. Le dosage d’HbA1c doit être réalisé 4 fois par an selon le guide HAS « Affection de longue durée sur le diabète de type 2 ».
- Autosurveillance : l’autosurveillance glycémique est recommandée chez les patients diabétiques de type 2 traités par insuline, certains patients diabétiques de type 2 traités par sulfamides ou glinides afin de prévenir et de détecter d’éventuelles hypoglycémies, les patients avec un taux HbA1c > 8 % dans le cadre d’un ajustement thérapeutique dont le passage à l’insuline, les patients dont l’autosurveillance est utile pour évaluer l’effet de modifications du style de vie ou des traitements… Ils doivent connaître les moments d’autosurveillance, la fréquence, les objectifs et les décisions à prendre en fonction des résultats, en plus des gestes appropriés, personnalisés au cas par cas.
3 millions de personnes sont des diabétiques sous traitement médicamenteux
(Haute Autorité de santé)
Mesures hygiénodiététiques
L’alimentation suit les mêmes règles que pour les non diabétiques : elle doit être variée et équilibrée. Le régime méditerranéen semble être le plus bénéfique : consommation de céréales complètes, de fruits, de légumes, de fruits à coque, d’huiles d’olive et de colza, consommation faible de viande rouge et modérée de poisson, volailles, yaourts et fromages. En revanche, réduire la consommation de sel, les charcuteries, les viennoiseries, l’alcool.
Chez les diabétiques qui sont en surpoids ou obèses, perdre du poids (5 à 10 % du poids initial) permet de diminuer le taux d’hémoglobine glyquée.
À l’officine, échanger avec un patient diabétique est aussi l’occasion d’aborder avec lui l’intérêt du sevrage tabagique.
C’est aussi l’occasion de promouvoir l’activité physique. Les patients diabétiques de type 2 sont souvent sédentaires et près de 70 % n’ont pas d’activité physique (AP) régulière de loisir. L’AP régulière entraîne, chez le diabétique ou le prédiabétique, une augmentation de la sensibilité à l'insuline des tissus même au repos et améliore ainsi la tolérance au glucose, et persiste sur une durée moyenne 4 à 6 heures après l’activité. De plus, une AP régulière en endurance, en renforcement musculaire, ou l’association des deux, améliore les 5 facteurs de risque de progression de la maladie diabétique (c’est-à-dire les risques de complications micro et macrovasculaires) : HbA1c, pression artérielle, indice de masse corporelle (IMC), masse grasse viscérale et profil lipidique.
Rappeler au patient que les activités physiques incluent les promenades à pied, à vélo, les activités à la maison telles que jardiner, porter des courses, monter et descendre les escaliers, et que les trajets quotidiens en privilégiant la marche ou le vélo sont une occasion de bouger plus. Attention toutefois au risque d’hypoglycémie. Si ce risque est inexistant chez les patients traités par des insulinosensibilisateurs (biguanides) ou par des médicaments de la voie des incrétines (agonistes du récepteur GLP-1 ou inhibiteurs des DPP4), le risque d’hypoglycémie à l’AP est augmenté chez les patients traités par des insulinosécréteurs (sulfamides hypoglycémiants, glinides) ou par de l’insuline, si leur glycémie est équilibrée et si la durée de l’AP est > 30 minutes.
Activité physique : attention au risque d’hypoglycémie chez les patients sous sulfamides hypoglycémiants, glinides ou insuline
Vaccinations
Le patient diabétique est plus fragile face aux infections et son diabète peut être déséquilibré pendant plusieurs jours, parfois de manière importante. Les plaies des pieds étant plus fréquentes chez les diabétiques, le risque de tétanos est plus élevé.
En plus des vaccinations habituelles de la population adulte, les recommandations chez le diabétique sont élargies aux vaccinations contre la grippe, le pneumocoque et le Covid-19.
Les produits conseils
Plusieurs soins peuvent être proposés pour hydrater les pieds du diabétique et soulager la sensation d’inconfort et de sécheresse. Ils contiennent :
- Des agents hydratants ou émollients ;
- De l’urée qui est utilisée à la fois pour ses propriétés hygroscopiques (étant un facteur naturel de l’hydratation, elle retient l’eau pour une meilleure hydratation) et pour ses propriétés kératolytiques (à partir de 10 % de concentration généralement, elle améliore la desquamation de la peau) ;
- Des agents améliorant la circulation veineuse : Ginkgo Biloba, extrait de racine de petit houx…
- Des agents aux actions antifongiques (piroctone olamine par exemple) ;
- Des huiles essentielles aux propriétés désodorisantes.
La peau du corps aussi nécessite une hydratation. En effet, par une diminution de sécrétion des glandes, des troubles de la circulation, la peau devient plus sèche, desquame plus difficilement et le patient diabétique souffre de xérose cutanée accompagnée d’irritations et de démangeaisons. Une crème ou un baume émollient à appliquer sur le corps quotidiennement peut donc le soulager.
Testez-vous !
1. Parmi les complications microvasculaires du diabète :
a) La rétinopathie diabétique touche 5 % des patients ;
b) La néphropathie diabétique touche 30 % des patients ;
c) Le « pied du diabétique » est une conséquence de la neuropathie périphérique.
2. Le « pied du diabétique » est à l’origine de plusieurs atteintes :
a) Un Hallux valgus ;
b) Une infection ;
c) Un trouble de la sensibilité tactile.
3. Le diabétique doit être vigilant au niveau de ses pieds :
a) La coupe des ongles peut être confiée à un podologue si nécessaire ;
b) Toute infection au niveau du pied est une urgence médicale ;
c) Les diabétiques à risque élevé bénéficient d’une seule consultation avec un podologue par an.
4. À propos de la surveillance glycémique :
a) Pour la plupart des patients diabétiques de type 2, une cible HbA1c inférieure ou égale à 8 % est recommandée ;
b) Pour la plupart des patients diabétiques de type 2, une cible HbA1c inférieure ou égale à 7 % est recommandée ;
c) L’autosurveillance est systématique chez le patient sous insuline.
5. Parmi les actifs du soin du pied du diabétique :
a) L’urée est utilisée pour ses propriétés kératolytiques ;
b) L’urée est un facteur naturel d’hydratation ;
c) La piroctone olamine est utilisée pour ses propriétés antifongiques.
Réponses : 1. b) et c) ; 2. a) et c) ; 3. a) et b) ; 4. b) et c) ; 5. a), b) et c)
A la Une
Les préparateurs autorisés à administrer les vaccins du calendrier vaccinal
Censure du gouvernement
Coup d’arrêt pour les remises biosimilaires, mais pas pour les baisses de remboursement
Épidémiologie
La grippe gagne du terrain
Equiper l’officine
Gérer la file d’attente : un parcours sinueux