Dialogue

« Mettre la science au service du patient »

Publié le 20/11/2025
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Pharmacien, Fabien Bruno dénonce le décalage entre les avancées de la science et une réglementation française souvent restrictive, qui dépossède souvent les soignants, dont les pharmaciens, de solutions adaptées aux réalités du terrain.

En psychiatrie comme dans bien d’autres domaines, un constat s’impose : l’état des connaissances avance plus vite que la réglementation. Chaque semaine, des études confirment l’efficacité de molécules anciennes, bien connues des professionnels, dans des indications nouvelles. Pourtant, ces traitements restent exclus du remboursement — non parce qu’ils sont dangereux, mais parce qu’ils ne rentrent pas encore dans les cases de l’assurance-maladie, à savoir qu'ils ne disposent pas d'une AMM, AMM que les laboratoires n'ont jamais demandée et ne demanderont peut-être jamais. Ce décalage fragilise la cohérence du système.
Et lorsqu’elle fige la pratique et qu'elle ne prend pas en compte les données scientifiques, elle décourage ceux qui, sur le terrain, cherchent simplement à adapter le soin aux besoins des patients.
Prenons un exemple : Le lithium le montre clairement : en France, l’autorisation de mise sur le marché (AMM) n’est accordée qu’à partir de 16 ans, quand les États-Unis l’autorisent dès 7 ans. Alors une question demeure : comment les prescripteurs français sont-ils censés soigner les enfants bipolaires en dessous de cet âge ? Pourtant, ces usages ne relèvent pas de l’improvisation : ils reposent sur des données cliniques solides, intégrées à des recommandations internationales. Mais faute d’ AMM spécifique, le remboursement reste bloqué en France.
Ce problème dépasse la psychiatrie. Il touche aussi les maladies orphelines, un domaine où l’absence de rentabilité commerciale empêche souvent les laboratoires de demander une extension d’AMM. Résultat : la procédure devient plus forte que la connaissance.
Nous avons là une contradiction majeure avec la vocation du pharmacien : mettre la science au service du patient, pas au service du code administratif. La question n’est pas de déréguler, mais d’adapter.
Autoriser le remboursement encadré de molécules dont l’efficacité est documentée, même hors AMM, ce n’est pas fragiliser le système — c’est le rendre plus juste et plus cohérent. Cela suppose un dialogue entre praticiens, pharmaciens, chercheurs et autorités. Un dialogue fondé sur la confiance, la compétence et l’écoute du réel.
Parce qu’au fond, la vraie éthique du soin, c’est d’avoir le courage d’agir quand la règle n’a pas encore eu le temps d’évoluer.


Source : Le Quotidien du Pharmacien