L’intervention pharmaceutique (IP) s’est invitée aux 15e rencontres de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), le 6 février au ministère de la Santé, lors d’une table ronde intitulée : « De l’analyse pharmaceutique à l’optimisation du traitement ».
« L’intervention pharmaceutique, c’est la recommandation, la solution, la piste de modification que le pharmacien va proposer face à une problématique identifiée lors de l’analyse d’une prescription, présente en préambule Pierrick Bedouch, professeur des universités, praticien hospitalier en pharmacie clinique à la faculté de pharmacie de l’université Grenoble Alpes et membre de la Société française de pharmacie clinique (SFPC). Ce sont des actes que les pharmaciens font tous les jours. Après, il y a la question de leur documentation et de leur valorisation. » Un exemple : « On a la prescription devant nous et il y a un sujet de posologie à adapter selon la fonction rénale. Il faut déjà aller chercher la fonction rénale que l’on n’a pas forcément sur l’ordonnance, que l’on n’a pas toujours sur le logiciel, et il faut faire une démarche parfois compliquée pour accéder au DMP, explique Guillaume Racle, titulaire d’officine et élu national de l’USPO. C’est un temps supplémentaire et aujourd’hui, ce temps n’est pas valorisé. Sur le terrain, lorsqu’il y a ce sujet d’adaptation posologique, ou lorsqu’il s’agit d’une rupture de médicament, d’un problème d’interaction médicamenteuse, c’est du temps passé, et parfois beaucoup de temps, qui aujourd’hui n’est nullement valorisé dans le modèle économique actuel. » Le décor est planté.
Vivement l’ordonnance numérique
Or l’IP commence à compter. En 2024, la SFPC a enregistré dans son observatoire ACT-IP plus de 18 000 interventions pharmaceutiques sur 749 officines embarquées. Il s’agit essentiellement de changements de médicaments, d’adaptations posologiques ou d’un arrêt ou d’un refus de délivrance. Six fois sur dix, l’intervention de l’officinal est acceptée par le prescripteur.
En 2024, la SFPC a enregistré dans son observatoire ACT-IP plus de 18 000 interventions pharmaceutiques sur 749 officines embarquées
« Ce sont des démarches parfois très lourdes. Quand on a un problème de posologie, on doit appeler un médecin, éventuellement hospitalier. On peut parfois passer 30 minutes sur ces sujets-là. Et encore, je ne vous parle pas des ruptures ! », lâche encore Guillaume Racle, à la même table que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l’assurance-maladie et la direction de la sécurité sociale.
Mais pour parler de rémunération, il faut déjà pouvoir tracer l’acte. « On va avoir un formidable outil pour suivre ces interventions pharmaceutiques, c’est-à-dire rendre visible ce que les pharmaciens font de manière invisible depuis des années, que sera la prescription électronique. À chaque fois qu’un pharmacien modifiera la prescription émise par le médecin, l’assurance-maladie aura une trace selon les motifs de l’intervention pharmaceutique, de l’action qui aura été réalisée sur la modification de prescription. Cela ouvre, on l’espère, un champ de traçabilité et donc de valorisation des actions qui pour nous a une forte valeur ajoutée », s’enthousiasme Guillaume Racle. Et pourquoi ne pas utiliser la grille élaborée par la SFPC, l’échelle CLEO évaluant l’impact clinique, économique et organisationnel de chaque intervention pharmaceutique. « Changer un comprimé par un sachet n’a pas la même valeur médico-économique que d’adapter une posologie à une fonction rénale », poursuit le représentant de l’USPO.
En route pour l’avenant n° 2 ?
Dans l’idée, la dernière convention pharmaceutique avait intégré la dispensation adaptée, intervention permettant d'adapter la dispensation des médicaments à posologie variable aux besoins thérapeutiques du patient, avec incitation économique pour le pharmacien qui partageait les économies réalisées avec l’assurance-maladie. Usine à gaz pour certains, modèle vertueux d’intervention pharmaceutique sur une juste dispensation pour d’autres, la dispensation adaptée n’a pas été reconduite lors de la signature de l’avenant n° 1 à la convention pharmaceutique de juin dernier et depuis le 31 janvier, les pharmaciens ne peuvent plus facturer le code DAD à leur caisse. « En tout cas, il y avait plus de 400 000 interventions par mois, réalisées par 80 % de la profession. On voyait que ça marchait », regrette Guillaume Racle.
« Dans les enjeux de santé publique, la pertinence des soins rejoint la lutte contre l’iatrogénie, l’antibiorésistance, les tensions d’approvisionnement, l’impact environnemental des produits de santé, l’efficience des dépenses de l’assurance-maladie. L’intervention pharmaceutique peut créer de la valeur à cet égard, et il faut parvenir à accélérer », dira simplement le directeur de la sécurité sociale Pierre Pribille à ce sujet, voyant quand même dans l’IP une « perspective d’avenir » dans un mode de rémunération de plus en plus décorrélé des volumes et reconnaissant aussi qu’il faudrait accorder une rémunération différente en fonction de la nature de l’IP, certaines prenant plus de temps que d’autres. Mais c’est avec l’assurance-maladie que les syndicats, qui réclament un avenant n° 2 à la convention pharmaceutique de 2022, devront négocier.
A la Une
Les tensions d’approvisionnement toujours nombreuses, mais en décrue
Epidémie
Chikungunya à La Réunion : les pharmaciens pourront-ils vacciner en officine ?
La Saga des marques
Krème, l’autre alternative Bio
Histoire de la pharmacie
De la pastille Valda aux trésors impressionnistes d’Henri-Edmond Canonne