Cas de comptoir
Le contexte :
Jane, 35 ans, sans pathologie : « Je repars en avion en Corse cet été. L’année dernière, j’avais les jambes gonflées tous les soirs avec la chaleur. Comment éviter cela cette année ? »
Les questions à poser :
Quel âge avez-vous ? Pratiquez-vous une activité physique ? Portez-vous de la contention ? Surélevez-vous les pieds du lit ? Quel type de chaussures portez-vous ?
Définitions
L’insuffisance veineuse chronique des membres inférieurs se manifeste par :
- Une sensation de jambes lourdes qui tiraillent et qui gonflent, sensation qui s’aggrave en fin de journée ;
- Un œdème des jambes, principalement au niveau des chevilles, des mollets ou des pieds ;
- Des fourmillements ou une sensation d’engourdissement ;
- Un besoin irrépressible de bouger les jambes ;
- Des crampes musculaires nocturnes qui obligent à se mobiliser pour les faire disparaître ;
- L’apparition de petites varicosités ou varices sur les jambes qui sont le plus souvent asymptomatiques et rarement douloureuses, mais mal vécues car inesthétiques ;
- Des démangeaisons (liées à un eczéma au niveau des varices).
On distingue plusieurs stades dans l’insuffisance veineuse, qui ont permis une classification :
- C1 : Présence de télangiectasies ou de veines réticulées ;
- C2 : Veines variqueuses ;
- C3 : Œdèmes ;
- C4 : Altérations cutanées d’origine veineuse (pigmentation ; eczéma variqueux appelé aussi dermite de stase, qui survient le long d’un trajet variqueux ; hypodermite scléreuse ; atrophie blanche : plaque blanche et lisse, entourée d’une zone pigmentée ou purpurique et de télangiectasies) ;
- C5 : Ulcère cicatrisé ;
- C6 : Ulcère non cicatrisé.
Une varice se définit comme une veine sous-cutanée d’un diamètre supérieur ou égal à 3 mm en position debout, dont le trajet devient tortueux, entraînant une circulation pathologique.
L’insuffisance veineuse peut se compliquer tardivement d’un ulcère variqueux (préférentiellement à la face interne de la cheville ou de la jambe), ou encore de plaies chroniques (avec risque de surinfection), de complications thrombotiques (thrombose veineuse superficielle, qui survient sur une veine dont la paroi est altérée et qui se traduit par un cordon rouge induré inflammatoire sur le trajet d’une varice, et thrombose veineuse profonde allant jusqu’à l’embolie pulmonaire) et de complications hémorragiques (une veine se rompt et saigne sous ou sur la peau).
Zoom sur la physiopathologie
Le retour veineux au niveau des membres inférieurs est assuré à 90 % par le réseau veineux profond (veines tibiales, veines péronières, veines poplitées, veines fémorales) et à 10 % par le réseau veineux superficiel (veine grande saphène, veine petite saphène et leurs affluents), le réseau veineux superficiel se drainant dans le réseau profond par les veines perforantes. Les valvules, sortes de replis de la paroi interne du vaisseau et composées de fibres musculaires, agissent comme des clapets anti-retour et empêchent le sang de refluer.
En position debout immobile, la pression veineuse est d’environ 80 mmHg au niveau de la cheville. Lors de l’initiation de la marche, l’association de la contraction musculaire via l’écrasement de la semelle plantaire de Lejars (dépendant de la statique plantaire et du déroulement du pas), de la pompe musculaire du mollet et du système abdomino-diaphragmatique permet de faire rapidement diminuer cette pression à moins de 30 mmHg.
80 mmHg, c’est la pression veineuse au niveau de la cheville en position debout immobile
Dans l’insuffisance veineuse, les parois veineuses perdent leurs propriétés élastiques, les valves dysfonctionnent, générant alors un reflux sanguin des veines profondes vers les veines superficielles et une augmentation de la pression veineuse. Les symptômes sont la conséquence d’une hyperpression veineuse prolongée, responsable d’une inflammation chronique et du développement d’une microangiopathie à l’origine de troubles trophiques.
On peut énumérer plusieurs facteurs de risque à cette insuffisance veineuse :
- Le surpoids ;
- La sédentarité, qui agit directement sur le mécanisme de retour veineux ;
- Des antécédents familiaux : la maladie serait héréditaire dans 80 % des cas ;
- La consommation de tabac : fumer nuit à la vasomotricité des veines, qui perdent alors en tonicité ;
- L’âge : les troubles apparaissent et s’accentuent en vieillissant ;
- Certaines habitudes de vie qui augmentent la stase veineuse : par exemple, des métiers impliquant des piétinements (coiffeur, serveur, pharmacien…), une position debout prolongée ou assise prolongée (travail de bureau, chauffeur routier…) ;
- La grossesse, à cause du déséquilibre hormonal (les cycles menstruels et la prise de contraception à base d’œstrogènes favorisent aussi l’insuffisance veineuse) et à cause de la compression des veines par l’utérus avec l’avancée dans la grossesse ;
- Les voyages en avion, en raison de la pressurisation de la cabine de l’avion et de la position assise prolongée ;
- L’exposition au chaud : soleil, bain chaud, hammam, sauna, chauffage au sol…
Conduite à tenir
Orienter vers le médecin
Une consultation est nécessaire au début de la maladie pour établir le diagnostic : l’examen physique permet d’apprécier le stade de la maladie et de visualiser les varices du réseau superficiel.
Une échographie doppler peut aussi être réalisée : elle évalue la vitesse des flux sanguins et le sens de circulation du sang dans les vaisseaux, elle permet de détecter les varices et d’étudier leur diamètre, leur morphologie, leur trajet, leur drainage et d’établir ainsi une cartographie. Elle permet également d’écarter une thrombose veineuse profonde. L’examen se fait en position debout en effectuant des manœuvres de pression.
Le patient devra également consulter en cas d’aggravation des symptômes, de saignement en regard d’une veine, de signes de thrombose veineuse, si les jambes gonflent beaucoup ou inhabituellement, si la peau se pigmente, devient sèche ou démange, si la gêne augmente…
Consulter en cas d’aggravation des symptômes, de saignement en regard d’une veine, de signes de thrombose veineuse
Adapter son hygiène de vie
Éviter la station debout prolongée. Au travail, par exemple, effectuer régulièrement des exercices de flexion-extension des chevilles pendant quelques minutes. Éviter les piétinements. En position assise, éviter de croiser les jambes.
Pratiquer une activité physique régulière qui sollicite notamment le mollet et fait travailler les muscles de façon synchrone aux mouvements respiratoires : marche à pied, vélo, natation… Éviter les sports à risque traumatique comme le tennis, l’haltérophilie, le football ou le rugby, qui peuvent détériorer les valvules. Quelques petits exercices peuvent être réalisés : élever le genou vers la poitrine en position debout à plusieurs reprises, faire rouler sous le pied une balle en bougeant le pied de façon circulaire, faire des mouvements de jambe assis ou allongé comme si on pédalait…
Surélever les jambes au repos (surélever les pieds du lit).
Éviter les vêtements trop serrés et les élastiques trop serrés des collants, chaussettes, sous-vêtements. Côté chaussures, éviter les talons trop hauts qui diminuent le fonctionnement de la pompe musculaire et les chaussures trop basses qui affaissent la voûte plantaire.
Porter des produits de compression veineuse de type chaussettes, bas, collants… Ne pas oublier d’en parler aux gens qui voyagent.
Éviter de s’exposer à une chaleur trop intense (saunas, hammams, bains, mais aussi exposition au soleil…).
Lors de périodes de chaleur importantes, passer un jet d’eau froide sur les jambes, en le dirigeant des chevilles jusqu’aux cuisses.
Lutter contre le surpoids.
Durant un voyage en avion, éviter de croiser les jambes. Se lever régulièrement et marcher dans le couloir de l’avion, boire beaucoup d’eau pour éviter la déshydratation et porter des vêtements amples et des bas de contention.
Les produits du conseil
La compression élastique
Le principe de la compression est d’exercer une pression mécanique contrôlée et de façon dégressive de la cheville vers le haut de la jambe, agissant ainsi sur le retour veineux, la pression veineuse, la dilatation des veines, la détérioration des parois veineuses, le volume du membre, l’efficacité de la pompe musculaire du mollet pendant la marche, la microcirculation cutanée et lymphatique.
La compression exerce une pression mécanique contrôlée et dégressive, de la cheville vers le haut de la jambe
La compression veineuse est recommandée comme traitement de base dans les affections veineuses chroniques à partir du stade C2. Si, aux premiers stades cliniques de la classification (stades C0 et C1), aucune étude ne permet de montrer que la compression veineuse freine l’évolution de l’affection, elle est utilisée pour réduire les gênes.
La compression fera la plupart du temps l’objet d’une prescription médicale pour être adaptée à la pathologie et écarter une contre-indication.
La compression est contre-indiquée dans certaines situations, notamment en cas d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs avec un index de pression systolique < 0,6, de microangiopathie diabétique évoluée (pour une compression > 30 mmHg), de phlegmatia coerulea dolens, de thrombose septique.
Les différents bas de compression médicale (chaussettes ou bas-jarrets, bas-cuisses ou collants) sont tous aussi efficaces, le choix se fait souvent en fonction du choix du patient, de la facilité d’enfilage…
En fonction de la pression exercée au niveau de la cheville, les bas sont répartis en 4 classes dépendant de la pression de compression : classe I (la plus faible : 10 à 15 mmHg), classe 2 (15,1 à 20 mmHg), classe 3 (20,1 à 36 mmHg), et classe 4 (la plus forte : supérieure à 36 mmHg). Les indications sont différentes suivant les classes.
La prise de mesure à l’officine (circonférence du mollet, de la cuisse + hauteur…) s’effectue le matin quand les membres inférieurs sont les moins gonflés.
Un bas de compression s’enfile le matin au lever ou, si ce n’est pas possible, après surélévation des jambes pendant quelques dizaines de minutes. La peau doit être bien sèche ou enduite d’un topique facilitant le glissement. Pour diminuer l’humidité, il est parfois conseillé d’appliquer du talc sur les talons.
Veinotoniques
Les médicaments veinotoniques constituent un groupe hétérogène de médicaments, d’origine végétale (hamamélis, ginkgo biloba, mélilot, marron d’Inde, vigne rouge, petit houx), semi-synthétique ou synthétique (diosmine, troxérutine, flavonoïdes…).
Les actions revendiquées par ces molécules sont notamment une augmentation du tonus veineux via un mécanisme lié à l’adrénaline et une réduction de l’œdème. Malgré encore une large utilisation et une demande fréquente, leur service médical rendu (SMR) est insuffisant et ces médicaments ont été déremboursés en 2007. Ils sont parfois associés à l’acide ascorbique qui agit sur la paroi des vaisseaux.
En termes d’effets indésirables, attention au Ginkgo biloba qui expose à des troubles digestifs et à des saignements notamment en association avec des anticoagulants ou des antiagrégants plaquettaires (le ginkgo ayant des effets sur la coagulation). Les flavonoïdes, quant à eux, exposent notamment à des diarrhées chroniques, des céphalées.
En complément
En phytothérapie, la vigne rouge (Vitis viniferae, feuille), riche en polyphénols et flavonoïdes, agirait sur la résistance des vaisseaux. Le fragon (« petit houx », Ruscus aculeatus, rhizome), riche en flavonoïdes, aurait des propriétés vasoconstrictrices et vasculoprotectrices et aurait une action anti-œdémateuse. Le marron d’Inde (Aesculus hippocastanum, grains et écorce, contenant de l’aescine et de l’aesculodide) aurait un effet protecteur et stimulant sur les parois des veines et un effet anti-œdémateux. L’hamamélis (Hamamelis virginiana, feuille et écorce), riche en tanins et flavonoïdes, aurait des propriétés vasculoprotectrices. Le mélilot contient également des flavonoïdes. On retrouve aussi ces actifs dans des associations : Naturactive circulation fluide, Arkopharma jambes légères, Forte bio circulation…
En homéopathie, il est possible de conseiller en complément des traitements habituels Vipera redi 5CH, Arnica montana 9CH, Hamamelis 5CH.
En aromathérapie, on peut proposer l’huile essentielle de romarin officinal 1.8 cinéole avec l’huile essentielle de cyprès en massage. Les huiles essentielles de myrte rouge ou de pin sylvestre sont également employées dans l’insuffisance veineuse. Pour celles qui s’utilisent en massage, aller de la cheville vers le genou.
Des produits de massage (gels et crèmes à visée tonique ou rafraîchissante) sont proposés pour combattre les sensations de jambes lourdes, notamment en période de forte chaleur : Addax jambes fatiguées, Akiléine jambes légères, Arnicactiv, Circularom, Ginkor frais gel fraîcheur, Jouvence gelée, Rap Phyto, Veinoflux… Remonter de la cheville jusqu’au genou.
Testez-vous
1. Les varicosités :
a) Sont le plus souvent asymptomatiques ;
b) Interviennent au stade C1 de l’insuffisance veineuse chronique ;
c) Peuvent être liées à des antécédents familiaux.
2. La pression veineuse :
a) Est d’environ 80 mmHg en station debout ;
b) Est d’environ 30 mm Hg en station debout ;
c) Augmente avec la contraction du mollet.
3. Parmi les facteurs de risque de l’insuffisance veineuse :
a) La prise de contraception hormonale ;
b) L’hérédité dans 10 % des cas ;
c) Le vélo.
4. Comment prévenir les symptômes ?
a) Éviter la station debout prolongée en réalisant des exercices de flexion-extension ;
b) Porter des bas de compression veineuse ;
c) Appliquer localement du froid ou des veinoprotecteurs.
5. Parmi les différents veinotoniques :
a) La diosmine est d’origine synthétique ;
b) Le ginkgo peut donner des troubles digestifs ;
c) Les flavonoïdes peuvent exposer à des diarrhées chroniques.
Réponses : 1. a), b), c) ; 2. a) ; 3. a) ; 4. a), b), c) ; 5. a), b), c).
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