Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que le pharmacien soit identifié comme acteur de la lutte contre les violences conjugales, intrafamiliales, sexistes et sexuelles qui touchent, dans la très grande majorité des cas, des femmes. Dès le début du premier confinement lié à la crise sanitaire du Covid-19, en mars 2020, un dispositif de signalement en pharmacie a été mis en place par le ministère de l’Intérieur, en partenariat avec l’Ordre national des pharmaciens. « Les pharmacies d’officine ont servi de refuge, de lieu d’alerte, aux victimes de violences intrafamiliales s », rappelle Nadine Bechieau, titulaire d’officine et élue du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), en charge des violences sexistes et sexuelles, des violences intrafamiliales et des violences par soumission chimique. « Dans l’urgence, les pouvoirs publics, sentant que la période Covid-19 allait être compliquée pour les personnes exposées à toutes les formes de violences intrafamiliales, avaient sollicité l’Ordre des pharmaciens pour pouvoir communiquer dans les officines », poursuit-elle. Résultats : 8 % des pharmaciens d’officine ont déclaré avoir signalé des violences intrafamiliales auprès des forces de l'ordre lors de la première vague de Covid-19 en 2020, et 34 % estimaient que le signalement de ces violences auprès des autorités devrait s’inscrire durablement parmi leurs missions. Le dispositif est depuis devenu pérenne.
Dans la foulée, l’Ordre a travaillé en partenariat avec la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) afin d’élaborer des outils de repérage, d’information et d’orientation à destination des pharmaciens en contact avec le public : officinaux, biologistes médicaux, pharmaciens hospitaliers, de métropole et d’Outre-mer.
Depuis la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, les professionnels de santé, y compris les pharmaciens, ont la possibilité de lever le secret médical lorsqu’ils considèrent que la victime majeure est sous emprise et en danger immédiat. Dans ce cas, le signalement peut être effectué auprès du procureur de la République sans l’accord de la victime, mais en l’informant de la démarche.
Aujourd’hui s’ajoute la participation de l’Ordre au déploiement de la campagne nationale d’information sur la soumission chimique relayée auprès de tous les pharmaciens en contact avec le public, en partenariat avec le Centre de référence sur les agressions facilitées par les substances (CRAFS), la Société Francophone des sciences pharmaceutiques officinales (SFSPO), l’association #MendorsPas et le ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Le but de cette campagne est de faire connaître le CRAFS, plateforme spécialisée dans l’orientation des victimes de soumission chimique.
Se préparer
« Ce n’est pas facile pour une victime. Une victime qui vient au comptoir et qui accepte d’aborder le sujet, c’est déjà un pas formidable. Il ne faut pas manquer cette alerte », explique Nadine Bechieau. D’où l’importance de s’y être préparé.
D’autant que « au comptoir, on a peu de temps pour repérer une potentielle victime, prévient la représentante de l’Ordre. Il y a des signes cliniques évocateurs, comme des blessures, un mal-être, des comportements d’addictions, des troubles du sommeil. Il peut y avoir aussi des aspects non verbaux comme une attitude d’évitement, des pleurs, des regards fuyants. Et puis parfois, un comportement inadapté du conjoint. » Pour aider à repérer les situations d’emprises et de danger immédiat en vue d’un signalement de violence conjugale, le Cespharm met à disposition des pharmaciens un outil permettant d’évaluer les signes qui montrent l’emprise et le degré d’urgence, outil co-élaboré par le ministère en charge de la Santé et les Ordres de santé.
Pour aborder le sujet, « il n’y a pas de bonne formule, poursuit Nadine Bechieau. Chacun trouvera les mots et l’attitude qui lui correspondent mais il y a une posture à adopter : montrer de la bienveillance, ne pas formuler de jugement, être dans l’écoute active. Déjà, quand le pharmacien a un doute, il faut proposer à la personne de s’isoler dans l’espace de confidentialité. Il faut consacrer un peu de temps, montrer à la personne qu’on est là pour elle et qu’on va pouvoir lui apporter des réponses. »
Autre impératif : respecter la temporalité de la victime. « Il faut la laisser décider mais lui apporter les bonnes informations et les bonnes orientations, car ce sont des faits qui sont punis par la loi. »
Guider vers les bonnes structures
« Notre rôle s’arrête au repérage, aux informations, et on oriente la victime », résume l’élue ordinale. En cas de violences intrafamiliales ou conjugales, la victime peut être dirigée vers plusieurs dispositifs et structures d’aide :
- Le 3919 Violences Femmes Info, numéro qui n’est pas tracé si le conjoint a tendance à vérifier les appels ;
- La plateforme arretonslesviolences.gouv.fr où il est possible de discuter avec un professionnel de la police ou de la gendarmerie formé ;
- Éventuellement la police (17) en cas d’urgence ;
- Les structures et associations locales d’aide aux victimes (liste sur arretonslesviolences.gouv.fr).
Dans le cas d’une suspicion de soumission chimique, le réflexe à adopter est de mettre la victime en relation avec le Centre de référence sur les agressions facilitées par les substances (lecrafs.com ou 01 40 05 42 07). Le pharmacien doit aussi gérer l’urgence sanitaire (nécessité d’une contraception d’urgence, prévention des infections sexuellement transmissibles et suivi virologique).
Organisation de terrain
Aujourd’hui, la profession va plus loin. Pour sensibiliser sur le terrain les pharmaciens aux violences sexistes et sexuelles, promouvoir les outils mis à leur disposition et les guider dans les démarches de signalement auprès des autorités judiciaires, « nous avons décidé de mobiliser des référents ordinaux, annonce la représentante du CNOP. Un réseau est déjà constitué. Il est composé de 14 conseillers régionaux qui représentent les pharmaciens titulaires d’officine et de 5 conseillers nationaux qui représentent les titulaires d’officine, les pharmaciens adjoints, les pharmaciens biologistes médicaux, les pharmaciens hospitaliers et les pharmaciens d’Outre-mer. » Il est aussi question d’inclure un volet sur la soumission chimique, sujet d’actualité qui devrait mobiliser les pharmaciens davantage.
Dans les tuyaux, l’organisation d’un parcours de soins pour les victimes de soumission chimique est en construction. Reçu de manière informelle le 29 janvier par la députée Sandrine Josso, dans le cadre d'une mission parlementaire sur la soumission chimique, « l’Ordre a mis en avant les atouts des pharmaciens : proximité, confiance du public, disponibilité, force du maillage territorial, rôle dans l’information du public et l’orientation des victimes vers le CRAFS, ainsi que le réseau qui se met en place », rapporte Nadine Bechieau. Quant à un éventuel kit de soumission chimique qui serait remis par un pharmacien, « ce n’est que le début des réflexions, ajoute-t-elle. Mme Josso a insisté sur le rôle majeur des pharmaciens en matière d’information, d’accueil et d’orientation des victimes et sur la nécessité de faire travailler ensemble tous les acteurs concernés, afin de définir un parcours de prise en charge des victimes, construit avec les autorités de santé, les sociétés savantes, les professionnels de santé, les associations de victimes et les autorités judiciaires. »
Des outils à s’approprier
Afin d’aider le pharmacien à repérer les situations de violences et à réagir, le Cespharm met à disposition plusieurs outils élaborés dans le cadre d’une collaboration entre l’Ordre des pharmaciens, la MIPROF, le ministère chargé de la Santé et/ou le ministère de l’Intérieur :
- Une fiche synthétique « Intervention auprès d’une victime de violences au sein du couple » en 4 volets, avec notamment un logigramme et une liste des différentes ressources vers lesquelles orienter ;
- Un livret d’accompagnement « L’entretien du pharmacien avec une victime de violences au sein du couple », plus complet ;
- Un outil d’aide au signalement des violences au sein du couple, comportant une fiche de signalement à remplir destinée au procureur de la République et des consignes rédactionnelles pour que le signalement soit recevable ;
- Un document présentant les modalités de saisine des forces de l’ordre.
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