Les faits : Monsieur D. est suivi aux Hospices civils de Lyon pour une récidive de cancer. Ne souhaitant pas subir une nouvelle hospitalisation, il demande à effectuer sa chimiothérapie à domicile.
La praticienne oncologue établit la prescription sur son dictaphone. La secrétaire chargée de la transcription note « Alkeran 10 mg » au lieu de « 2 mg ». L’ordonnance ainsi rédigée est signée par la médecin qui ne relève pas l’erreur. Le document est envoyé par fax à la pharmacie. L’original est adressé au patient. Un enchaînement de défaillances va entraîner son décès. Neuf ans après, l’affaire a été jugée en septembre 2020 devant le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie.
Ce dramatique épilogue illustre la chaîne des responsabilités et des manquements impliquant les différents professionnels de santé. L’erreur de posologie est le point de départ d’une série de défaillances et de négligences. À la pharmacie, l’adjointe réceptionne le fax des Hospices civils de Lyon et prépare la dispensation sans attendre le document original. Comme la spécialité n’existe pas sous le dosage « 10 mg », elle calcule et délivre 55 comprimés/jour d’Alkeran 2 mg. Le patient débute son traitement avec une surdose. Une semaine plus tard, la famille de Monsieur D. revient à la pharmacie munie de la prescription reçue par courrier. Pensant qu’il s’agit d’une ordonnance de renouvellement, l’adjointe délivre de nouveau la même surdose. Elle récidive ! Le patient ne va pas bien, il consulte son médecin traitant, ses analyses biologiques deviennent alarmantes et signent une anomalie, mais là encore, le laboratoire se contente de faxer les résultats à l’hôpital sans doubler cette transmission d’une alerte écrite ou d’un appel téléphonique. L’état de Monsieur D. va se dégrader, il décédera aux urgences quinze jours après la première délivrance.
Effet domino du cumul en cascade
Devant les tribunaux, les différents maillons de la chaîne de soins sont poursuivis pour homicide involontaire, à l’exception du médecin traitant qui comparaît comme témoin assisté. Les peines prononcées illustrent l’effet domino du cumul, en cascade. Aucun « rempart » n’a fonctionné afin de briser la chaîne d’erreurs. Tout au long du parcours du patient, tout a déraillé ! Pour ne pas avoir relu minutieusement sa prescription et pour ne pas avoir joint de lettre d’accompagnement, l’oncologue est condamnée à 18 mois de prison avec sursis. Vingt-quatre mois de prison avec sursis sont prononcés à l’encontre de l’adjointe qui a délivré les médicaments sans détecter la posologie excessive et sans appeler le médecin prescripteur. Elle a ensuite effectué par erreur un renouvellement aggravant.
Quant à la pharmacie, en tant que personne morale employeur, elle est condamnée à 20 000 euros d’amende, dont 10 000 avec sursis, pour délivrance d’une ordonnance faxée à l’officine et pour défaut de surveillance.
Enfin, il est reproché au laboratoire d’analyses d’avoir transmis les résultats par fax, un moyen de communication non adapté aux situations d’urgence. Quant aux Hospices civils de Lyon, la pratique qui consiste à faire taper par des secrétaires les ordonnances enregistrées sur dictaphone est réprouvée par les ARS. Chaque médecin doit personnellement rédiger ses prescriptions. Aucune peine n’est toutefois prononcée, ces deux personnes morales sont relaxées.
Le dénouement judiciaire ne s’arrête pas là ! Une audience sur les intérêts civils aura lieu prochainement. Les juges devront répartir la charge de l’indemnisation de la famille entre les différents protagonistes, au regard de leur responsabilité civile.
A la Une
Vaccinations, TROD, entretiens… combien de pharmaciens jouent le jeu ?
La gestion des indus à l’officine serait-elle la mission de trop ?
Substitution
Ouverture de 6 nouveaux groupes génériques, dont un antiépileptique
Exercice professionnel
Conventions avec les opérateurs de tiers payant : un manque à gagner pour les pharmaciens ?