La problématique de la gestion des flux en officine n’est pas nouvelle. Et pour cause : les pharmacies sont, dans l’ensemble, de petits espaces où une file d’attente peut très vite encombrer les rayons et gêner les autres clients. Il faut y ajouter le temps d’attente qui peut détériorer l’expérience client et entraîner des abandons d’achat. Si l’impact réel est difficile à déterminer tant les estimations diffèrent, le secteur s’active pour tenter de mieux gérer les flux de patients.
À chacun son comptoir
Les pharmacies Lafayette revendiquent un volume moyen de 500 clients par jour, répartis en trois principaux flux : ordonnance/médicament, parapharmacie, le troisième recherchant un service orienté vers les nouvelles missions. La première réponse du réseau de pharmacies Lafayette a consisté à allouer des comptoirs pour chaque flux, qui peuvent être ouverts, fermés ou ajustés, selon la disponibilité du personnel et les besoins des patients. En effet, une personne peut devoir récupérer des médicaments sur ordonnance et souhaiter en même temps acheter des produits de parapharmacie. Un comptoir peut être mis en place lorsque c’est possible, pour mieux répartir la patientèle. « Il est important de bien connaître les flux habituels de son officine, afin d’adapter le nombre de comptoirs ouverts au volume de patients attendu. Grâce à une analyse fine des données de fréquentation, nous disposons d’informations précises concernant le nombre de personnes qui fréquentent l’officine chaque jour, selon les jours de la semaine et les tranches horaires », explique Christophe Besnard, directeur du Réseau de pharmacies Lafayette. La gestion des nouvelles missions peut, en outre, être combinée à un système de prises de rendez-vous, comme sur Doctolib ou via des créneaux sans rendez-vous.
La rationalisation des comptoirs fait également partie intégrante des propositions d’agencement des entreprises spécialisées. « Notre objectif sera de réduire la taille de la zone dédiée aux ordonnances et de concentrer et densifier les comptoirs », développe Philippe Plessis, président de Proexpace, une entreprise spécialisée dans l'agencement de pharmacies. Ce service étant plus chronophage, il s’agit ici de le rediriger vers un espace dédié afin de fluidifier le trafic aux autres comptoirs.
Pour doper l’expérience client et rentabiliser la surface au maximum, la file serpentine peut être aménagée à l’aide de rayonnages ou de Plexibox à hauteur de main
Moins de back-office et plus de rayons
Mieux gérer les flux de la pharmacie passe aussi par l’arrière-boutique. « Les produits en réserve n’apportent rien et il vaut mieux qu’ils (les stocks, N.D.L.R.) soient dans l’espace de vente », note Philippe Plessis. Cela permet, in fine, de libérer de l’espace et de limiter les frictions entre les clients qui attendent et ceux qui déambulent entre les rayons. Réduire la surface du back-office exige toutefois une bonne gestion des stocks de médicaments en amont pour éviter les ruptures. Côté espace de vente, cela nécessite également l’installation de linéaires plus profonds, passant de 25 cm à 30 ou 40 cm, voire plus pour les références les plus populaires. « Ces linéaires permettent d’avoir une offre plus contractée et densifiée et sont préférés aux panneaux à tiroirs, qui occupent davantage de surface au sol », assure Philippe Plessis. L’objectif est de faire en sorte que le gain du back-office soit supérieur à la perte en zone de vente induite par des rayonnages plus profonds.
La file d’attente comme un cheminement
Autre solution avancée par les agenceurs : la file d’attente en serpentin. Elle consiste à créer un cheminement pour arriver jusqu’à la caisse. Elle convient plutôt aux grands espaces, mais peut aussi être installée dans des pharmacies plus petites. Quelle que soit la configuration, elle devra faire l’objet d’un arbitrage entre le pharmacien et l’agenceur, car elle occupe une surface au sol importante et ne doit pas perturber l’organisation et la circulation. Elle présente plusieurs avantages. D’abord, elle va matérialiser la file et la séparer, visuellement et physiquement, du rayonnage, évitant ainsi que les personnes dans la file d’attente ne gênent les autres. Bonus : son cheminement unique limite également les risques de « chamailleries » entre clients à propos de leur place dans la file.
Pour doper l’expérience client et rentabiliser la surface au maximum, la file serpentine peut être aménagée à l’aide de rayonnages ou de Plexibox à hauteur de main. Et ce, tout le long du cheminement jusqu’au comptoir. « Cela permet non seulement de susciter des achats d'impulsion, mais aussi de répondre à des oublis en mettant en avant des produits essentiels comme des gels douche », développe Christophe Besnard. Des écrans peuvent être ajoutés afin de diffuser des promotions, ou encore des informations sur des services de santé spécifiques dispensés par l’officine. Et si possible, « ne pas montrer la file d'attente depuis l’extérieur. Mieux vaut la déporter de l’entrée, car la concentration de personnes depuis l’extérieur […] est, en général, un repoussoir ! », prévient Philippe Plessis.
Le système de tickets génère chez les patients, la crainte de perdre leur tour, ce qui les incite à rester à proximité des caisses et complique l'organisation générale du flux dans l’officine
Philippe Plessis, président de Proexpace
L’encaissement automatique, ce n’est pas automatique
Très présent dans la grande distribution et le retail, l’encaissement automatique peut, en théorie, accélérer le passage en caisse. Mais d’après l’analyse de Philippe Plessis, ces outils ne répondent pas aux exigences du métier, où le passage au comptoir est obligatoire pour certains médicaments et où la mission de conseil est essentielle, y compris pour les produits de parapharmacie. Même son de cloche pour Besnard, directeur du Réseau Pharmacie Lafayette : « Quelques-unes de nos pharmacies l'ont testé […] Bien évidemment, il n’y a aucun conseil ni encaissement de médicaments derrière ces points-là. Et s'il y a vraiment une chose, pour moi, difficilement acceptable et entendable, c'est bien de supprimer cette partie conseil qui est importante pour le client-patient. »
D’autres ont plutôt décidé de mettre la technologie à contribution, via des services de tickets qui, là non plus, ne font pas l’unanimité. « Le système de tickets génère une appréhension chez les patients, celle de perdre leur tour, ce qui les incite à rester à proximité des caisses. Cela entraîne des regroupements spontanés qui perturbent la circulation dans les allées et compliquent l'organisation générale du flux dans l’officine », souligne Philippe Plessis.
Repenser le système par ticket
Consciente de cette problématique, la société Pharmasoft, en collaboration avec les agenceurs, a développé PharmaQ, une solution 360°, évolutive, conçue pour accompagner le client tout au long du processus d’achat. « L’idée est de contraindre le client au minimum, de ne pas l'obliger, à chaque fois qu'il entend une sonnerie, à se déplacer pour vérifier si son ticket a été appelé et risquer de gêner d'autres personnes », détaille Alain Vanzella, président et cofondateur de Pharmasoft avec Henri Peltier.
Le système se compose d’une ou de plusieurs bornes d’accueil interactives et multilingues, d’un système pour appeler les patients, d’afficheurs dynamiques pour indiquer les tickets appelés et d’une plateforme de gestion accessible via un navigateur web. Lorsque le patient interagit avec la borne, il doit d’abord choisir sa langue parmi le français, l’anglais, le russe, l’arabe, l’espagnol ou l’allemand.
Ensuite, il sélectionne sa file d’attente : avec ou sans ordonnance, retrait de commande ou comptoir prioritaire. Le choix n’est pas statique et peut être adapté aux besoins des pharmacies et de leurs patientèles, en y ajoutant des options. Par exemple, la vaccination : « Cela évite aux patients de faire la queue simplement pour savoir [si le pharmacien la propose, N.D.L.R.] », fait remarquer Alain Vanzella. Les comptoirs et services supplémentaires peuvent, par ailleurs, être activés ou désactivés en fonction des besoins.
L’écran délivre au client un ticket via QR code, SMS ou impression directe. Il peut aussi être obtenu à l’aide d’une carte de fidélité, ce qui permet d'accueillir le patient de manière nominative au comptoir. Une fois le ticket obtenu, le patient est libre d’aller et venir dans la pharmacie et éventuellement de compléter son panier en attendant d’être appelé.
Derrière le comptoir, le pharmacien opère le système sur une plateforme de gestion dédiée. Les motifs de visite y sont segmentés au maximum, et la plateforme renseigne le temps d'attente par comptoir pour chaque ticket. Le pharmacien peut ainsi prendre des décisions en fonction du temps d'attente de chacun, par exemple, et non pas uniquement en fonction des numéros.
Les solutions ne manquent pas pour se passer de la très imparfaite file unique. Tout l’enjeu consiste à sélectionner celle qui correspond réellement à la typologie de chaque pharmacie.
Le Click & Collect ne fait plus recette
Le Click & Collect a connu son heure de gloire durant la pandémie de Covid-19, période où l'optimisation du temps et des flux en pharmacie était cruciale afin de réduire le nombre de patients présents dans l’officine. Une fois la crise sanitaire passée, ce modèle peine à s’imposer. D’après le baromètre de la maturité digitale réalisé par Hélène Decourteix, en 2020, 58 % des groupements proposaient la e-réservation, mais moins de la moitié des pharmacies les déployaient.
Plusieurs freins expliquent cette situation : les coûts d’abonnement à des prestataires comme Pharmonweb ou Pharmanity, ainsi que l’investissement nécessaire en communication et en organisation interne. Par ailleurs, le public cible reste restreint : en 2021, 15 % des Français étaient en situation d’illectronisme et 61,9 % des 75 ans et plus ne pratiquaient pas les démarches en ligne. Ce service est donc peu utilisé pour passer commande, il sert davantage à vérifier la disponibilité des produits avant de se rendre en pharmacie.
V. M.
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