Le Quotidien du Pharmacien.- Pourquoi la démarque inconnue est-elle un enjeu majeur pour les pharmacies ?
Bertrand CADILLON.- La démarque inconnue peut représenter un coût élevé pour les pharmacies. Elle se définit comme l’écart constaté entre le stock comptable tel qu’il apparaît sur l’écran du logiciel officinal et le stock physique réel constaté lors d’un inventaire. En d’autres mots le produit qui existe à l’écran n’est plus en rayon ! La démarque inconnue est la somme de tous les produits qui disparaissent des inventaires, souvent due aux vols à l’étalage, parfois au coulage de salariés indélicats, et aussi des pertes dues à de la casse. Ces incidents affectent directement la rentabilité des pharmacies et exigent des mesures de sécurité adaptées pour protéger les caisses, les surfaces de vente, et les réserves. Les pertes peuvent provenir d’actes délibérés comme la dissimulation de produits, le changement d’étiquettes pour payer un prix inférieur, ou des articles non scannés. L’imagination des voleurs est sans limite !
Comment différencier un vol d’une perte accidentelle dans une officine ?
Bertrand CADILLON.- Identifier un vol dans une pharmacie nécessite un suivi continu des stocks et une comparaison entre le stock théorique et le stock réel. Les pertes accidentelles, comme les casses ou la détérioration de produits, peuvent être confondues avec des vols si l’analyse est imprécise. C’est pour cela qu’il est recommandé d’utiliser des outils de gestion qui surveillent en permanence le stock et d’analyser en détail chaque écart significatif en procédant à des contrôles ciblés sur une gamme ou une typologie donnée pour mieux comprendre ce qu’il se passe. Par exemple, si des produits coûteux, toujours les mêmes, disparaissent régulièrement, il s’agira sûrement de vols plutôt que de pertes accidentelles.
L’analyse par le cabinet comptable des variations des pourcentages de marge est-elle utilisable selon vous ?
Bertrand CADILLON.- C’est un indicateur qui fonctionne lorsque la démarque inconnue est très importante et qu’il s’agit d’une fraude très organisée. L’analyse par les inventaires est plus précise et plus rapide.
Comment le pharmacien doit-il gérer la démarque inconnue d’un point de vue comptable et fiscal ?
Bertrand Cadillon.- Comptablement, la démarque inconnue est considérée comme une perte d’exploitation et doit être enregistrée dans les comptes lorsque des distorsions apparaissent entre le stock physique et le stock informatique. Bien évidemment ces pertes peuvent être déduites fiscalement, mais le pharmacien doit documenter et justifier ces écarts en cas de contrôle. Pour éviter les complications fiscales, il est donc conseillé de conserver des registres précis des inventaires et de signaler tous les écarts constatés avec transparence. Cela peut également inclure des rapports périodiques d’inventaire pour montrer l’évolution des stocks et les actions entreprises pour limiter les pertes.
Les pharmacies connaissent-elles des taux de démarque inconnue comparables aux autres commerces de détail ?
Christian ALONZI.- En moyenne, les commerces de détail ont un taux de démarque inconnue de 1 à 2 % de leur chiffre d’affaires. Pour les pharmacies, ce taux peut varier en fonction des produits vendus et des dispositifs de sécurité en place. Étant donné que les pharmacies proposent des produits onéreux et de petite taille, elles sont plus vulnérables, et même un faible taux de démarque peut représenter une perte financière significative. À titre d’exemple, une pharmacie de centre commercial qui réalise un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros est à risque sur les produits en exposition, soit un tiers de son activité. Dans cette hypothèse une démarque inconnue non gérée de l’ordre de 2 % peut s’élever à 26 400 euros par an, soit plus de 2 200 euros par mois !
Quelles mesures de protection faut-il imaginer ?
Christian Alonzi.- Cela exige donc une vigilance accrue, des mesures de prévention adaptées et une formation du personnel. L’évolution de beaucoup d’officines vers un modèle de plus en plus ouvert avec de nombreuses gondoles proposant des produits recherchés crée indiscutablement un appel d’air pour les gangs de voleurs. La question de la gestion professionnelle d’une protection contre la démarque inconnue devient un vrai sujet pour ces officines.
Quels sont les produits les plus volés en pharmacie et quelles officines sont les plus exposées ?
Christian Alonzi.- Les produits les plus volés en pharmacie incluent les cosmétiques, les compléments alimentaires, les produits de parapharmacie, et certains médicaments OTC, en raison de leur valeur et de leur petite taille, facile à dissimuler. Les pharmacies situées dans des zones à fort passage, comme les centres-villes ou les quartiers commerciaux, sont souvent les plus ciblées. Les voleurs recherchent des produits faciles à revendre, ce qui augmente le risque pour ces officines. Les gangs repèrent également les officines mal protégées : comme les cambrioleurs, ils recherchent toujours la facilité !
Quelles sont les méthodes de prévention du vol les plus efficaces pour une pharmacie ?
Christian Alonzi.- La lutte contre le vol repose sur un ensemble de pratiques préventives. Il est essentiel d’optimiser l’agencement de la pharmacie en plaçant les produits sensibles dans des zones bien surveillées et proches du personnel. L’installation de caméras de surveillance est aussi cruciale, combinée avec une signalisation antivol. Des dispositifs antivols, comme les antennes et les étiquettes sur les produits et la formation du personnel pour repérer les comportements suspects, sont aussi des moyens dissuasifs efficaces. En période de forte affluence, un agent de sécurité ou des ressources supplémentaires peuvent également être mobilisés pour mieux surveiller l’espace. Les pharmaciens doivent aussi avoir à l’esprit que les toutes dernières techniques de vidéosurveillance, couplées à de l’intelligence artificielle intégrée dans les caméras, permettent de détecter les gestes suspects et améliorent de manière significative la protection contre la démarque inconnue.
Mais l’investissement dans des systèmes de sécurité vaut-il la peine pour une officine ?
Bertrand Cadillon.- Tout dépend de la typologie de l’officine, de l’organisation de la surface en libre-service et de la localisation. En règle générale, les officinaux perçoivent assez vite qu’il y a une réelle nécessité de faire quelque chose pour se protéger. L’investissement dans des dispositifs de sécurité est généralement rentable pour de telles pharmacies. En réduisant les pertes liées aux vols, il contribue directement à la rentabilité de l’officine. Par exemple, un système de vidéosurveillance performant, associé à des capteurs antivols, peut réduire les pertes de démarque inconnue de 20 % à 30 %, voire plus. Cet investissement qui peut représenter quelques milliers d’euros, voire dizaine de milliers d’euros, peut aussi être fiscalement amorti sur le moyen terme.
Que peut faire un pharmacien lorsqu’il surprend une personne en flagrant délit de vol ?
Christian Alonzi.- En cas de flagrant délit de vol, la loi autorise le pharmacien à appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche, mais il doit rester dans un cadre légal strict. Le pharmacien peut demander au suspect de rester sur place jusqu’à l’arrivée des autorités, sans recours à la force, sauf en cas de légitime défense. Dans ces cas, il est souvent recommandé de se former et de former le personnel à la gestion de tels incidents de manière calme et professionnelle afin d’éviter les escalades. Une intervention excessive pourrait entraîner des poursuites contre le pharmacien, même s’il s’agit de protéger son commerce.
Existe-t-il des méthodes pour différencier un vol commis par un client d’un vol interne, potentiellement commis par un employé ?
Christian Alonzi.- Distinguer les vols externes des vols internes repose souvent sur des audits de stock réguliers et l’utilisation de vidéosurveillance. Les pharmacies peuvent également utiliser des systèmes de traçabilité pour les produits sensibles et analyser les comportements à travers les caméras. L’analyse des anomalies dans les inventaires et la comparaison des habitudes ou horaires de disparition des produits peuvent indiquer si le vol provient d’un client ou d’un employé. Des logiciels spécialisés de plus en plus sophistiqués permettent de surveiller les mouvements de stock et de détecter des comportements atypiques. Il faut aussi avoir à l’esprit que les sites de revente en ligne sont souvent utilisés par les forces de l’ordre pour confondre les clients, voire les salariés indélicats.
Quelles sont les règles de la vidéosurveillance dans une pharmacie ?
Christian Alonzi.- En France, la vidéosurveillance est autorisée dans les zones publiques de la pharmacie, comme les rayons et les caisses, à condition que le public en soit informé par une signalisation visible. En revanche, il est interdit d’installer des caméras dans les espaces privés, comme les toilettes ou les zones de repos du personnel. De plus, les images enregistrées ne peuvent être conservées que pendant une durée limitée et dans le respect des directives de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés). Un non-respect de ces règles peut exposer l’officine à des sanctions.
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