« Il a eu jusqu’à 40 Monet dont 17 Nymphéas, plusieurs Bonnard, des Renoir, Vuillard, Marquet, Cézanne… » Antoine Lebouteiller, chef du département Art impressionniste et moderne chez Christie’s n’en finit pas d’égrener des noms de peintres à la cote inestimable, précisant, avec admiration « la peinture des Nymphéas conservée aujourd’hui au Metropolitan Museum de New York, c’est lui ! ». Lui, c’est le pharmacien Henri-Edmond Canonne qui fut un des plus grands collectionneurs de tableaux impressionnistes du XXe siècle. « Il avait une sensibilité particulière mais l’histoire de l’art n’a jamais vraiment rendu d’hommage à cet œil éclairé. Avec cette vente, nous réparons cet oubli », poursuit l’expert. Plusieurs chefs-d’œuvre passés entre ses mains sont aujourd’hui aux cimaises des plus grands musées du monde.
Sa petite officine ressemble alors à une grosse épicerie et investit bientôt trois immeubles. En 1930, elle était une des plus importantes de Paris
Un regard esthète et décisif
34 tableaux seront ainsi dispersés reflétant le « goût Canonne ». Et parmi eux, la lumineuse Leçon d’écriture de Renoir de 1905 (estimée à 2-3 millions d’euros) dont le pendant se trouve à la prestigieuse Barnes Foundation de Philadelphie. Faut-il préciser qu’Alfred Barnes (1872-1951) fut également un chimiste reconnu et un collectionneur de génie de l’art impressionniste ? Une sorte d’alter ego d’Henri-Edmond Canonne, à la même époque, outre-Atlantique ! On trouvera aussi un sensuel Nu se coiffant devant la glace de Bonnard de 1915 (estimé à350-550 000 euros) ou encore un délicat paysage de Pissarro, vers 1874, représentant le Quartier de l’Hermitage à Pontoise (estimé à 1-2 millions d’euros).
Une véritable galerie d’œuvres de qualité muséale (dont l’estimation globale se situe entre 6,7 et 10,3 millions d’euros) qui nous transmet le regard esthète et « décisif » - selon Antoine Lebouteiller - du pharmacien Henri-Edmond Canonne. Une sélection qui devrait affoler les enchères, d’autant que ces œuvres n’ont pas ou rarement été montrées depuis leur acquisition au début du 20e siècle. Pour exemple, en 2012, chez Sotheby’s Londres, L’Entrée de Giverny en hiver de Claude Monet, également issue de la collection du pharmacien, avait atteint 9,8 millions d’euros.
Mais comment a-t-il pu acquérir de tels trésors ? Sa galerie, située au 49 rue Réaumur (à l’angle du boulevard Sébastopol), faisait face au grand magasin Félix-Potin. Cet emplacement n’est pas anodin. Il le choisit avec soin, pour sa fréquentation, souhaitant être dans le « ventre de Paris ». Car Henri-Edmond Canonne est un pharmacien extrêmement doué pour le marketing. Il a le « gingin » du commerce. Venu de Lille, il s’implante à Paris en 1899 et commence à commercialiser une diversité extraordinaire de produits. Des médicaments bien sûr, mais aussi des eaux minérales – qui se vendaient à l’époque en pharmacie – et même des appareils photo avec un éventail incroyable de marques, de Kodak à Lumière, assortis de tout l’attirail nécessaire pour devenir un photographe amateur performant. Plus surprenant encore, Henri-Edmond Canonne commercialise aussi ses propres plaques de verre et produits révélateurs ! Une spécialisation qui n’est peut-être pas sans rapport avec sa passion pour l’art… Et c’est aussi depuis son officine qu’il pouvait se rendre facilement à l’Hôtel Drouot mais aussi à la galerie Bernheim-Jeune, auprès de laquelle il acquit plusieurs des tableaux emblématique de sa collection.
Confronté aux ravages de la tuberculose qui touche la population, il décide de mettre au point une petite boule de gomme arabique à base de cinq antiseptiques naturels
Coup de pub !
Sa petite officine ressemble alors à une grosse épicerie et investit bientôt trois immeubles. En 1930, elle était une des plus importantes de Paris. On imagine aisément que le lieu ne passait pas inaperçu d’autant plus qu’il se vantait d’être le pharmacien le moins cher de la capitale. Mais bien avant cela, en 1900, Canonne, confronté aux ravages de la tuberculose qui touche la population, décide de mettre au point une petite boule de gomme arabique à base de cinq antiseptiques naturels : eucalyptus, menthe poivrée, thym, pin des landes et bois de gaïac. La pastille Valda, pour soulager les maux de gorge, est née ! Avec ce slogan : « la préservation des voies respiratoires et la guérison des maladies de poitrine ». Il faut dire qu’à cette époque, il venait de perdre sa jeune épouse d’une fièvre typhoïde. Par la suite, il en gardera une obsession pour l’hygiène et les remèdes antiseptiques.
C’est ainsi que le Tout-Paris va s’en remettre aux bons soins du « Docteur Valda », ce personnage bonhomme, vêtu d’une redingote et d’un haut-de-forme qui s’affiche alors dans toutes les rues, croqué par l’illustrateur Georges Grellet. Bien au-delà de Paris, le « Docteur Valda », en véritable globe-trotteur et colporteur de la marque, traversera le monde, en même temps que la pastille verte devient un véritable phénomène aux quatre coins du globe. Le succès est faramineux. Partout, la publicité, à coups d’affiches, de slogans, d’encarts de presse et même d’automates publicitaires, vante ses bienfaits quand ce n’est pas le vocabulaire populaire qui s’en gargarise en diffusant la fameuse maxime « Tu vas la cracher ta Valda ! ». Le bonbon bienfaiteur d’Henri-Edmond Canonne devient alors aussi connu que la petite fille des chocolats Menier ou le Bibendum de Michelin. Et le pharmacien jouira de cette réussite en constituant une des plus belles collections d’art de l’époque. On ira se délecter devant ses chefs-d’œuvre, exposés dès le 2 avril dans les locaux de Christie’s à Paris, en n’oubliant pas de se munir d’une petite Valda rafraîchissante, dont le succès ne s’est toujours pas démenti.
Vente chez Christie’s Paris, 9 avril. L’ancienne collection d’Henri Canonne, une leçon impressionniste, exposition à partir du 2 avril. christies.com
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