Cas de comptoir
Le contexte : « Ma femme est constipée depuis qu’elle a débuté il y a trois jours un traitement avec de la morphine. Que me conseillez-vous ? »
Votre réponse : « Les analgésiques opioïdes sont connus pour provoquer un ralentissement du transit intestinal. En plus d’une hydratation suffisante, un laxatif non irritant doit être administré tous les jours. »
Définitions
- Constipation : ralentissement du transit intestinal induisant un retard et une diminution d’émission de selles.
- Fécalome : accumulation considérable de matières fécales sèches, dures et déshydratées dans le rectum.
- Fibres alimentaires : complexes glucidiques d’origine végétale, faiblement absorbées dans l’intestin grêle et agissant sur le transit au niveau du côlon. Les fibres solubles, augmentent la fermentation bactérienne colique et leur dégradation partielle favorise la stimulation du péristaltisme intestinal. Les fibres insolubles, non digérées, ont un fort pouvoir d’absorption de l’eau, formant ainsi une masse qui stimule le transit.
- Péristaltisme intestinal : contractions se faisant de haut en bas, dans l’estomac et l’intestin.
Une pathologie fréquente
La diminution du péristaltisme intestinal provoque le retard de l’acheminement des selles jusqu’au rectum. Elles restent ainsi dans le côlon, qui absorbe l’eau qu’elles contiennent : les selles deviennent déshydratées et plus difficiles à exonérer.
La constipation se caractérise par une émission inférieure à 3 par semaine de selles dures entraînant une sensation désagréable de lourdeur, des crampes abdominales, des ballonnements, ou des douleurs à la défécation.
< 3 selles dures par semaine, cela définit une constipation
Entre 15 et 20 % de la population française souffre de constipation, en majorité les femmes, en raison de la progestérone diminuant la mobilité des muscles intestinaux. En outre, les personnes âgées de plus de 55 ans auraient jusqu’à cinq fois plus de risque de souffrir de constipation que les adultes plus jeunes.
Les causes d’un transit intestinal paresseux et de la constipation sont multiples. Elles concernent habituellement un changement dans les habitudes de vie : survenue d’un stress, alimentation déséquilibrée ou modifiée par un régime, hydratation insuffisante, manque d’exercice physique, voyages, trajets longs…
Avec l’âge, le transit devient également paresseux avec la diminution du péristaltisme intestinal et du manque d’hydratation. La grossesse peut également expliquer la survenue du ralentissement du transit voire d’une constipation en raison de l’action de la progestérone ralentissant le transit ainsi que la présence du fœtus appuyant sur le système digestif.
La constipation peut être secondaire à une cause organique liée à une obstruction du gros intestin et/ou à un ralentissement du transit intestinal.
Les causes organiques sont nombreuses : pathologies digestives (exemple : cancer colorectal), maladies métaboliques (diabète, hypothyroïdie…), maladies neurologiques (sclérose en plaques, maladie de Parkinson), médicaments, etc.
Les complications fréquentes et peu graves de la constipation sont des douleurs anales, la survenue d’hémorroïdes ou de fécalome.
À garder en tête : la dépendance aux laxatifs liée à une utilisation abusive et durable de ces médicaments entraînant à la longue l’augmentation des doses et la survenue de constipation sévère à l’arrêt du traitement.
La maladie des laxatifs se rencontre majoritairement chez les femmes, pouvant souffrir de troubles psychologiques (phobie de la constipation, anorexie, recherche de maigreur). Les symptômes sont des anomalies hydroélectriques avec hyponatrémie et hypokaliémie, lésions de la muqueuse colique, colopathie fonctionnelle sévère et maigreur.
Conduite à tenir
Règles alimentaires primordiales
Les conseils alimentaires englobent une hydratation suffisante et une alimentation équilibrée et riche en fibres.
Il est important de boire au moins 1,5 litre d’eau par jour, voire 2 litres, afin d’hydrater les selles et faciliter leur exonération. Les soupes, tisanes, eaux riches en magnésium (Hepar…) alternées avec des eaux peu minéralisées et le jus de pruneaux, sont à favoriser. Éviter le thé et le café irritants ainsi que les eaux gazeuses pouvant aggraver les ballonnements.
L’action positive des fibres sur le transit implique une alimentation riche en fruits et en légumes. L’apport recommandé est de 25 à 35 grammes de fibres par jour, à augmenter progressivement pour éviter la survenue de ballonnements et de possibles douleurs abdominales. Les fibres solubles (pectines, gommes) sont retrouvées dans les fruits tels que les pommes, poires, fraises tandis que les légumes et les fruits secs, les céréales et les légumes verts sont majoritairement composés de fibres insolubles. Attention au son de blé, présent dans certains pains ou céréales, assez irritant, pouvant être remplacé par le son d’avoine.
Ainsi, à chaque repas, une crudité est conseillée et à l’un des 2 principaux repas, l’assiette sera composée d’une portion de légumes verts, d’une portion de légumes secs et d’un fruit, accompagnée d’une hydratation suffisante. Au petit-déjeuner peuvent être proposés 3 à 6 fruits secs comme les pruneaux, les abricots, les figues, les raisins secs. Les céréales et pains complets seront préférés aux céréales raffinées et pains blancs.
Pour mémoire, les fruits et légumes les plus laxatifs sont le kiwi, le melon, le jus de pomme et les épinards cuits.
Certains aliments sont à éviter comme les pâtisseries à la crème, le chocolat, les bananes, les carottes, le riz, les produits industriels et les viandes en sauce. Penser aussi à limiter, en cas de consommation excessive à l’origine de ballonnements et de douleurs abdominales, choux, oignons, céleri, ail, haricots blancs ou rouges.
Règles hygiéno-diététiques adaptées
Les intestins aiment la régularité. Il convient de respecter les horaires et d’aller à la selle quand le besoin se fait sentir. Le réflexe gastrocolique incite l’évacuation des selles généralement 30 minutes après les repas. En cas de retenue, les mouvements musculaires intestinaux diminuent alors que les selles s’assèchent au contact de la muqueuse, provoquant ainsi une constipation.
Un environnement calme, une posture adéquate sur les toilettes (pieds surélevés, genoux remontés vers la poitrine) et la pratique de massages abdominaux améliorent également l’évacuation des selles.
Enfin, ne pas oublier la pratique d’une activité physique régulière couplée à une marche digestive quotidienne afin de stimuler le réflexe d’exonération et de lutter contre des intestins paresseux.
La constipation iatrogène
Le ralentissement du transit et la constipation peuvent être d’origine iatrogène. Au comptoir, les patients doivent être avertis du risque devant des ordonnances comprenant les médicaments suivants : antalgiques opiacés, sirops antitussifs, antidépresseurs et neuroleptiques à effets anticholinergiques, anti-histaminiques H1 et H2, antiparkinsoniens, inhibiteurs de pompes à protons, anti-hypertenseurs (IEC, inhibiteurs calciques, diurétiques), clopidogrel, anti-épileptiques (prégabaline, carbamazépine), les suppléments en fer, certains anticancéreux et la méthadone.
Au pharmacien de conseiller des mesures diététiques et la prise d’un laxatif doux pour éviter la constipation.
Direction le médecin
L’orientation vers une consultation médicale est obligatoire chez les nouveaux-nés, les personnes âgées et en cas d’absence d’amélioration malgré des mesures hygiéno-diététiques adaptées.
La présence de sang dans les selles et/ou l’altération de l’état général (amaigrissement, vomissements, fatigue) sont également deux critères de consultation.
En cas de cause iatrogène, il convient de voir avec le prescripteur si l’arrêt ou une modification de traitement est possible.
Conseil officinal
Régulariser le transit et améliorer les symptômes associés sont les objectifs thérapeutiques pour relancer le travail digestif.
Les antispasmodiques
Les antispasmodiques permettent de diminuer l’intensité de la douleur. Peuvent être proposés : le phloroglucinol (80 à 160 mg jusqu’à 3 fois par jour), la trimébutine (100 à 200 mg 3 fois par jour) et l’association alvérine-siméticone (3 capsules par jour).
Les laxatifs
Ils doivent être proposés si la constipation est installée et s’accompagne de maux de ventre, de ballonnements et de douleurs à la défécation.
En conseil, les laxatifs ne doivent pas être proposés dans les maladies inflammatoires de l’intestin (rectocolite hémorragique, maladie de Crohn), les syndromes douloureux abdominaux de cause indéterminée, les syndromes occlusifs.
En première ligne : les laxatifs osmotiques et les laxatifs de lest.
Les laxatifs de lest (psyllium, sterculia, ispaghul et fibres alimentaires) non absorbés et retenant l’eau et les électrolytes, augmentent le volume du bol fécal, stimulant ainsi le péristaltisme intestinal. Ils sont à ingérer avec une quantité importante d’eau. L’efficacité est ressentie au bout de 48 heures. Les effets secondaires les plus fréquents sont les ballonnements survenant les premiers jours de traitement.
Les laxatifs osmotiques (lactulose, lactitol, polyéthylène-glycol (PEG) et hydroxyde de magnésium) correspondent à des glucides complexes augmentant l’hydratation des selles par attraction de l’eau dans la lumière intestinale. Les patients doivent être prévenus qu’il faut attendre 24 à 48 heures avant que le médicament n’agisse.
Les laxatifs lubrifiants (huile de paraffine ou vaseline) sont conseillés en cas de selles dures pour faciliter leur évacuation par lubrification de la muqueuse intestinale. Ils peuvent entraîner une diminution de l’absorption des vitamines lipophiles A, D, E, K en cas d’administration au long cours et sont à éviter chez les personnes souffrant de troubles de la déglutition (risque de fausse route et pneumopathie).
Réservés aux patients en bonne santé atteints de constipation occasionnelle, les laxatifs stimulants, tels que les dérivés anthracéniques (aloès, séné, bourdaine, tamarin) et le bisacodyl ont un effet rapide en moins de 12 heures. Ils stimulent la motricité intestinale et diminuent la réabsorption de l’eau au niveau du côlon. Ils sont irritants pour la muqueuse intestinale et peuvent provoquer une diarrhée. Ils ne doivent pas être utilisés plus de 10 jours. Ils sont contre-indiqués chez les enfants, la femme enceinte ou allaitante, chez l’insuffisant cardiaque et en cas de colopathies fonctionnelles inflammatoires ou de maladies rectales.
Les laxatifs stimulants ne doivent pas être utilisés plus de 10 jours et sont contre-indiqués chez de nombreuses situations
Les laxatifs de contact (lavement Normacol, suppositoires Eductyl ou à la glycérine) peuvent aussi être conseillés pour un soulagement immédiat de la constipation, en moins de 30 minutes.
Attention aux interactions médicamenteuses à prendre en compte, avec les hypokaliémiants, les diurétiques, les digitaliques, l’amphotéricine B, les corticoïdes…
Laxatifs stimulants et interactions médicamenteuses
Les laxatifs irritants peuvent provoquer une hypokaliémie. Dans plusieurs situations, on choisira un laxatif non stimulant.
- Médicaments torsadogènes :
Les laxatifs irritants sont contre-indiqués avec les médicaments susceptibles de provoquer des torsades de pointes :
Antiarythmiques : amiodarone, brétylium, disopyramide, quinidiniques, sotalol…
Non antiarythmiques : astémizole, bépridil, érythromycine IV, halofantrine, pentamidine, sultopride, terfénadine, vincamine…
L’hypokaliémie est un facteur favorisant, de même que la bradycardie et un espace QT long pré-existant.
- Digitaliques :
L’hypokaliémie favorise les effets toxiques des digitaliques
- Autres hypokaliémiants :
Les diurétiques hypokaliémiants (seuls ou associés), amphotéricine B (voie IV), corticoïdes (gluco-minéralo : voie générale), tétracosactide sont à éviter.
Probiotiques
Les probiotiques sont des micro-organismes vivants, retrouvés dans les aliments fermentés comme les produits laitiers fermentés, la choucroute, le kéfir…
Apportés en quantités suffisantes, certaines souches des genres Lactobacillus et Bifidobacteria (dont Bifidobacterium lactis et Bifidobacterium casei) ont montré une certaine efficacité sur la constipation en améliorant la fréquence et la consistance des selles ainsi que le temps de transit. Ils peuvent être associés aux prébiotiques, aliments non digestibles comme les fructo-oligosaccharides et l’inuline. Ces derniers sont dégradés dans la partie terminale de l’intestin en participant au bon développement du microbiote intestinal. Ils permettent également la progression du bol alimentaire.
En complément
Une supplémentation en magnésium peut être conseillée à raison de 400 mg par jour grâce à ses propriétés positives sur la motricité intestinale.
Du côté de l’homéopathie, peuvent être proposées en systématique les souches suivantes : Alumina 5 CH, Nux vomica 9 CH et Opium 5 CH à raison de 5 granules deux fois par jour pour lutter contre la constipation. Le complexe Gastrocynesine ou les souches Carbo vegetalis et Colocynthis permettent de diminuer l’intensité des symptômes douloureux.
En phytothérapie, peuvent être proposés des extraits de boldo, stimulant musculaire et régulateur du transit ainsi que la sauge, antispasmodique.
Le tamarin, riche en pectine, agit comme un laxatif de lest. Il peut être associé à la gomme d’acacia et au pruneau, tous deux composés de fibres augmentant le volume des selles et accélérant leur élimination.
Le plantain, stimulant le transit, la mauve, ramollissant les selles et le romarin, augmentant la production de bile, peuvent aussi être proposés en mélange pour infusion, à consommer jusqu’à deux fois par jour. Attention aux plantes irritantes comme le séné ou la bourdaine.
Testez-vous
1. Quelle est la quantité de fibres à consommer quotidiennement ?
a) Entre 10 et 20 grammes par jour ;
b) Entre 20 et 25 grammes par jour ;
c) Entre 25 et 35 grammes par jour ;
d) Plus de 50 grammes par jour.
2. Chez une femme enceinte souffrant de constipation peuvent être proposés :
a) L’huile essentielle de romarin ;
b) Le macrogol ;
c) Le bisacodyl ;
d) La consommation de pruneaux.
3. Les plantes à favoriser pour lutter contre la constipation sont :
a) Le séné ;
b) La bourdaine ;
c) La mauve ;
d) Le plantain.
4. L’alimentation quotidienne pour lutter contre la constipation comprend :
a) Du riz ;
b) Des fruits secs au petit-déjeuner ;
c) Du pain blanc à tous les repas ;
d) Des fruits crus à chaque repas.
Réponses : 1. c) ; 2. b) et d) ; 3. c) et d) ; 4. b) et d).
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